Lettre ouverte: Kango Sawadogo interpelle les députés sur le droit d’auteur

Dans cette lettre ouverte parvenue à Sidwaya, un citoyen, Kango Sawadogo dit Serge Rosaire, interpelle les députés sur le droit d’auteur.

Honorables Députés, permettez que par la présente je vous interpelle sur un sujet très important : c’est celui du droit d’auteur. Je suis Sawadogo Kango dit Serge Rosaire, professeur de philosophie au Lycée Song-Taaba de Ouagadougou, Mle n° 41034-X. Mais c’est en tant qu’éditeur de livres que je sollicite votre arbitrage. Comme vous le savez, la Loi n° 048-2019/AN portant protection de la propriété littéraire et artistique que vous avez votée le 12 novembre 2019 organise le droit d’auteur ainsi que les différents métiers du domaine de la production littéraire et de la création artistique. Permettez-moi encore de faire une clarification conceptuelle sur la notion de droit d’auteur pour être sûr que, moi qui ne suis pas juriste, je parle de la même chose que les spécialistes en droit. Pour moi, le sens du mot « droit » est fonction de sa graphie et du contexte dans lequel il est employé. Ainsi, s’il est écrit avec une initiale en majuscule, il indique l’ensemble des lois (en premier lieu celles établies par la Constitution), des règles, des ordonnances, des arrêtés, des conventions, des traités, de la jurisprudence d’un État, d’une entité quelconque ou d’un domaine précis : le Droit burkinabè, le Droit constitutionnel, le Droit des affaires, etc. Le Droit peut alors être national, international, public ou privé, positif (s’il est conventionnel) ou naturel (s’il est déterminé par la conscience morale de chaque homme). Le Droit désigne donc le système juridique lui-même encore appelé ordre juridique. Mais si le Droit est l’ensemble des lois, qu’en est-il des lois elles-mêmes ? On peut dire que les lois établissent pour les uns des devoirs et pour les autres des droits. Et c’est là qu’on retrouve la seconde graphie du mot droit (avec une initiale en minuscule). Les droits font un couple indissociable avec les devoirs. Si le devoir est ce qui oblige, le droit correspond à ce qui autorise, à ce qui est permis. Le droit désigne alors pour le citoyen une sphère de liberté ou un avantage quelconque dont on a toujours le choix d’en jouir ou de ne pas en jouir. En d’autres termes, le droit renvoie à la capacité d’un sujet à agir, à disposer de certaines choses et à les revendiquer légitimement. Si le droit est en couple avec le devoir, c’est parce qu’il existe entre eux un rapport de réciprocité de sorte que c’est lorsque certains citoyens accomplissent leurs devoirs que les autres peuvent jouir de leurs droits et vice versa. C’est pour cela que le système juridique assure une harmonie sociale et garantit à chaque citoyen non pas une licence, mais une liberté bornée (par les devoirs), une « liberté civile » (Rousseau) bien comprise, pour autant que ce système juridique n’est pas déséquilibré, c’est-à-dire qu’il n’impose pas à un groupe social donné des devoirs très lourds alors qu’en contrepartie il n’a que des droits dérisoires. Cependant, sous la graphie droit (avec un « d » minuscule) il existe une multitude de locutions où le mot droit a des sens assez particuliers qui ne nous intéressent pas ici. C’est le cas de « droit acquis », « avoir droit à », etc. Mais parmi ces nombreuses acceptions de la graphie « droit », celle qui nous intéresse au plus haut point, et qui justifie d’ailleurs cette clarification conceptuelle, c’est celle où ce mot fait référence à un avantage matériel ou à de l’argent. Ainsi le « droit télé » correspond-il à un devoir qu’ont les consommateurs d’électricité de payer à la société chargée de la production d’électricité un surplus d’argent qui devrait être reversé à la Télévision nationale pour l’aider à amortir ses équipements. De même, le droit d’auteur est, du reste sur un de ses aspects, de l’argent que l’organisme chargé de la gestion collective des droits d’auteur (le Bureau burkinabè du droit d’auteur, par exemple) collecte, souvent à l’aide des institutions de l’État ou des sociétés sœurs pour le répartir entre les membres. En d’autres termes, les droits d’auteur renvoient à de l’argent, mais pas que de l’argent. Ainsi, ils se déclinent en droits patrimoniaux et en droits moraux. Les droits patrimoniaux sont en quelque sorte l’autorisation qu’a l’auteur d’exploiter son œuvre dans le but d’en tirer un profit d’ordre pécuniaire et dont la protection couvre non seulement toute sa vie, mais aussi va jusqu’à 70 ans après sa mort (cas du Burkina Faso). Le droit moral consacré par l’Article 6 bis de la Convention de Berne qui fut introduite à la révision de Rome en 1928 part du principe que l’œuvre est le reflet de la personnalité de l’auteur. Ce droit accorde à l’auteur la prérogative de revendiquer la paternité de l’œuvre et de s’opposer à sa modification ou à sa mutilation.

