Le 8-Mars n’est pas une fête

Au Burkina Faso, la 165e Journée internationale des droits de la femme a été célébrée, dans la sobriété, sous le thème « Défis sécuritaire et sanitaire : quelles stratégies pour une meilleure protection des femmes ? ». A part quelques activités festives organisées çà et là par des particuliers ou des mouvements associatifs, il n’y a pas eu de célébration officielle en grande pompe. Le traditionnel face-à-face entre le chef de l’Etat et les femmes n’a pas non plus eu lieu.

Comme on peut le deviner à travers le thème de cette année, l’heure n’est pas à la fête au pays des Hommes intègres, qui entame une nouvelle transition politique, depuis le coup d’Etat du 24 janvier 2022, dans un contexte sécuritaire très préoccupant. Ce thème appelle, à en croire le ministère de tutelle, à la solidarité de l’ensemble des Burkinabè face aux importantes conséquences de la double crise sanitaire et sécuritaire sur les populations en général et particulièrement sur les femmes.

Depuis plus de six ans, le Burkina Faso est confronté à des attaques terroristes à répétition, qui ont fait environ 2 000 morts, selon certaines sources officielles et 1 579 976 de déplacés à la la date du 31 décembre 2021, d’après le Conseil national de secours d’urgence (Conasur).

Comme dans toute crise humanitaire, les femmes, qui représentent 22,34% des déplacés internes et les enfants (61,66%), paient un lourd tribut, surtout dans les cinq régions à forts défis sécuritaires : le Nord, le Centre-Nord, le Sahel, l’Est et la Boucle du Mouhoun. Il est inutile de rappeler les souffrances des femmes, victimes de multiples violences, dans ces zones à risques.

D’une crise à l’autre, les femmes burkinabè, majoritairement présentes dans le secteur informel, n’ont pas non plus échappé aux conséquences socioéconomiques de la pandémie de la COVID-19, qui a paralysé l’économie mondiale et nationale. Déjà confrontées à la pauvreté et aux discriminations en tout genre, leur situation s’est davantage compliquée avec les crises sécuritaire et sanitaire.

Même si ces dernières années, des efforts ont été consentis pour l’épanouissement des femmes, en matière d’accès à l’emploi, à l’éducation, aux financements et à la santé et en terme de représentativité politique, elles sont toujours exposées aux pesanteurs socioculturelles.

Elles sont perçues à tort comme des êtres inférieurs, par des esprits conservateurs et rétrogrades, qui ont besoin de s’adapter à l’évolution du monde. Des lois favorables à l’autre moitié du ciel ont beau être adoptées au Burkina Faso, elles peinent à émerger sur la scène publique, à part quelques particularités qui donnent de l’espoir.

Il y a des femmes battantes dans les différents secteurs d’activités qui forcent l’admiration avec leurs initiatives. A l’évidence, la condition des femmes burkinabè n’est pas enviable, mais ont-elles véritablement conscience des enjeux liés à leur statut. Loin de nous l’idée de ternir leur image, mais il faut reconnaitre que bon nombre de femmes burkinabè ignorent le sens de la Journée internationale de la femme, instituée en 1977 par l’Organisation des Nations unies (ONU).

Pour celles-ci, c’est un rituel annuel, qui leur permet de se parer de beaux habits cousus à base des pagnes tissés ou imprimés du 8-Mars, et d’aller faire la fête sans complexe dans les bars, maquis et autres espaces de réjouissances. A leurs yeux, c’est un jour pour réaffirmer sa féminité. Il suffit pourtant de boire à la source de l’histoire, pour s’apercevoir que le 8-Mars n’est pas une fête.

Cette journée trouve son origine dans les nombreuses luttes menées sur les continents européen et américain, au début du 20e siècle, par des ouvrières, en vue de réclamer de meilleures conditions de travail, le droit de vote et la fin des inégalités entre hommes et femmes. Le 8-Mars s’inscrit donc dans la pure réflexion, et permet d’année en année, de faire le point des avancées en matière de protection et de promotion des droits des femmes dans le monde et en particulier au Burkina Faso. C’est tout le bien-fondé de cette journée, vidée de sa substance par certaines femmes. Une autocritique s’impose alors…

Kader Patrick KARANTAO

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