Le « roi » Sassou-Nguesso

Toux ceux qui veulent voir la page Denis Sassou-Nguesso, tourner, devront encore mourir d’impatience.  Le président congolais, aux affaires depuis près de quatre décennies, n’est pas prêt à prendre une retraite, aussi dorée soit-elle. Loin s’en faut !  Comme pour répondre aux appels incessants et plus ou moins orchestrés de ses partisans, ce septuagénaire a annoncé sa candidature à sa propre succession, le samedi 23 janvier 2021. Faut-il y voir une manière d’affirmer qu’il est un architecte plein au service du Congo-Brazzaville, Sassou-Nguesso a brisé le silence lors d’une cérémonie de lancement de travaux de construction d’une route à Kibangou dans le Niari, dans l’Ouest du pays. « Nous nous portons candidat à l’élection présidentielle de mars prochain. Nous pensons qu’ensemble, dans la paix, nous allons poursuivre la longue marche vers le développement de notre pays », a-t-il lancé à l’occasion. Par souci du détail, un scénario a été planifié et exécuté avant cette annonce, puisque les notables de Kibangou ont remis à Sassou-Nguesso ce qu’ils considèrent comme attributs du pouvoir : une vieille natte et une autre toute neuve, symbole de continuité, d’après eux.  Bien évidemment, cette nième candidature n’est pas appréciée par la société et l’opposition, qui estiment que le régime de Sassou-Nguesso est usé et n’est plus capable de faire des merveilles.  Mais certains opposants, qui ne veulent pas voir le président sortant, seul en lice, vont se jeter dans la bataille, dans l’espoir de lui ravir la vedette dans les urnes. En attendant d’autres candidatures assumées, il y a déjà dans celles de Guy Brice Parfait Kolélas, candidat malheureux de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki) à la présidentielle de 2016 et de l’ancien ministre des Finances, Mathias Dzon. Tout comme les autres prétendants qui viendraient à se déclarer, ces deux personnalités ne devraient pas constituer un souci pour Sassou-Nguesso, qui connait bien les acteurs de la scène politique congolaise comme sa poche. La plupart d’entre eux ont servi à ses côtés à un moment donné, avant d’entrer en dissidence. Ce parachutiste de l’armée, qui roule sa bosse en politique depuis plus d’un demi-siècle, a appris à vivre avec le pouvoir, qu’il affectionne particulièrement, à en juger par son parcours mouvementé. Réputé être un dur à cuire, Sassou Nguesso aime manier le gouvernail, peu importe les circonstances. A la suite du décès tragique du président Marien N’Gouabi, il a dirigé le Congo sans élection démocratique, de 1979 à 1992, au bon vouloir du Parti congolais du travail (PCT), qui avait une primauté sur l’Etat.  De 1992 à 1997, il va connaitre une traversée du désert, après sa défaite face à Feu Pascal Lissouba à la faveur de la première élection présidentielle libre et transparente dans le pays. La démocratie ne semblant pas être son dada, Sassou-Nguesso va revenir aux affaires de force, en reversant, avec l’aide de l’armée angolaise, de soldats tchadiens et de mercenaires rwandais, Lissouba, celui-là même qui l’avait battu dans les urnes. La sanglante guerre civile qu’il avait engagée contre le président démocratiquement élu aura finalement eu raison de celui-ci, contraint à l’exil. Ainsi est Sassou-Nguesso, ce personnage à la réputation de despote, dont la gouvernance laisse à désirer, malgré une croissance économique jugée « solide » dans son pays. En dépit des importantes ressources portuaires, minières et pétrolières, les Congolais tirent le diable par la queue, s’ils ne l’ont pas arraché, ce qui laisse entrevoir une gestion clanique des finances publiques.  Surnommé par certains de ses détracteurs « le dernier roi du Congo », Sassou-Nguesso devrait sans surprise rester à la tête du pays, à l’issue de la présidentielle du 21 mars prochain, vu sa mainmise totale sur l’appareil d’Etat et son influence avérée sur l’armée.  Même s’il se vante d’être un « apôtre de la paix », un « bâtisseur », un « rassembleur » et un « modèle de gouvernance », comme le décrit le documentaire sur sa vie intitulé « Le pouvoir et la vie », co-réalisé par le directeur de rédaction de Jeune Afrique, François Soudan et Jean-Baptiste Farran. En tous les cas les Congolais, dont bon nombre attendent le vent du changement, savent séparer le bon grain de l’ivraie.  Ils devront donc se battre pour mettre véritablement leur pays sur le chemin de la démocratie. Ce combat vaut tous les sacrifices…

 

Kader Patrick KARANTAO

 

 

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