Si c’est dans le sens ci-dessus indiqué qu’il faut entendre la notion de droits d’auteur, et sous réserve des détails techniques liés à la durée de leur protection et aux modalités de leur application, Honorables Députés, je peux maintenant dire ce que je pense de la Loi 048-2019/AN. Dès qu’elle a été ventilée, nous, les éditeurs, avons été surpris de découvrir certains de ses articles qui briment nos droits légitimes et une série d’incohérences en plus de celles qui existent dans les formulaires de contrat d’édition que le Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA) met à la disposition des éditeurs pour établir les conventions avec les auteurs qui souhaitent éditer leurs œuvres. C’est pourquoi la question suivante a été posée lors d’une réunion de l’Association des éditeurs du Burkina Faso (ASSÉDIF) : « Qui est l’éditeur qui a représenté les éditeurs aux différents ateliers d’élaboration de la Loi n° 048-2019/AN pilotés par le Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme ? » Aucune réponse n’avait été trouvée à cette question. C’est pour cette raison que l’ASSÉDIF m’a mandaté pour poser la même question à l’occasion de la session de l’Assemblée générale du BBDA tenue dans l’enceinte de ladite institution le 01 octobre 2020. Mais lorsque j’ai posé le problème de l’iniquité de la Loi n° 048-2019/AN à l’égard des éditeurs, demandé qui avait représenté notre association aux ateliers consacrés à son élaboration et indiqué que l’ASSÉDIF se réservait le droit d’introduire auprès de votre auguste Assemblée un recours en révision de cette Loi, promesse avait été faite de me donner des noms. Ce qui intriguait surtout, c’était le fait que le président de l’Assemblée générale ait semblé ne pas trouver notre requête fondée au prétexte que nos maisons d’édition ne répondent pas aux normes parce que la plupart d’entre elles ne possèdent pas tous les services techniques qu’on devrait trouver dans une maison d’édition et qu’elles ne peuvent pas encore assumer le risque éditorial de l’édition des œuvres. Mais, en plus du fait que la cause évoquée ne justifie pas l’iniquité de la Loi, je dois avouer que cet argument ne me semble pas du tout pertinent : est-ce que nos maisons d’édition, en dépit de l’absence de certains services techniques et administratifs, ne font pas des livres qui répondent aux normes techniques et qui sont de bonne qualité ? Est-ce qu’il n’existe pas des mécanismes spécifiques permettant de combler leurs lacunes ? Je ne pense pas qu’on puisse répondre à ces questions de façon à nous condamner. Le BBDA lui-même, qui a été créé par le décret n° 85-038/CNR/PRES/INFO du 29 janvier 1985 a attendu 1987 pour fonctionner. Et seuls les artistes musiciens avaient réellement des droits à percevoir deux fois par an. C’est après mon plaidoyer fait au séminaire que le BBDA a eu à organiser à Ouahigouya du 08 au 10 novembre 2007 sur les droits d’auteur et la piraterie que les choses ont commencé à changer favorablement pour les artistes littéraires. Je voudrais vous donner les détails de mon intervention afin que l’on comprenne l’importance de l’éditeur et de celle des numéros d’ISBN qu’il affecte aux livres : « Un Français m’a assuré que, avais-je dit, quel que soit l’endroit où un livre est vendu, s’il dispose d’un numéro d’ISBN, les droits d’auteur suivent ce numéro pour retourner dans le pays de l’auteur afin que ce dernier en jouisse. Pourquoi les exemplaires de mon manuel de dissertation philosophique que j’ai envoyés en France ont été tous vendus depuis plus de deux ans et que jusqu’à présent je n’ai aucun droit à percevoir au BBDA ? »  Le directeur général, M. Balamine Ouattara, avait promis de s’informer auprès des sociétés sœurs de gestion collective de droits, surtout les sociétés européennes, pour savoir ce qui pouvait être fait également pour les artistes littéraires. Et deux ans après le séminaire de Ouahigouya, soit du 5 au 6 mai 2009, le BBDA organisait à Pacific Hôtel un séminaire national sur la gestion de reproduction par reprographie. Le Burkina Faso disposait déjà d’un texte qui organise ce domaine, en l’occurrence le décret 577 du 20 décembre 2000. Cependant, c’est M. Olav Stokkmo (directeur général de la Fédération internationale des organisations du droit de reproduction – IFFRO) qui, en présentant les expériences de l’Allemagne et de la Belgique dans le domaine, a permis au BBDA de mettre en œuvre les mécanismes qui ont rendu réels les droits des artistes littéraires. M. Stokkmo avait indiqué que dans les pays d’Europe où ces droits sont prélevés, ceux-ci étaient partagés équitablement entre l’auteur du livre et l’éditeur, quel que soit le mode d’édition. Bref, toute cette « histoire » permet de comprendre que le BBDA lui-même n’a pas pu remplir toutes ses