Les travers des réseaux sociaux

Le débat sur la confidentialité des données privées utilisées par l’application WhatsApp, rachetée par Facebook en 2014, continue de cristalliser les attentions. La raison, ce géant de la messagerie électronique a annoncé la modification de ses conditions générales d’utilisation, le 8 février 2021, menaçant même de fermer les comptes des utilisateurs qui s’y refuseraient. Au regard de la polémique sur la question, l’on est tenté de s’interroger sur les véritables implications qui sous-tendent cette nouvelle politique de confidentialité qui fait « jacasser » tant d’utilisateurs de la plateforme numérique à travers le monde. A y voir de près, elle stipule que, dorénavant, les données personnelles pourront être partagées avec Facebook, Messenger ou Instagram telles que les noms, les images de profil et les numéros de téléphone des utilisateurs et de leurs contacts.

En effet, ces données permettront de cerner encore mieux les profils d’utilisateur sur toutes les plateformes de la famille Facebook, avec en ligne de mire de proposer de la publicité ciblée et de rentabiliser la messagerie gratuite. Clairement, la nouvelle donne de confidentialité vise la monétisation de la plateforme, de sorte que les annonceurs puissent contacter leurs clients via WhatsApp, voire d’y vendre directement leurs produits. Est-ce donc dire que les appréhensions des uns et des autres se trouvent être infondées et incongrues ? Ou encore sont-elles symptomatiques de l’intérêt trop poussé qu’ils portent à leurs vies privées ? De tout évidence, il n’est pas à exclure que la mise à jour des conditions générales d’utilisation annoncée par WhatsApp donne libre cours à des cybercriminels de pirater les données personnelles d’honnêtes utilisateurs à d’autres fins. Mais au-delà de toutes ces élucubrations qui fusent, c’est la question même de l’utilisation rationnelle, judicieuse et responsable des réseaux sociaux qui est remise au goût du jour.
En vérité et toutes proportions gardées, ce n’est un secret pour personne que bon nombre d’adeptes des réseaux sociaux savent très peu les dangers, en termes de protection de la vie privée, qu’ils encourent à travers les utilisations hasardeuses et désordonnées qu’ils en font. «Aujourd’hui, chacun, jeune ou moins jeune, doit se familiariser avec le nouvel environnement numérique.

Et pour y parvenir, il est plus important d’informer et d’éduquer sans relâche », avait lancé la commissaire européenne à la société de l’information et aux médias, Viviane Reding. En effet, devant l’essor du numérique et le foisonnement des réseaux sociaux, l’éducation et la sensibilisation au numérique devront trouver tout leur sens. En considérant l’utilisation qui en est faite de nos jours, il est impérieux d’accompagner les internautes vers une compréhension critique des logiques communicationnelles et des enjeux d’ordre économique, politique, social et technique des usages de ces médias numériques. Et ce serait, croyons-le, de l’intérêt de tous. Car, ainsi que l’avait prévenu le spécialiste en Intelligence économique, Christian Harbulot, l’exploitation des failles de Facebook, auquel appartient désormais WhatsApp, permet de «détourner l’outil pour servir des desseins malveillants et dans tous les domaines ».

Autant dire que face à ces éventuels désagréments tant redoutés, plutôt que de jeter l’anathème sur ces firmes, les usagers des plateformes numériques gagneraient à savoir raison garder dans les diverses utilisations des réseaux sociaux. Ce, d’autant plus que le meilleur moyen de contenir sa vie privée passe par soi-même. Sauf cas de force majeure, c’est aussi par soi que tout ce qui nous concerne, peut se trouver sur la place publique. Cela, avec des conséquences néfastes sur notre personnalité, notre devenir. Or, ne dit-on pas que la force d’un homme, c’est ce que l’on ignore de lui ? Pour ce faire, les réseaux sociaux, devenus des outils quasi incontournables dans les pratiques quotidiennes, doivent être « consommés » à bon escient, en ayant à l’esprit tout leur potentiel aussi bien sur le plan positif que négatif. Les réseaux sociaux n’ont jamais été, en effet, neutres. Quiconque peut tomber dans leurs travers, si des précautions préalables ne sont pas prises.

Il faut savoir s’en prémunir par usage raisonné. Gageons donc que la polémique démesurée qui prévaut autour des nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp serve de tremplin à une prise de conscience sur ce que renferme véritablement une utilisation à vau-l’eau et imprudente des réseaux sociaux. Et dans un tel contexte, donner aux citoyens les moyens adéquats, les attitudes conscientes et critiques face aux produits, aux contenus et aux services offerts par ces plateformes de communication est devenu un enjeu majeur. Car, la construction d’une société où se cultive une citoyenneté responsable, gage de paix et de développement en dépend.

– Soumaïla BONKOUNGOU

Laisser un commentaire