Le temps de la patrie : le rouge du sang de nos martyrs !

«Pour rappel, le territoire burkinabè est intégralement, formellement déconseillé (zone rouge) ou déconseillé sauf raison impérative (zone orange). Les déplacements en zone rouge sont à proscrire absolument. En zone orange (déconseillé sauf raison impérative), les déplacements doivent s’accompagner de mesures de sécurité renforcées : escortes de sécurité, hébergements sécurisés. Il convient d’être extrêmement vigilant et de rester discret sur les itinéraires empruntés et les lieux de destination de ces déplacements. » Ce sont là, les recommandations officielles de la France relatives à notre pays, publiées le 7 septembre et confirmées valides le 20 septembre 2021.

Est-ce vraiment notre Burkina ?

Une carte en rouge-sang est affichée pour illustrer ces recommandations, pour l’analphabète qui n’aurait rien compris, malgré « le poids des mots », le choc des images hyperboliques et les rappels ou les répétitions. Il est question de « zone rouge » et de « zone orange ». En réalité, la dite « zone rouge », c’est tout le territoire du Burkina avec, au centre, un zest d’orange, comme un petit camp retranché, un château-fort, à l’image de l’ambassade elle-même et de ses démembrements qui sont là pour « raison impérative », conformément aux recommandations. On nous parle d’« itinéraires », de « déplacements », qui doivent « s’accompagner de mesures de sécurité…renforcées ». Les « mesures » de sécurité ne suffiraient donc pas ! Elles doivent être « renforcées » ! Comment ?

On ne le sait pas !! Nous ne nous risquerons pas à supposer que les concernés se déplacent à Ouagadougou en voitures blindées, avec des escortes survolées par des drones, avec, en prime, des agents de sécurité invisibles postés au coin de chaque rue de l’espace parcouru de manière inconsidérée. Comme le dirait un ancien président de la sous-région toujours de ce monde : « On est où-là » ? Est-ce le même Burkina Faso que nous connaissons tous et que nous parcourons tous du matin au soir ; pas dans le Nord, ni dans certaines parties de l’Est ni du Sud, mais quand-même ! Faut-il que je mette le nez dehors ?

Au petit matin, quand j’entends la ville qui s’éveille (tiens !), est-ce que je dois faire comme tous ceux qui osent s’aventurer dehors ? Orange ? Ceux qui le font sont-ils des inconscients, des super-hommes, des fous, ou alors, sont-ils eux-mêmes la menace ? Sont-ils eux-mêmes le danger ? Nous sommes allés aux nombreuses gares routières de la capitale saturées de véhicules de transport et qui grouillent de monde. Au sortir de Ouagadougou, aux points de contrôle, le rythme de passage des véhicules de tourisme et de transport poids lourds est très significatif et par moments, intense ! Orange ? Sur les nombreuses voies du Burkina, ceux qui circulent ou voyagent dans les nombreux cars de voyageurs en rencontrent d’autant.

Des habitants manifestent même pour réclamer la réhabilitation de routes truffées de nids de poules ou tout simplement, la construction de voies nouvelles pour désenclaver des régions économiquement épanouies. C’est du rouge, ça ? Plusieurs citoyens se reprochent à d’autres leur inconscience, parce qu’ils trouvent encore le temps et l’argent et l’insouciance suffisante pour « faire la fête » dans les bars et buvettes qui truffent nos cités urbaines et rurales. C’est du rouge, ça ?

Rouge ? Pour Qui ?

Au fait, quand on colore notre pays tout en rouge (couleur du danger) pour une bonne partie des pays occidentaux, à qui s’adresse-t-on ? En intégrant la logique de ceux qui ont peint et dépeint notre pays de la sorte, nous pouvons dire que le message s’adresse à tous ceux qui le lisent et qui savent ce que ces mots et symboles signifient. Le terrorisme et le banditisme nous avaient été annoncés depuis des décennies déjà par certaines chancelleries, surtout après la catastrophe libyenne qui a libéré et éparpillé des armes et suscité et créé des esprits diaboliques dans nos régions.

De prétendus parents et amis, des responsables de haut vol, ont pactisé avec ces esprits maléfiques, pour des causes étrangères et à nos valeurs et à nos intérêts à moyen ou long terme. Il y a même parmi eux, des « frères », pour célébrer aujourd’hui encore, ce pacte avec le diable, comme une preuve de la sagesse d’un certain président qui nous a épargné, disent-ils avec fierté, les foudres du terrorisme, pendant que certains de nos voisins en payaient le prix fort en termes de morts et de réfugiés jusque sur notre territoire.

Ceux qui nous ont fait souffrir des siècles durant, ont freiné notre développement, exploité de manière scandaleuse nos richesses, nié notre humanité, comment peuvent-ils nous croire toujours naïfs au point de leur accorder aujourd’hui le bon Dieu sans confession, quand tout le monde crie sur tous les toits, comme un certain général l’avait si bien dit, qu’un pays « n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts » !? Est-ce que le fait d’avoir des terroristes dans une zone donnée mérite qu’on la peigne en rouge vif ? Cela mérite-t-il que l’on fasse plus que déconseiller ses compatriotes de s’y rendre ? Si oui, « on » sait ce qu’ « on » a fait à ceux qui lui en veulent radicalement, au point de vouloir sa mort.