missions dès sa création. Même sa plus haute instance qu’est l’Assemblée générale n’a été installée que très récemment, le 29 novembre 2016, soit 31 ans après sa création. Mais est-ce que malgré ses insuffisances le BBDA a été pour autant supprimé ? La réponse est non. Pourquoi alors, s’agissant des maisons d’édition, établit-on des lois qui volent leurs droits légitimes pour les donner indûment à des auteurs, et, ne voulant pas qu’elles les réclament, on veut jeter l’anathème sur elles comme si elles n’avaient pas une base juridique et comme si elles ne s’acquittaient pas de leurs obligations fiscales ? On voit qu’il serait tout simplement injuste de s’appuyer sur une telle prétention pour piétiner nos maisons d’édition. Sur ce point, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a reconnu, dans son œuvre intitulée Gestion de la Propriété intellectuelle dans le secteur de l’édition, que : « La valeur d’une maison d’édition ne se calcule pas en fonction du terrain, de la propriété ou du matériel qu’elle possède, ni même des livres empilés dans les entrepôts. Ses actifs les plus précieux sont ceux qui continueront à générer des revenus une fois que les rayons de l’entrepôt seront vides, à savoir les droits que possède la société ou qu’elle contrôle. » (Publication de l’OMPI No. 868F, p. 9)

Honorables Députés, le président de l’Assemblée générale du BBDA avait également invoqué le Code civil pour me décourager dans ma volonté de faire corriger l’injustice faite aux éditeurs : « D’ailleurs, avait-il dit, le Code civil ne reconnaît pas l’édition à compte d’auteur que la plupart de vos maisons d’édition font. Si on veut être rigoureux… » Il avait bien suspendu sa pensée, mais je l’avais très bien comprise. Et je pense qu’il voulait me dire que si je ne laissais le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme piétiner allègrement les éditeurs que nous sommes, celui-ci allait supprimer nos « petites » maisons d’édition, les interdire. C’est donc avec le cœur serré que j’étais reparti à mon domicile. Et une fois à la maison, je m’étais précipité sur le Code civil burkinabè pour vérifier ses dires. Et grande fut ma stupéfaction de savoir que le mot « édition » n’y apparaît même pas ne serait-ce qu’une seule fois. J’ai insisté à plusieurs reprises, par mail, auprès du secrétaire général du BBDA pour avoir l’identité des personnes qui ont représenté les éditeurs aux ateliers d’élaboration de la nouvelle Loi. Il finira par me dire, devant M. Victor Zongo, représentant des écrivains à l’Assemblée générale, que les représentants de la filière du Livre aux différents ateliers furent M. Hien A. Ignace et Mme Kam Sophie. C’était à la session de l’Assemblée générale du 17 décembre 2020. Ce jour-là, Monsieur Dermé Moumouni, juriste et conseil des artistes m’a également dit que la Loi n° 048-2019/AN respecte les dispositions législatives internationales et que par conséquent, notre requête n’est pas fondée. Mais au cours des débats qui avaient suivi son exposé, j’avais demandé quels étaient les textes qui fondent, au plan international, le domaine du Livre. Il avait répondu qu’il s’agissait de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, ainsi que ses multiples révisions intervenues à Paris, à Berlin, à Berne, à Rome, à Bruxelles, à Stockholm et à Marrakech. J’avais alors demandé qu’on mette à notre disposition les différents textes. Il avait dit qu’il allait s’en référer à l’autorité avant de le faire. Mais fort heureusement, j’ai pu les avoir, et les ai lus. Et à partir de cette lecture, je me rends compte qu’il y a dans la Loi 048-2019/AN un certain nombre de dispositions qui ne prennent pas en compte les réalités de la profession des éditeurs. Partant de là, une première question mérite d’être posée. C’est celle de savoir pourquoi on a fait appel à éditeur sans se référer à son association, et pourquoi il y est allé sans informer cette dernière. Une seconde question s’impose également : c’est celle de savoir si M. Hien A. Ignace a vraiment participé aux ateliers qui ont préparé cette Loi. Je puis dire que je connais l’homme. Il est tout propre. Il est tout « blanc ». Il est un vrai spirituel qui est convaincu que toute faute d’un humain est immédiatement punie par Dieu ou par la nature. Mais pourquoi lui qui est l’un des membres fondateurs de l’ASSÉDIF a-t-il pu laisser passer un tel texte qui méprise les éditeurs ? Est-ce parce que bien qu’étant un éditeur formé dans les règles de l’art il n’a pas voulu créer une maison d’édition qu’il laisse dans ce texte des éléments qui sont programmés pour nuire aux droits et aux intérêts des maisons d’édition qui tentent de se structurer et de survivre ? Je n’ose pas dire aussi que M. Kohoun ne m’a pas dit la vérité. En fait, Dieu seul sait !

