Le requiem du CFA ?

A cinq jours près, le franc CFA, né le 26 décembre 1945 en France, aurait célébré son 74e anniversaire. Mais ce 21 décembre 2019, le requiem d’une monnaie, longtemps considérée comme « vecteur de sécurité avec une garantie de parité», a été fait, dans un contexte où les populations surtout jeunes réclamaient à cor et à cri sa fin. Ce n’est pas encore le décrochage pur et simple prôné par certains irréductibles, mais Abidjan devient le point de départ de nouvelles réformes dites
« courageuses » vers une liberté monétaire, gage d’une vraie indépendance pour les huit pays d’Afrique de l’Ouest ayant en partage le F CFA. C’est certainement un autre challenge pour les dirigeants et les populations. La fin de cette monnaie annoncée par Alassane Ouattara, président en exercice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), était pressentie. « Nous avons décidé une réforme du franc CFA avec trois changements majeurs (…) dont le changement de nom et l’arrêt de la centralisation de 50 % des réserves au Trésor français à partir de juillet 2020 », a-t-il déclaré. A Ouagadougou, lors de son premier voyage en Afrique, le président Macron avait été on ne peut plus explicite, en déclarant que « si les Africains font le pas vers la fin du CFA, la France ne pourra qu’entériner ».
En revanche, la petite phrase sibylline de M. Macron a de quoi tempérer les ardeurs de plus d’un souverainistes monétaires : « La France garde un rôle de garant en cas de crise. Si jamais les pays de la zone Eco n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France le fera. Reste que si l’on en arrive à là, Paris se réserve le droit de revenir dans une instance de décision, en l’occurrence le Conseil de politique monétaire ». En accédant à cette volonté de passer du CFA à l’Eco, avec les mêmes aspects de convertibilité avec l’Euro, Macron, en fin tacticien, entend contrecarrer le supposé sentiment anti français. En attendant la clarification de cette politique monétaire, c’est une nouvelle ère qui s’annonce pour les huit pays de l’UEMOA, quitte à ce que la zone CEDEAO épouse cette démarche. Etant conscient que les ex-colonies réclament une souveraineté monétaire, Macron a vite fait de céder à un pan des revendications. On serait tenté de dire que le président français a voulu s’offrir un bol d’air, surtout qu’il est confronté à une fronde sociale dans son pays. Fondamentalement, la tendance et la réalité du terrain semblent être au renforcement de la coopération entre la France et l’Afrique, surtout dans le volet sécuritaire. Le Sahel a besoin de la solidarité internationale et d’un appui conséquent de ses partenaires. Toutefois, cet appui doit s’opérer dans un cadre cohérent, pour éviter le manque de coordination des initiatives.

Par Mahamadi TIEGNA

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