Le « 4e pouvoir » en orbite

Un cadre annuel d’échanges directs entre le Président du Faso et les acteurs publics et privés du secteur des médias et de la communication vient d’être institué au Burkina Faso. L’annonce a été faite par le ministre porte-parole du gouvernement à l’issue du Conseil des ministres du mercredi 24 février 2021. En attendant son effectivité, cette instance constitue une avancée majeure qui remet « le 4e pouvoir» en orbite. Ce, depuis la fin de la Révolution d’août 1983, qui a aussi marqué le début d’une certaine distanciation entre les tenants du pouvoir et les hommes de médias et qui a connu son paroxysme avec l’assassinat non encore élucidé du journaliste d’investigation Norbert Zongo, le 13 décembre 1998.

Même si l’ex-président Blaise Compaoré rencontrait, dans un cadre moins formel, les patrons de médias. Il est, en effet, de jurisprudence constante, que la liberté de la presse est un principe fondamental des systèmes démocratiques, au point que l’article 11 de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme que «la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme » qui peut donc en jouir pleinement, « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». C’est dire que très tôt, les démocrates ont compris l’importance pour l’homme d’avoir « sa part de vérité  » sur tous les sujets, quitte, pour lui, à respecter l’harmonie et l’ordre social.

Pour autant, cette liberté de la presse ne s’est pas exercée sans heurts, pour ne pas dire sans traumatismes, sous toutes les latitudes du globe terrestre, pour peu que certains journalistes se donnent la liberté de penser autrement que selon les puissants du moment. Ce qui a valu à nombre d’entre eux d’être les moutons de sacrifice de la «raison d’État ». Mais là n’est pas notre propos. Disons que cette ère « d’amour-haine » entre le pouvoir politique et celui des médias semble révolue au Burkina Faso, du moins avec la décision du dernier Conseil des ministres d’instituer un cadre de concertation entre les deux entités pour une cohabitation harmonieuse et réciproquement bénéfique, et partant pour un ancrage plus profond de la démocratie.

Cette concertation au sommet entre patrons de presse, journalistes, communicateurs aussi bien des secteurs public que privé est salutaire à plus d’un titre. Il est de notoriété publique que le système médiatique classique est en pleine recomposition économique dans un environnement assez «polluant » pour le métier.
De nombreux acteurs ont tendance à croire, à tort ou à raison, « que toutes les paroles se valent ». Dans cette optique, ce tête-à-tête entre 1er et 4e pouvoir permettra de lever les quiproquos, mais surtout d’évoquer les préoccupations essentielles de ce corps de métier dans une démarche inclusive.

Dès lors, se présente la nécessité pour les journalistes de parler d’une même voix, en bannissant les querelles de chapelles puériles. Au-delà de l’appartenance des acteurs des médias et de la communication à des administrations, aux modes de fonctionnement différents, il n’y a pas une manière « publique» ou « privée » d’exercer le métier. Aussi, les entreprises de presse, quelles que soient leurs formes juridiques, sont-elles confrontées aux mêmes réalités : absence d’une messagerie de presse, approvisionnement en matière première (papier journal), poids des taxes, arriérés de paiement des prestations à certains services de l’Etat…
En un mot, cette volonté présidentielle d’« institutionnaliser » les relations avec le monde des médias marque un autre tournant décisif pour la démocratie burkinabè en pleine construction.

Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr

 

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