L’alliance sacrée de ceux qui font le jeu du monde et leurs sous-traitants révèle que nous ne sommes que l’herbe qui souffre sous les pieds énormes des éléphants en train de se battre pour dominer le globe et imposer leurs lois. Quand le terrorisme a frappé au cœur de Paris et dans d’autres départements de l’Hexagone, on n’a pas peint la France en rouge ! Ni Londres ! Ni New-York ! Ni tous ceux qui commémorent régulièrement les actes sanglants de ces barbares d’un autre âge. Mais ils trouvent suffisamment de ressources et de détermination pour tenter de convaincre les autres que leurs villes, régulièrement la proie d’actes terroristes, sont des lieux, des destinations…touristiques par excellence ! La guerre psychologique Pourquoi donc ce double langage ?

Chez nous, on dit que « ce n’est pas parce qu’une femme a vu une autre porter une belle corbeille qu’elle jetterait sa vieille calebasse » ! Nous aussi, nous devons avoir foi en nous-mêmes. Nous devons « Oser lutter et savoir vaincre ! » Malgré notre million et demi de réfugiés, malgré nos milliers de blessés dans nos corps et dans nos âmes, malgré nos morts, nous devons aller de l’avant, encore et toujours. Ne nous trompons pas de cibles. Nous sommes un peuple résilient. Malgré nos faiblesses, malgré les erreurs et les fautes de certains de nos dirigeants, malgré nos divisions, nous devons rester debout. Et nous le sommes ! Et nous accueillons même des réfugiés de pays voisins et frères ! On veut nous faire croire que nous ne sommes plus rien.

Que nous n’étions rien et ne serons jamais rien. Thomas Sankara disait dans son célèbre discours à l’ONU, le 4 octobre 1984 : « Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’Humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes ». Il a poursuivi : « L’esclave qui refuse d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère… »

Nous sommes depuis longtemps la proie de prédateurs intellectuels de tout acabit qui nous attaquent quotidiennement sur Internet et dans nos relations interpersonnelles. Ils sont dans notre quotidien, agissent parfois directement mais le plus souvent « sous couverts », jamais à découvert, parce qu’ils savent que ce qu’ils font ou font faire est mal, est criminel et ils ne sont pas prêts à l’assumer en plein jour. Ils ne sont jamais responsables de rien mais disent que les autres sont coupables de tout. Ils affutent leurs armes idéologiques et matérielles à l’ombre du désespoir des Burkinabè.

La psychose est l’un des leviers de leurs manœuvres sordides. Cette carte du Burkina peut, nous dirons même, veut créer chez le récepteur du message, la pyrophobie, cette peur du feu. Une peur irrationnelle, plus ou moins intense, déclenchée par une circonstance qui, elle-même, ne présente pas nécessairement de danger.

Apprendre a vivre avec !

Dans l’environnement malsain, fait de peurs permanentes et irraisonnées, des messages de ce genre, relayés par ceux qui mettent leurs intérêts particuliers au-dessus de ceux du peuple, de notre peuple, visent à créer une angoisse tout aussi permanente qui amplifierait automatiquement tout acte malveillant, toute action de l’ennemi. Où frapperont-ils prochainement ?

Quand le feront-ils ? Il nous faudra apprendre à vivre avec. Pas parce que nous sommes défaitistes, mais parce que c’est une douloureuse réalité. Même les puissances les mieux équipées militairement et les plus nantis en technologies de pointe ne peuvent pas assurer ou garantir absolument la fin du terrorisme. Ce qui est sûr, c’est qu’ils frapperont. Parce qu’il y a des échéances fortes. L’étude du calendrier de leurs actes suicidaires et meurtriers révèle que les dates symboles de notre Burkina bien-aimé sont leurs préférences pour semer le désarroi :

– le 11 octobre, c’est le jugement relatif à l’assassinat du Président Thomas Sankara et ses douze compagnons d’infortune. Parmi les accusés absents comme présents se trouvent les dieux, les tout-puissants, d’hier dont certains se réclament aujourd’hui de la sainteté ;

– Le 15 octobre, c’est la date de cet assassinat collectif qui choqua, bouleversa et révolta tant d’humains à travers le Burkina, l’Afrique et le monde par son caractère abject, honteux et ouvertement immoral et par la personnalité, si non « la qualité » des victimes. Ceux qui ont peur de la vérité, ceux qui ne veulent pas d’un Burkina libre et prospère, ceux qui veulent faire des Burkinabè des psychopathes attendent que le diable et ses suppôts allument le feu et fassent de notre pays, le temps de leur action, un enfer, afin de leur donner l’opportunité de surgir pour dire à la face de tous : « Vous voyez ! On vous l’avait bien dit, que tout va mal ! »

Nous savons ce que ceux qui ne nous aiment pas veulent faire de nous, Burkinabè, quelle que soit notre ethnie, quel que soit notre bord politique. A nous de choisir notre camp. Nous n’avons pas comme d’autres, deux patries : l’une où l’on peut semer le bordel. Et l’autre où l’on peut aller se réfugier quand « ça chauffe ». La patrie, notre patrie, exige l’unanimité et même l’unanimisme autour de sa cause ! Parce que nous n’avons pas deux patries, mais une et une seule !

A nous de choisir notre thérapie. A nous de nous battre, pour La Patrie, Notre Patrie à Nous ! Si le rouge qui colore cette carte n’est pas le sang de la peur, n’est pas le rouge « du feu de l’enfer, de la damnation », si ce rouge est la couleur du sang de nos glorieux enfants qui ont accepté de verser leur sang et continuent de le faire autant qu’il le faudra pour notre Faso, oui, nous l’accepterons ! Gloire à nos valeureux martyrs ! A bientôt !

Dr Jean-Hubert BAZIE

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