Honorables Députés, toujours est-il qu’après bien des recherches, je me suis rendu compte que le premier texte législatif qui protège les œuvres littéraires et artistiques a été le “Statute of Anne“ qui a été promulgué en 1710 par le Royaume-Uni. Cela a donné naissance à la notion de “copyright” qui reconnut un droit naturel des auteurs sur leurs œuvres. Par la suite, le Congrès des États-Unis d’Amérique (Cf. Jean-Éric Branaa, La Constitution américaine et les institutions, éd. Ellipses, Paris, 1999, Article premier, Section 8, Clause 8) reprendra à son compte cette idée de “copyright” à travers le “U. S. Copyright Act” de 1790. Cependant, en 1834, un jugement de la Cour suprême des USA refusa de reconnaître un droit naturel des auteurs. Dès lors, on admit que lorsque le manuscrit d’un auteur est cédé à un éditeur, ce dernier bénéficie des conséquences économiques liées à l’exploitation de cette œuvre, occultant même les droits moraux des auteurs. Les textes législatifs qui suivent sont ceux de la Révolution française de 1789, notamment le décret du 19 janvier 1791. L’évolution des juridictions a conduit à la Convention d’Union de Paris de 1883 qui a fusionné par la suite avec la Convention de Berne de 1886 pour créer un Bureau commun, Bureau qui deviendra en réalité le siège de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, créée le 14 juillet 1967 par les Nations unies et qui est chargée de gérer, entre autres, les droits d’auteurs au plan international. Deux systèmes de droits d’auteur ont donc, presque parallèlement, vu le jour : le système du “copyright” et celui du droit d’auteur. Et dans les deux contextes, les motivations étaient les mêmes : il faut réserver les droits des créateurs des œuvres de l’esprit pour que le public n’utilise pas celles-ci gratuitement. Mais, aux USA et en France, les mêmes débats ont eu à déchirer les milieux intellectuels. La question était de savoir si les créations de l’artiste lui appartiennent en privé ou bien si elles appartiennent à toute la société qui l’a nourri de sa culture ? En France, on a vu, à un moment donné, l’opposition farouche entre Alphonse de Lamartine (1790-1869), défenseur des créateurs et Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), défenseur du public. Finalement, on a divisé la poire en deux : le créateur doit jouir de ses droits d’auteur pour un temps (toute sa vie et 50 ou 70 ans après sa mort) avec des exceptions pour un usage libre et légal de ses œuvres dans certains cas (“copyright” ou droits d’auteurs pour les auteurs, et “fair use” ou “dealing use” ou encore domaine public pour la communauté). Ce qui montre que le “copyright” est strictement la même chose que le droit d’auteur, excepté le fait qu’au départ il n’insistait pas sur les droits moraux des auteurs, mais indiquait seulement que l’auteur a le droit de faire ou d’autoriser des copies de son œuvre. Pour justifier ce propos, on peut se référer à la Loi sur le droit d’auteur du Canada qui est en édition bilingue. Or, elle traduit l’expression “An Act respecting copyright” par « Loi concernant le droit d’auteur ». D’ailleurs, depuis que les USA (1989) et les pays du Commonwealth ont ratifié la Convention de Berne, on peut considérer celle-ci comme la référence ultime de la propriété littéraire et artistique au plan mondial.

