Les ennuis de Maurice Kamto

Alors qu’il séjournait à Douala, la capitale économique, pour rendre visite à des membres de son parti, blessés lors d’une manifestation samedi dernier, le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, a été arrêté par la police, dans la soirée du lundi 28 janvier 2019.

Aux dernières nouvelles, le candidat malheureux à la présidentielle d’octobre dernier (il est arrivé 2e derrière Paul Biya qui rempilait pour un énième mandat à la tête du pays) serait en train d’être transféré à Yaoundé. Bien que le président sortant a été confirmé comme le vainqueur de l’élection par le Conseil constitutionnel et investi, Maurice Kamto continue de revendiquer sa victoire dans les urnes. Contre ce qu’il appelle un « hold-up électoral », l’opposant avait appelé ses partisans à manifester pacifiquement à travers toutes les grandes villes du Cameroun, le weekend dernier.

Il n’en fallait pas plus pour que le pouvoir en place durcisse le ton, puisque 117 personnes ont été arrêtées par les forces de l’ordre. L’on a enregistré aussi de nombreux blessés parmi elles. En réponse à cette répression musclée, Maurice Kamto avait invité ses hommes à poursuivre la mobilisation.

Son arrestation et celle de nombreux membres influents du MRC sonne comme une descente aux enfers pour lui. Le pouvoir en place est en train de prendre au sérieux l’opposant qui s’est précipitamment autoproclamé président de la République au soir de la présidentielle d’octobre 2018. Si à cette occasion, ces déclarations avaient été qualifiées de fantaisistes et surréalistes par le camp présidentiel, cette fois-ci, le régime Biya veut employer la méthode forte contre celui qui veut jouer les «troubles-fêtes». En plus de l’interpellation de Maurice Kamto, le ministre de l’Administration territoriale a brandi une menace de suspension provisoire ou définitive de son parti, le MRC, « si les indices concordants de troubles à l’ordre public sont établis ». Et en de circonstances pareilles, le pouvoir aura l’imagination assez fertile pour « coincer » Kamto et sa formation politique. Cette attitude du pouvoir en place contre l’opposant est le signe, que l’opposant commence à inquiéter.

Il urge donc de prendre des mesures drastiques contre le candidat malheureux qui ne parvient pas à digérer sa «défaite». Mais la répression est-elle la solution contre les revendications pacifiques du MRC ? Absolument pas ! D’autant que la crise anglophone qui secoue le Cameroun depuis 2016 a fini par s’enliser. Il ne sied donc pas d’en rajouter. Il serait judicieux de faire l’économie de la violence pour tendre la main à un opposant qui a du mal à refermer la parenthèse électorale au lieu de travailler à son musellement.

Le contraindre au silence sonne comme un déni de démocratie et laisse une porte ouverte à une autre crise. Le Cameroun a mal à son unité aujourd’hui et il serait périlleux de mettre derrière les barreaux l’un des rares opposants qui ose même si son attitude irrite quelque peu. Dans ce contexte de fragilité, il y a lieu de privilégier le dialogue avec Kamto et son camp au lieu de s’engager dans un bras-de-fer contreproductif. Il y va aussi de l’image de la démocratie camerounaise.

Karim BADOLO

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