Le Père Noël viendra après Noël !

Le Père Noël nous a encore posé un lapin cette année. Le barbu en rouge et blanc ne descend désormais du ciel que sur rendez-vous. Il paraît qu’il y a de plus en plus d’arcs-en-ciel au-dessus de nos tropiques et que l’épée de Damoclès plane au-dessus de nos têtes. Le père Noël ne rend donc plus visite à la terre. C’est la terre qui se déplace vers lui. Mais depuis que la terre n’est plus tout à fait ronde, elle ne tourne que sur un côté entre léthargie et hémiplégie.

Elle semble ne plus pouvoir tourner en rond, parce qu’en elle quelque chose ne tourne pas rond. Avec tout son poids, elle a de la peine à nous concéder un jour et une nuit complète. Et si l’on y prend garde, elle risque de s’arrêter en plein milieu du cosmos. Il paraît qu’il n’y a pas de raccourci dans la rotation et qu’il faut faire le tour complet. D’ailleurs, cela fait des lustres que les nuits sont de plus en plus longues que les jours.

Malheureusement, malgré sa nonchalance apparente, sous d’autres cieux, elle tourne à donner le vertige. Comme le Titanic dans son immersion, seuls ceux qui sont à la proue du navire périront les derniers. Mais à quoi bon périr le dernier si nous sommes tous des galopins du même destin dans un bateau qui navigue à vue ? Comme le Titanic, au final, il n’y a plus de différence entre la première classe et la seconde, entre la seconde et la dernière, entre les riches et les pauvres. Même ceux qui se sont précipités dans les canots de sauvetage n’ont pas pu ramer à temps contre la montre.

Le Père Noël nous a encore posé un lapin. C’est le coup du lapin pour tous ces mômes qui ont regardé le ciel dans son infinie bonté, sans gain de cause. Le Père Noël serait-il lui aussi en rade ? C’est une question que le commun des bambins ne peut comprendre, de surcroît répondre. Du reste, fini, les souliers par milliers et les jouets en quantité ; fini, les surprises à coup de magie et les jeux de bouffon sur fond de comédie inédite. Cette année encore, il nous a boudés.

Mais selon des indiscrétions, même le Père Noël aurait des problèmes au ciel. Le ciel aurait-il des limites dans sa propre infinité ? La Providence serait-elle elle-même à cours de provision ? En tout cas, l’ère des chèques en blanc semble céder la place à celle des chèques en bois pourléchés avec une langue de bois fourchue mais mal fourbie. De toute façon avec ou sans Père Noël, les mages verront l’étoile qui mène au messie.

Mais dans ce monde ondoyant où la veste se porte à l’envers, où la toge porte des taches noires sur du noir, tous se présentent comme des sauveurs. C’est dommage que beaucoup continuent de nous rabâcher les oreilles, en scandant qu’ils vont pallier le problème. Alors qu’il suffit simplement de pallier le problème pour que la solution ne soit temporaire. Finalement, à quoi servent les cadeaux du Père Noël si ce ne sont que des souliers importés déjà portés ?

A quoi serviront des jouets déjà usités dans une crèche que nous ne bâtissons plus de nos propres mains ? A quoi sert le Père Noël s’il s’est rasé la barbe et le crâne pour dissimuler sa calvitie ? A quoi sert-il vraiment sans son costume rouge et blanc ? L’habit ne fait donc pas le Père Noël ! L’essentiel c’est ce qu’il nous apporte du ciel. Peu importe qu’il soit en boubou blanc ou noir ; tant pis s’il porte un maillot aux couleurs de l’intégrité.

Il peut même porter un gilet de sauvetage pour libérer les otages ; il peut enfiler un gilet jaune (pardon, gilet pare-balles) et marcher sur la pointe des pieds dans le sable mouvant ; pourvu qu’il nous jette les cadeaux du ciel avant de sombrer. Mais que deviendrons-nous sans le Père Noël ? Nous n’avons qu’un pain rassis et un poisson péché à la ligne de l’autre.

Qui va nous multiplier ce pain sans levain ? A quelle « faim » courons-nous sans fin en vain vers la mare aux poissons d’avril ? Au lieu d’attendre le Père Noël, tenons bien la queue de la poêle et invitons chacun à apporter sa truelle pour bâtir sans fiel comme les ouvrières d’une ruche. Sinon, nous continuerons d’attendre le Père Noël, même après Noël !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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