Le Burkina ferait un grand bond en avant si…

Quand nous étions petits, nous rêvions d’être un enseignant ; armé d’un bâton de craie blanche dans une main et une longue règle jaune dans l’autre, dans nos têtes, nous étions déjà fiers d’être appelés Monsieur, Madame. Devant le parterre d’élèves bleus aux têtes à remplir, nous faisions le serment de transmettre la connaissance jusqu’à la table de la lanterne rouge. Nous avions de l’admiration pour notre maître et nous voulions être comme lui. Il avait fière allure dans ses gestes ; de sa chemise blanche aux manches longues qui épousait à la perfection son pantalon noir repassé à la règle, il avait l’élégance d’un gentleman. Sa voix remplissait la classe et faisait vibrer les murs quand il nous faisait la lecture ou la dictée.

Sa belle écriture nous donnait l’appétit des lettres et des mots. Quand il traçait une ligne droite, il s’appliquait avec un air grave qui dénotait de sa volonté de bien faire. A l’épreuve de la conjugaison ou de la division, le fouet venait parfois réveiller en nous ce qui dormait sans effort. Mais nous voulions malgré tout être enseignant. Quand le maître arrivait, nous nous précipitions vers lui pour prendre son sac en cuir noir et marcher devant lui avec fierté. Le premier à réussir le coup dandinait sous le poids de nos cahiers de devoirs avec en tête le grand rêve : être enseignant un jour ! Parce qu’enseigner pour nous était le métier le plus noble.

Quand nous étions petits, nous voulions être pilote de l’air pour décoller, fendre les airs et atterrir à l’autre bout du monde. Les bras tendus, nous courrions en vrombissant et en planant les pieds sur terre, la tête dans les nuages. Nous rêvions de pousser des ailes, de toucher le ciel et de conquérir le monde. Conduire un avion pour nous était le plus beau des métiers.
Quand nous étions petits, nous rêvions de devenir médecin. En blouse blanche, les mains gantées et le stéthoscope enfouis dans les oreilles, nous mimions le spécia-liste attentionné qui palpe et rassure le malade en souriant. Nous jouions à écouter battre le cœur de nos camarades et à leur administrer des piqûres aux fesses ou au bras. Nous étions médecins et nous rêvions de guérir le monde avec notre passion et notre amour du métier. Nous nous amusions même à infliger des coups de seringue aux parents qui se prêtaient au jeu en leur prodiguant des conseils pour rester en bonne santé. Parmi nous, il y avait des pédiatres, des cardiologues et même des chirurgiens.

Même si la blouse était plus longue que le médecin et traînait par terre ; même si le thermomètre était un bout de bois placé sous l’aisselle ; même si des morceaux de bonbons faisaient office de comprimés et même si l’ordonnance était un gribouillis de charabia sur du papier, nous étions des médecins. En dépit de nos maladresses, nous étions dans l’allégresse de soulager les peines factices de nos malades. Parce que dans nos têtes à peine vides, nous étions remplis de rêves et d’ambitions. Nous étions médecin un jour ; nous rêvions de le devenir pour toujours.

Quand nous étions petits, nous rêvions d’être policier, gendarme ou militaire. Nous étions fascinés par la tenue kaki ou bariolée qui incarnait la puissance publique et l’autorité. Nous étions engagés à défendre notre pays et à sécuriser nos villes et campagnes. Nous avions la fougue de veiller un jour sur la sécurité des Burkinabè et nous scandions avec gloriole : « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! » sans la moindre réserve. Nous avions du plaisir à crier : « Garde à vous ! » et à observer le « Repos ! » du chef avec gratification. Parmi nous, il y avait des caporaux, des sergents, des capitaines et des colonels ; il y avait même quelques généraux.

Nous rêvions surtout d’être capitaine comme Thomas Sankara, cet homme qui avait fait de notre intégrité le creuset de notre indépendance. Nous rêvions même d’être président, comme Thomas Sankara.
Quand nous étions petits, nous rêvions de devenir quelqu’un demain. Etre quelqu’un, c’est être l’homme de ses rêves ; c’est se battre pour des causes qui dépassent nos petites raisons de vivre. Malheureusement, aujourd’hui, nos enfants rêvent d’être ministre ou président sans savoir être un bon citoyen. Il y en a même qui ne jurent que par le nom d’Iron Biby, mais ils ne font rien pour soulever un seau d’eau à moitié vide.

Si seulement le pilote pouvait descendre de ses nuages et dire aux élèves de CE2 de l’école du bas-fond comment il a fait ! Si le chirurgien pouvait avoir du temps pour parler de son métier aux élèves de Loropéni ou de Kantchari ? Si seulement Hugues Fabrice Zango pouvait aller faire un triple-saut dans nos écoles primaires et raconter l’histoire épique et atypique de son bronze en or olympique, le Burkina ferait un grand bond en avant !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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