Honorables Députés, je me suis rendu compte également que le président de l’Assemblée générale du BBDA s’était probablement référé à la partie législative du Code français de la propriété intellectuelle lorsqu’il a parlé de Code civil. L’article L132-1 de ce Code (Chapitre II : Dispositions particulières à certains contrats) définit le contrat d’édition. L’article L132-2 stipule que « Ne constitue pas un contrat d’édition, au sens de l’article L. 132-1, le contrat dit à compte d’auteur. » De même, l’article L132-3 stipule que « Ne constitue pas un contrat d’édition, au sens de l’article L. 132-1, le contrat dit de compte à demi. » Les juristes pourront toujours interpréter le sens de l’expression « au sens de l’article L. 132-1 ». Mais je puis dire que si l’idée est de dire que l’éditeur qui établit des contrats à compte d’auteur avec des auteurs n’est pas un éditeur, que ce qu’il fait comme activité sous un tel contrat n’est pas une édition et que, par conséquent, dans un tel cas, l’auteur garde tous les droits d’auteur induits du livre édité, cela est faux et contraire à la Convention de Berne. J’ai cherché à savoir quelle est la clause, dans la Convention de Berne et dans les conventions relevant du système de “copyright” (“Sonny Bono Copyright Term Extension Act”, “U. S. Copyright Act” et “Copyright, Designs and Patents Act”–Royaume-Uni), qui affirme que lorsque l’auteur d’une œuvre littéraire finance les frais d’édition et d’impression de son œuvre il hérite les droits qui devraient revenir à l’éditeur, mais je n’en ai trouvé aucune trace. Il est vrai aussi que nous, les éditeurs des pays d’Afrique francophones, bien que nos pays relèvent du système de droit civil, avons pris l’habitude, de mettre à nos livres le sigle du “copyright” (©), imitant mécaniquement les éditeurs des pays de la Common Law, sans avoir eu même auparavant à faire un enregistrement de nos œuvres auprès des institutions qui gèrent le “copyright”. Cela constitue, aux yeux de celles-ci une publicité mensongère. Cette pratique n’a aucun sens juridique, puisque le principe de traitement national de la Convention de Berne assure déjà aux œuvres une protection à l’échelle internationale. Et je pense même que le législateur français ne saurait soutenir une telle idée et rester cohérent vis-à-vis de son propre Code dont l’article L112-1 (Chapitre II du Titre 1e : Objet du droit d’auteur) précise les catégories d’œuvres qui bénéficient du droit d’auteur en comblant, au passage, le silence de l’article 2 de la Convention de Berne. En effet, outre « les œuvres de dessin, de peinture […] », ainsi que « les œuvres photographiques […] » et « les illustrations […] » qui interviennent déjà dans le domaine de l’édition et dont les ayants droit peuvent être différents de l’éditeur, en huitième position il est clairement stipulé que parmi les ayants droit du droit d’auteur il y a les auteurs des « œuvres graphiques et typographiques » (catégorie d’art qui est pourtant notoirement oubliée par l’article 7 de la Loi 048-2019/AN), ainsi que ceux des « œuvres des arts appliqués » (dixième position, dont le sens excède en réalité le sens donné par le glossaire, article 2 de la Loi 048-2019/AN) qui renvoient directement à l’éditeur. Mon humble point de vue est que le Code français sous-entend seulement que dans ces deux derniers types de contrats il n’y a pas de cession de droits, c’est-à-dire que l’auteur conserve ses droits d’auteur originels (ceux liés à la création de son œuvre présentée sous forme de manuscrit ou de tapuscrit), à savoir les droits patrimoniaux, même si souvent ils sont cédés temporairement, et les autres droits. S’il y avait cession de ces droits d’auteur à un éditeur pour un temps donné, ce dernier peut les utiliser conformément au contrat signé. Mais s’agissant du livre imprimé, c’est-à-dire le livre édité, il y a d’autres droits d’auteur qu’on peut appeler droits d’édition (qui viennent se superposer aux droits d’auteur originels de l’auteur) qui appartiennent à l’éditeur. En effet, quel que soit le type de contrat, ce n’est pas l’auteur qui conçoit le livre édité, sauf dans le cadre de l’auto-édition où il joue lui-même le rôle d’éditeur et dispose de ses propres numéros d’ISBN (avec pour risque de publier de mauvais livres). Autrement dit, quel que soit le mode d’édition adopté, c’est toujours l’éditeur qui transforme le manuscrit ou le tapuscrit de l’auteur en livre édité. Il superpose alors à la création de l’auteur une autre création qui bénéficie aussi des droits d’auteur avec ses deux versants de droit patrimonial et de droit moral qu’on sait inaliénable. Ce droit d’auteur pour les éditeurs est reconnu par la Convention de Berne en son article 2, alinéa 3 : « 3) Sont protégés comme des œuvres originales, sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale, les traductions, adaptations, arrangements de musique et autres transformations d’une œuvre littéraire ou artistique. » Ce droit des éditeurs est également reconnu par le Code français de la propriété intellectuelle en son article L112-3 : « Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale » Pour l’édition, il ne s’agit pas d’un droit dérivé correspondant à une œuvre dérivée puisque le travail