Le printemps du made in Burkina

L’achat de produits locaux par les structures publiques est estimé à près de 30 milliards F CFA en 2017, a-t-on appris du compte rendu du Conseil des ministres du 14 novembre 2018. Pour le premier semestre de l’année en cours, ce montant a déjà atteint 18 milliards F CFA, selon les données recueillies auprès des départements ministériels.
En droite ligne des initiatives similaires, plus ou moins volontaires, prises depuis les années d’indépendance (les cadres de l’administration étaient en cotonnade généralement maculée), sous la Révolution démocratique et populaire et au cours de la période post révolutionnaire, avec des fortunes diverses, l’arrêté du Premier ministre portant achat des produits alimentaires locaux par les structures étatiques dans le cadre de leur approvisionnement est en train de prendre corps progressivement avec des résultats jugés satisfaisants. Même si la mesure gouvernementale a été dictée par la mévente et les difficultés d’écoulement de certains produits locaux (riz, pomme de terre, tomate, ognon, niébé, sucre et huile alimentaire), force est de reconnaître que certaines structures étatiques, à forte capacité de consommation, ne se sont pas fait prier pour se l’approprier.  De gros efforts restent cependant à fournir car, ce ne sont que six départements ministériels (Education nationale, Défense,  Finances, Infrastructures et Mines) qui ont pris à bras-le-corps cet appel renouvelé à «consommer burkinabè».
Loin d’être une politique de repli sur soi ou de faire entorse aux règles du commerce communautaire et mondial, le pays a à cœur, de promouvoir les produits du cru dans les commandes publiques faites aux organisations paysannes et autres services traiteurs, dont le sempiternel  plaidoyer semble enfin avoir été pris en compte. Cette initiative n’apportera pas seulement un bon petit pactole aux producteurs, transformateurs locaux. Elle est en soi capitale dans la lutte contre la pauvreté quand on sait que le triptyque (production-transformation – consommation locale) représente un enjeu de développement endogène, de création d’emplois ruraux et même d’affirmation de la souveraineté.  Si les achats locaux peuvent paraître anecdotiques, rapportés au volume des importations de produits agroalimentaires, il faut reconnaître qu’ils s’inscrivent dans la «dynamisation des secteurs porteurs et créateurs  à travers le développement industriel, basé sur la transformation des produits locaux».  Dans ce qui s’apparente à un printemps du «made in Burkina Faso», le gouvernement a déjà obtenu des compagnies minières au moins 25% d’achats locaux de biens et services miniers. Il a aussi  incité à la promotion et à la valorisation des étoffes locales (Faso Danfani) à l’occasion des événements à caractère national avec le constat d’une adhésion plutôt volontaire de nombreux Burkinabè.
Pour la simple raison que les produits locaux dans leur diversité se sont affinés  au fur et à mesure, de sorte que la qualité n’est plus tout à fait un obstacle au moment de faire des choix. Les produits agroalimentaires, de par les nombreuses améliorations variétales, répondent de plus en plus aux desiderata des consommateurs. Pour consolider cet élan qui réunit toutes les conditions de leur décollage, au regard de la conjoncture internationale actuelle, il revient à l’Etat de lever les derniers goulots d’étranglements pour que l’achat et la consommation de produits du cru deviennent de simples automatismes dans l’administration publique et au-delà. Il s’agira notamment d’étoffer la liste des produits, de sensibiliser la chaîne de la commande publique et les différents acteurs pour une interprétation juste de la mesure.
Au moment où le pays s’apprête à opérationnaliser l’accord de l’OMC sur la facilitation des échanges commerciaux, la consommation locale représente l’un des
défis majeurs en vue de bâtir un marché intérieur viable
dont l’aboutissement nécessite
un soutien franc de chaque compatriote.
Par Mahamadi TIEGNA

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