Lettre à mes élèves

Après une année scolaire de galère et de dur labeur, ma mission s’arrête là et je vous quitte avec un peu de douleur. Après tant de temps passé ensemble sur le chemin du parchemin, il est temps de faire le bilan pour prendre le bon élan et ne pas repartir les bras ballants. C’est sûr, notre aventure a connu quelques allures faites de ratures, mais jamais de cassures, je vous assure ! Des moins deux aux devoirs de déboire en passant par les gros zéros des ‘‘interro’’ qui méprisent les héros des heures creuses, mon cœur se creuse. L’incompréhension de certaines punitions a suscité l’émotion et même la tension dans le bastion des bavards nullards, ces tarés têtards qui barrent la vue aux petits veinards au regard de renard. C’est vrai, parfois j’en avais marre, à maintes fois j’ai voulu anticiper mon départ, fuir ce cauchemar pour des horizons plus peinards, mais vous savez, le hasard est le rempart du ringard, blague à part ! Parfois, j’ai le cafard, mais il n’est jamais tard. Je pars, loin du bazar, de vos tares, sans pétards, sans crier gare, je me barre ! Tant pis pour les stars qui « bossaient » dans les bars et volaient de rancart en rancart au gré des avatars. Ce sont les tocards du ‘‘boileau’’ qui vont à vau-l’eau pour faire tonneau au premier tour, mais tant pis pour les moineaux. Je pars, peut-être nulle part, mais je pars ! Mon ambition a été de détruire en vous la graine de l’ignorance, pour laisser germer celle de l’espoir et de la foi en soi. Car, il n’y a d’homme véritablement libre que d’homme bien instruit et éduqué, même au prix de la sanction. Seule la mention doit être votre mission et ce, avec passion et conviction. Votre avenir, laissez-moi vous prévenir, ne peut provenir que de votre volonté de tenir, sans coup férir. Parmi vous, il y a des rejetés et des déshérités, des orphelins comme ton voisin « Marcellin », sans soutien et sans moyen. Parmi vous, certains mangent à peine à leur faim, mais ne baissez pas les bras, il n’y a pas de souffrance sans fin. Moi, j’ai connu la faim, j’ai bossé à jeun et je suis toujours entré en juin, sans fumer un seul « joint ». Je bossais les points fermés et les dents serrées ; j’ai franchi des barbelés et marché sur des tapis de braises, pour ouvrir des portés scellées, sans clef.
La victoire naît parfois du déboire et il faut voir pour croire. La réussite appartient à celui qui résiste et persiste, pas à ceux qui désistent et se débinent et ce n’est pas toujours le dernier qui échoue. Le premier peut se retrouver dans la boue. Il faut toujours rester debout, coûte que coûte et tenir jusqu’au bout, malgré les mauvais coûts. La vie nous réserve parfois de mauvais tours, les géométries de l’existence nous tracent souvent des courbes sans suite ni fin, certes, mais il est de votre devoir de dénicher les inconnus des équations pour être en adéquation avec certaines de vos questions sans réponse. Bien-sûr, notre aventure a certainement connu des allures de bavure, mais je vous rassure, ma nature dépasse la caricature que certains peuvent avoir de moi. Merci pour vos surnoms de renom d’oiseaux de mauvais augures. Merci pour vos insultes et vos piètres inimitiés dépourvues de gratitude. Merci pour toutes les fois que vous m’avez regardé avec le mauvais œil et souhaité que ma vie soit un tableau noir sans fond. Merci pour toutes ces bêtises proférées par ignorance et entretenue par inconscience. Tout comme on ne peut comprendre sans apprendre, on ne peut enseigner sans se saigner. Daignez me pardonner si j’ai parfois donné l’air sévère, si souvent j’ai été réfractaire à vos repères terre-à-terre. Il faut battre le fer avec le cœur, même quand il a l’air austère. Mais avant que je ne franchisse le seuil de cette porte, même si la sueur vous coule dans les yeux larmoyants ; même si la poussière vous étouffe ; même si vos pieds s’ankylosent, se déchirent et s’enflent par les épines et les cailloux ; même si le chemin paraît plus long que prévu et que vous trébuchez, ne résistez surtout pas à tomber. Sachez toujours vous relever. Car rien de grand ne se bâtit à l’ombre sans effort. Rien de durable ne s’acquiert à la sauvette et dans la précipitation. Rien de bien n’advient par le mal. Demain vous attend et vous jugera selon ce que vous avez été aujourd’hui ! Je pars quand même !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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