éditorial est indissociable de l’œuvre de l’auteur ; sans lui l’œuvre n’est pas publiée. Il faut être bien borné et mesquin pour ne pas comprendre que l’expression « autres transformations d’une œuvre littéraire » concerne au premier chef celles que l’éditeur opère, avec bien sûr le consentement de l’auteur, sur le manuscrit ou sur le tapuscrit. C’est pourquoi dans son Guide des traités sur le droit d’auteur, p. 136, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle précise que : « Au moins quatre catégories de droits peuvent être considérées comme pertinentes à cet égard, à savoir les droits des éditeurs sur les « arrangements typographiques » des éditions publiées [souligné par moi] (lesquels sont reconnus dans certains pays conformément à la Common law), … » De même, dans le glossaire de ce même livre, en définissant le droit d’auteur, l’OMPI précise encore que : « il s’entend, outre les droits sur les œuvres littéraires et artistiques, de droits tels que les droits des producteurs de phonogrammes, les droits des organismes de radiodiffusion et, dans certaines lois sur le droit d’auteur, les droits relatifs à la présentation typographique des éditions publiées [souligné par moi]. ». Même le système du “copyright” auquel on se réfère pour prétendre que dans le cadre d’un contrat à compte d’auteur c’est ce dernier qui possède les droits d’édition reconnaît un droit d’auteur pour le travail éditorial. Ainsi, sur le site « Legislation.gov.uk », la section 8 consacrée aux éditions publiées stipule : « (1) Dans la présente partie, “édition publiée”, dans le contexte du droit d’auteur sur la disposition typographique d’une édition publiée [souligné par moi], signifie une édition publiée de tout ou partie d’une ou plusieurs œuvres littéraires, dramatiques ou musicales. » (Google Traduction) Et l’article 2 qui suit précise que lorsqu’un autre éditeur réédite un livre en gardant les mêmes arrangements typographiques qui avaient été conçus par le premier éditeur, cette publication ne peut bénéficier de droits d’auteur qui devraient appartenir à ce dernier. Toutes ces références des conventions internationales montrent assez clairement que l’éditeur est un ayant droit du droit d’auteur à cause de son travail. C’est ce que rappelle encore l’OMPI en ces termes : « Les éditeurs sont des créateurs, des acquéreurs, des dépositaires et des gestionnaires, propriétaires et utilisateurs, des droits de propriété intellectuelle. Ils possèdent certains droits sur les livres qu’ils produisent et vendent, et détiennent d’autres droits au nom de tiers. Leur activité suppose l’exploitation des droits des autres, tout comme ils recherchent également à défendre et à protéger ce qui leur appartient et ce qu’on leur a confié. » (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, Gestion de la Propriété intellectuelle dans le secteur de l’édition, Publication de l’OMPI No. 868F, p. 8)

Pourtant, l’article 2 de la Loi 048-2019/AN prive l’éditeur de ses droits légitimes pour les octroyer à l’auteur : « Dans le contrat dit à compte d’auteur, les droits d’édition appartiennent à l’auteur ; ». Et ce qui est davantage grave, c’est le fait que le BBDA, sitôt la Loi votée par l’Assemblée nationale, élabore un formulaire pour les contrats d’édition à compte d’auteur sur lequel il cite l’article 2 de la nouvelle Loi pour désigner l’auteur par la qualité d’« auteur-éditeur » tandis que l’éditeur est qualifié de « prestataire ». On a poussé le ridicule jusqu’à y écrire que « (…) l’auteur-éditeur répond de toutes actions en contrefaçon au regard de la reproduction que le prestataire effectue ». Honorables députés, qu’appelle-t-on « prestation » ? La Loi sur le droit d’auteur du Canada définit dans son glossaire (« Définitions et dispositions interprétatives ») le terme « prestation » comme suit : « prestation : Selon le cas, que l’œuvre soit encore protégée ou non et qu’elle soit déjà fixée sous une forme matérielle quelconque ou non : a) l’exécution ou la représentation d’une œuvre artistique, dramatique ou musicale par un artiste-interprète ; b) la récitation ou la lecture d’une œuvre littéraire par celui-ci ; c) une improvisation dramatique, musicale ou littéraire par celui-ci, inspirée ou non d’une œuvre préexistante. (performer’s performance) » À partir de cette définition faite par un pays de la Common law, il apparaît clairement que la prestation n’intéresse même pas le domaine de l’édition. Cependant, dans le jargon de l’édition littéraire, ce qu’on appelle prestataire, c’est toute personne qui intervient dans le processus des tâches éditoriales pour y exécuter une petite portion de ces tâches pour laquelle il est payé forfaitairement. Le prestataire ne conçoit pas le livre, il n’a pas sur lui une part de création au sens artistique du terme. C’est ainsi que les imprimeurs, dont le rôle est seulement d’imprimer des exemplaires du livre conformément à la conception stricte de l’éditeur, sont des prestataires. C’est pour cette raison que l’Agence francophone de la numérotation internationale du Livre (AFNIL) ne donne pas de numéros d’ISBN aux imprimeries alors qu’elle en donne aux éditeurs et aux auteurs. De plus, le BBDA a écrit sur ses formulaires un mensonge éhonté : « (…) l’auteur-éditeur répond de toutes actions en contrefaçon au regard de la reproduction [souligné par moi] que le prestataire effectue ». Est-ce que dans le contrat d’édition à compte d’auteur l’auteur apporte à l’éditeur une œuvre déjà éditée que ce dernier se contenterait de « reproduire » (Cf. Article 2 [Glossaire] de la Loi 048-2019/AN), comme s’il avait été un reprographe ou un imprimeur ? La réponse est non. Honorables Députés, toutes ces incohérences s’expliquent par la volonté de certaines personnes de détruire les éditeurs du Burkina Faso par le détournement de leurs droits légitimes. On occulte volontairement, par le mensonge, le travail de création que l’éditeur doit réaliser pour parvenir à lui voler ses droits. Mais comme cela a été déjà indiqué, nous savons que dans la pratique de l’édition, lorsque, sous le mode du contrat à compte d’auteur, l’auteur finance tous les travaux (la conception du livre par l’éditeur et sa fabrication par l’imprimeur sous le contrôle du premier), il lui revient le droit d’adaptation (à l’écran) ou de traduction de son œuvre (et même dans ce cas, c’est l’éditeur qui devrait faire les négociations à son profit), de retirage ou de réédition de son livre (dans ce cas l’éditeur réajuste les données sur le fichier du livre édité, et suit les travaux d’impression puisque ses fichiers qui contiennent son savoir-faire et ses références juridiques [logo et n° d’ISBN] ne peuvent être remis à une tierce personne). Par conséquent, dire que l’auteur détient les droits d’édition, comme si c’est lui qui a édité l’œuvre, cela relève d’un abus. En effet, non seulement, il y a une création parallèle que l’éditeur fait à travers sa maquette qui, déjà, définit la configuration du livre, c’est-à-dire qu’elle prévoit les qualités techniques liées à son bon usage par le consommateur et ses qualités esthétiques qui vont le rendre attractif, mais aussi le fait que l’éditeur doit souvent réorganiser son contenu (avec nécessairement le consentement de l’auteur) pour lui donner de la cohérence interne et le débarrasser de toutes les informations erronées fait qu’il améliore la production originelle de l’auteur. C’est pourquoi si on devait obliger l’éditeur à mettre sur ses productions le sigle du “copyright”, en principe, selon les clauses des textes internationaux que je viens de citer, on devrait les attribuer forcément à la fois à l’auteur et à l’éditeur, quel que soit le mode d’édition qu’ils ont adopté. S’il est permis de critiquer le texte législatif d’un autre peuple, je dirais qu’il existe une certaine incohérence dans le Code français de la propriété littéraire. En effet, pendant que son article 1132-2 affirme que le contrat d’édition à compte d’auteur n’est pas un contrat d’édition, il stipule en même temps que « l’auteur ou ses ayants droit versent à l’éditeur une rémunération convenue, à charge par ce dernier de fabriquer en nombre, dans la forme et suivant les modes d’expression déterminés au contrat » tout en précisant que « Ce contrat constitue un louage d’ouvrage régi par la convention, les usages et les dispositions des articles 1787 et suivant du Code civil. » Les livres étaient où pour que l’auteur les loue ? L’auteur apporte-t-il à l’éditeur des livres déjà tout fait afin que ce dernier l’aide à les vendre ? Non. L’article 1132-2 précise lui-même que c’est l’éditeur qui doit les « fabriquer ». Comme cela vient d’être démontré, ce terme est inapproprié et abusivement usité. Est-ce que l’auteur a conçu le livre pour l’éditeur qui doit seulement se contenter de le faire fabriquer par l’imprimeur ? Non. Pourquoi alors vouloir faire de l’éditeur un esclave qui serait contraint de s’investir physiquement et intellectuellement pour faire une création dont les bénéfices moraux et patrimoniaux vont aller à l’auteur ? Acceptons qu’il existe ici une grande incohérence que le Burkina Faso a mécaniquement reproduite dans sa Loi. Pour mieux mettre en exergue l’incohérence de la nouvelle Loi, expliquons le sens du numéro d’ISBN. On doit savoir que le numéro d’ISBN que l’éditeur affecte à un livre est, en réalité, la « carte d’identité » du livre sur le plan international. Prenons le cas du numéro d’ISBN 978-2-9521012-8-8 que j’ai attribué à l’œuvre intitulée La Femme du président et autres histoires (nouvel) d’Adamou L. Kantagba. Ici, le nombre « 978 » est un préfixe. Le chiffre « 2 » identifie un groupe, c’est-à-dire un pays ou une zone linguistique, en l’occurrence la zone linguistique du français. Le numéro « 9521012 » identifie au plan international les Éditions descendues du Ciel dont je suis le directeur général. Le chiffre « 8 » identifie le titre auquel j’ai choisi d’éditer, ce titre renvoyant, bien entendu, à l’auteur de l’œuvre, c’est-à-dire à M. Kantagba. Le deuxième chiffre « 8 » qui termine l’ISBN est une clé de contrôle. Par quelle magie, l’auteur qui est juridiquement couvert par l’éditeur au plan international va être déclaré éditeur à la place de ce dernier ? Si l’œuvre est attaquée, l’éditeur et l’auteur peuvent être solidairement condamnés. Ce ne sont pas les tripatouillages juridiques de tous ceux-là qui ont mal renseigné le législateur burkinabè qui vont protéger l’éditeur des poursuites judiciaires.

