L’Autre regard : Algérie : l’équation de la transition

Abdelaziz Bouteflika a enfin compris la détresse de son peuple. Après six semaines de contestation, le président algérien a remis sa démission au Conseil constitutionnel dans la soirée du mardi 2 avril 2019. Même si cette capitulation intervient avant la fin de son mandat constitutionnel prévu pour le 28 avril, elle est tout de même tardive, car la situation a eu le temps de se gangréner de manière irréversible.

En effet, les Algériens, au départ, ne demandaient que la renonciation du président à un nouveau mandat. Ensuite, ils ont poussé plus loin en demandant son départ immédiat et sans condition. Actuellement, ils exigent la mise sur le carreau de tous les dignitaires du chef de l’Etat algérien. Ainsi donc, à force de s’entêter, Bouteflika, après 20 ans de pouvoir, sort par la petite porte, éventuellement avec tout son entourage. C’est du reste ce qui peut apaiser la situation dans son pays.

Maintenant que l’octogénaire est parti, la difficile équation reste la gestion de la transition jusqu’à l’organisation d’une élection présidentielle. Constitutionnellement, cette transition de 90 jours maximum doit être dirigée par le président du Conseil de la nation, l’équivalent du Sénat dans certains pays. Le problème est que l’actuel président de ce conseil, âgé de 77 ans, est une personnalité centrale de ce régime décrié par la rue.

L’option d’une transition menée par des figures du pouvoir étant catégoriquement rejetée, qui donc pour piloter le navire? Avant la démission de Bouteflika, des sources proches de son entourage évoquaient la possibilité de nommer une autre personnalité pour conduire la période transitoire. Et les Algériens y tiennent, quitte à ne pas respecter la Loi fondamentale. D’ailleurs, les appels à la dissolution du Conseil de la nation, de l’Assemblée des représentants du peuple et du gouvernement se multiplient.

Selon les protestataires, il faut former un Conseil constitutionnel indépendant ou une Assemblée constituante qui conduira la période transitoire et organisera les élections. Et pour être sûrs du changement réclamé, ils souhaitent que cette transition aille au-delà des trois mois afin de permettre de réviser non seulement la loi électorale mais aussi le fichier. La raison évoquée, les Algériens n’ont plus confiance à ces instruments, mis en place par l’équipe sortante.

C’est dire que le travail ne fait que commencer et le peuple algérien doit rester éveillé s’il ne veut pas avoir des surprises désagréables au bout du compte. Les moyens d’y parvenir ne manqueront pas, déjà que l’armée s’est montrée disposée à l’accompagner dans ce sens. Elle en a donné la preuve en poussant à deux reprises le vieux Bouteflika à la porte par des prises de position tranchées. Il reste à espérer qu’elle reste sur cette position jusqu’au dénouement final de la crise.

Quoi qu’on dise, cette « révolution » algérienne est une victoire de plus pour la démocratie africaine après celles du Burkina Faso, de la Tunisie et de l’Egypte, pour ne citer que les plus récentes. Le message est clair : le pouvoir est désormais au peuple et gare à celui qui tentera de le bâillonner. Avis donc aux tripatouilleurs de Constitutions.

Daniel ZONGO

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