Le challenge de Moïse Katumbi

Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute. L’ex-gouverneur du Katanga en République démocratique du Congo (RDC), Moïse Katumbi, est candidat à la présidentielle du 20 décembre 2023. Le richissime homme d’affaires en avait fait l’annonce au cours d’une interview accordée à France 24 et RFI, avant que son parti, Ensemble pour la République, ne l’investisse officiellement, le jeudi 22 décembre, à la clôture de son congrès ordinaire. Katumbi n’était pas le seul à vouloir défendre les couleurs de sa formation politique au prochain scrutin présidentiel.

Il y avait cinq autres prétendants qui ont désisté à son profit, un consensus ayant été dégagé autour de sa candidature. L’ancien gouverneur du Katanga s’est engagé à restaurer la paix dans son pays, dont la situation est « chaotique » à son avis. « Nous devons arriver à bouter l’ennemi dehors et mettre fin à la guerre d’agression dont notre pays est victime. Nous avons tous besoin de la paix et de la tranquillité afin de nous consacrer au développement de notre pays et à l’amélioration du vécu quotidien de notre population », a déclaré Katumbi.

Son rêve le plus cher, dit-il, est de bâtir un « Etat juste, une République exemplaire, où chacun pourra vivre en sécurité et dans la dignité, par le fruit de son travail ». L’annonce de la candidature de Katumbi a été suivie de celle de sa rupture avec la coalition autour de l’actuel chef de l’Etat, Félix Tshisekedi. Ce qui n’est pas étonnant. Les deux hommes ne filaient plus le parfait amour, depuis des mois, sur fond de rivalité pour la prochaine présidentielle.

Leur alliance, scellée en fin 2020, n’a tenu, que le temps de peaufiner leurs agendas personnels. Le choc des ambitions présidentielles est tel que leur union ne pouvait que voler en éclats. Opposant le plus redouté par ces temps qui courent, Katumbi sera face au président Tshisekedi, candidat à sa propre succession. « J’ai une vision pour ce pays, je veux la concrétiser. Si le peuple veut bien m’accorder ce second mandat, je poursuivrai ma mission. Et après, je passerai la main », avait déclaré l’actuel chef de l’Etat en 2021.

Eu égard à ces propos, Tshisekedi est dans la dynamique de rempiler et rien ne pourra l’arrêter. Il œuvre depuis des mois à affaiblir son désormais ex-allié, Katumbi. Le chef de l’Etat congolais a débauché des proches de l’homme d’affaires, notamment trois des cinq ministres qu’il a envoyés au gouvernement. Aussi Tshisekedi a-t-il visiblement décidé de ne plus promouvoir des affidés de Katumbi à des postes de responsabilité dans l’administration publique.

Le champion d’Ensemble pour la République, qui n’est pas dupe, a certainement tiré les conséquences de ces manœuvres du parti au pouvoir, l’UDPS. En rompant les amarres avec la coalition présidentielle, Katumbi en donne la pleine illustration. L’histoire se répète pour l’ancien gouverneur qui s’était rapproché de l’ex-président, Joseph Kabila, avant de s’en éloigner, comme c’est le cas avec Tshisekedi.

Ainsi vont les alliances en politique : elles se font et se défont au gré des intérêts. Katumbi va-t-il pour autant briguer la magistrature suprême avec succès ? Il ne marche pas à proprement parler sur un boulevard. Le président sortant tient les leviers du pouvoir, avec ce que cela peut impliquer comme dérives. Le camp présidentiel, qui semble déjà mettre des bâtons dans les roues de Katumbi, pourrait travailler à compromettre ses chances. L’opérateur économique a été victime de pas mal de combines sous Kabila, avec qui il a renoué le contact en mai dernier, après huit ans de guerre ouverte.

Sa candidature à l’élection présidentielle de décembre 2018 avait été rejetée pour binationalité. Sans oublier les accusations de fraude portées contre lui et qui l’avaient contraint à l’exil pendant trois ans. Kabila et Katumbi sont pourtant tous originaires du Katanga. L’ex-gouverneur devra donc se battre pour arracher les clés du palais présidentiel aux mains de Tshisekedi, plus que jamais déterminé à se maintenir au pouvoir en vue d’achever ses chantiers.

Autant que faire se peut, le businessman de classe mondiale pourrait nouer des alliances au sein de l’opposition, au besoin avec le probable prétendant, Kabila ou avec Martin Fayulu, candidat malheureux face à Tshisekedi en 2019. Encore faut-il, que l’opposition fasse bloc derrière lui, les intérêts n’étant pas forcément les mêmes.

Kader Patrick KARANTAO

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