Le défi de l’anticipation

Cette fois et comme depuis quelques temps, ce sont des populations sans défense qui sont prises pour cibles. Le samedi 4 janvier dernier, un minibus ralliant Toéni à Tougan au Nord-Ouest du Burkina Faso a sauté sur un engin explosif improvisé. Le bilan provisoire, selon un communiqué du gouvernement, fait état de 14 morts, 19 blessés, parmi lesquels, des élèves et des femmes.

Ce énième massacre dans une province sous couvre-feu depuis quelques mois, intervient après plusieurs mises en garde des Groupes armés terroristes (GAT) qui, après les régions du Nord, de l’Est, semblent de plus en plus s’enkyster dans la zone frontalière boisée avec le Mali comprise entre Tougan-Dio, Gomboro-Gani-Sémé et Loroni-Toéni.

Profitant de quelques failles du maillage sécuritaire, les groupes armés terroristes ont infiltré quelques localités, pris le contrôle de points d’eau, interdit des marchés de villages à l’image de Toéni où la quasi- absence de trafic routier leur a permis de poser des engins explosifs improvisés avant de passer à l’acte. Mais il y a fort à parier que l’appel du gouvernement à la population « à rester mobilisée et vigilante en cohésion avec les FDS » sera bien entendu dans la zone.

En effet, cette attaque qui a visé des civils innocents pourrait sonner la révolte et la levée de l’omerta qui a souvent régné au sein des populations de cette partie du pays. Elles qui ont cru, à un moment, pouvoir garantir leur quiétude contre le silence voulu par des GAT qui écument leurs patelins. Au-delà du renforcement visible du dispositif sécuritaire dans toutes les localités et des survols, l’un des principaux défis des prochains mois est celui de l’anticipation. Anticipation, à travers notamment la prévention des comportements à risques des populations dans leur déplacement.

Selon des informations données par le gouverneur de la région de la Boucle du Mouhoun, en fin novembre, la seule province du Sourou enregistrait 138 écoles fermées et accueillait à cette date 3 687 déplacés dont 2 561 élèves. Juste avant la dernière attaque du 4 janvier, la ville de Tougan accueillait 3012 élèves déplacés. Il est urgent, par exemple, que le ministère de l’Education nationale prenne des mesures fermes pour que cette catégorie de déplacés renonce au reflexe d’emprunter, en nombre, des sentiers dangereux chaque fin de semaine pour rejoindre les villages.

Comment maintenir les élèves dans les villes et villages où ils sont déplacés au moins pour un trimestre à défaut de toute l’année scolaire ? A moyen et long terme, on peut néanmoins avoir un motif de satisfaction au regard des actions d’anticipation déployées tous azimuts. En plus de faire face aux menaces immédiates, l’Exécutif a créé le 11 octobre 2019, le Centre national d’études stratégiques en défense et sécurité (CNESDS). Ce centre, s’il est suivi rapidement d’effet et soutenu par des moyens matériels et humains conséquents, permettra, à coup sûr, de gagner ce défi incontournable de l’anticipation dans le combat contre le terrorisme.

En effet, le traitement adéquat des questions de défense et de sécurité au niveau national et international qui lui sera dévolu, n’aura pas seulement un but heuristique. Il permettra surtout de donner au grand public les clefs de compréhension des rapports de force afin de mieux se prémunir de la menace car la sécurité des citoyens dépend avant tout d’eux-mêmes. En somme, la volonté d’anticipation sur les questions sécuritaires a été affirmée par le président du Faso Roch Marc Christian Kaboré.

Il a annoncé dans son traditionnel message à la Nation le 31 décembre dernier, la fin des travaux du comité chargé de l’élaboration de la Politique de sécurité nationale (PNS) et de la poursuite du processus. Espérons qu’elle clarifiera les missions, les moyens et les aspects organisationnels de chaque composante des FDS pour que celles-ci puissent se concentrer sur l’essentiel : la défense et la sécurité intérieure du pays dans un esprit de coproduction.

Par Mahamadi TIEGNA

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