Honorables Députés, on peut se demander, par ailleurs, pourquoi s’appuyer sur le Code français de la propriété intellectuelle pour détruire les éditeurs burkinabè alors que le contrat à compte d’auteur ne s’entend pas au Burkina Faso et en France de la même manière ? Dans le cas du Burkina Faso, tous les exemplaires sont remis à l’auteur qui les vend lui-même pour faire des bénéfices. Il jouit ainsi de ses droits patrimoniaux et moraux. En France, c’est l’éditeur qui les vend pour reverser tous les frais à l’auteur. Pourquoi alors vouloir imiter mécaniquement le Code français de la propriété intellectuelle en laissant de côté, paradoxalement, ce qu’il a de meilleur et en accentuant même ses défauts ? Le Code français ne va pas jusqu’à dire qu’il y a un cas où l’auteur devient éditeur à la place du vrai éditeur qui a réalisé l’édition du livre.

Honorables Députés, une autre incohérence de la Loi 048-2019/AN réside dans le fait que son glossaire (article 2) passe sous silence la notion d’éditeur. Nulle part elle ne définit l’éditeur qui est pourtant au centre de la chaîne du Livre. Cette lacune me semble volontaire parce que c’est dans le « Projet de règlement de répartition du BBDA » qu’on a donné une définition, là aussi, volontairement incorrecte de l’éditeur : « Éditeur : la personne qui obtient le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre et dans les conditions déterminées, des exemplaires de l’œuvre à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion ; » Nous, les membres de l’ASSÉDIF, avions été obligés d’apporter les corrections nécessaires et avions proposé d’ajouter à ce glossaire une définition de l’imprimeur (définition qui manque également dans le glossaire de la Loi 048-2019/AN). Honorables Députés, il y a eu manifestement une volonté de nuire aux éditeurs. Si l’éditeur est défini comme étant seulement une « personne qui obtient le droit de fabriquer ou de faire fabriquer » un livre, cela signifierait qu’en dehors du contrat il n’est pas un éditeur. Et on a fait en sorte que le seul type de contrat reconnu par la Loi soit le contrat à compte d’éditeur. De plus, l’expression « qui obtient le droit de fabriquer ou de faire fabriquer » le livre énonce une contre-vérité absolue, car l’éditeur ne fabrique pas le livre lui-même, ce rôle étant dévolu à l’imprimeur, et il ne peut le faire fabriquer (par l’imprimeur) tant qu’il n’a pas exécuté ses tâches éditoriales (les prépresses) qui, rappelons-le, sont : de concevoir le livre en son format et selon un profil favorable à la bonne utilisation (choix de la police et de la taille de celle-ci, proportion du blanc par rapport au texte, etc.), de lui donner des qualités esthétiques pour qu’il accroche les clients potentiels, de vérifier la cohérence de son contenu et la justesse des informations qui y sont (ce qui suppose une grande culture générale et intellectuelle qui va très au-delà de la maîtrise de la langue d’expression de l’œuvre), de réaliser les illustrations (s’il y a lieu) selon les règles et d’assurer la couverture juridique du livre d’une part par le numéro d’ISBN qu’il lui attribue et, d’autre part, par le numéro de dépôt légal qu’il obtient de la Direction du Livre (Administration de son État). Enfin, l’Éditeur doit avoir un appui juridique pour son activité : la formalisation de son entreprise avec les charges fiscales. Pour éditer un livre donné, il devrait établir un contrat d’édition avec l’auteur de l’œuvre en choisissant l’une des trois modalités suivantes :

1. Le contrat d’édition à compte d’éditeur qui entraîne une cession temporaire des droits patrimoniaux de l’auteur en faveur de l’éditeur.

2. Le contrat d’édition à compte d’auteur dans lequel l’auteur prend la charge financière du coût de l’édition (prépresse) et de celui de la fabrication (impression) qui n’entraîne aucune cession des droits patrimoniaux et moraux de l’auteur, mais où ceux de l’éditeur viennent se superposer aux siens.

3. Le contrat d’édition de compte à demi dans lequel les coûts de production du livre et les bénéfices sont équitablement partagés entre les l’éditeur et l’auteur. Pour ces trois types de contrats, l’éditeur assure strictement les mêmes tâches techniques : il conçoit la forme du livre et lui apporte une valeur ajoutée. En conséquence, l’éditeur est aussi le créateur de la forme éditée du livre qui lui donne, selon l’article 2 de la Convention de Berne, des droits patrimoniaux et des droits moraux inaliénables. Il est vrai que pour que la création de l’éditeur soit il faut d’abord et nécessairement que celle de l’auteur de l’œuvre ait été. On peut donc comprendre que « l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire des droits moraux et patrimoniaux de son œuvre. » Mais ce n’est pas parce que, dans le cas du contrat d’édition à compte d’auteur l’éditeur est payé pour son travail par l’auteur qu’il perd ses droits d’édition au profit de ce dernier puisqu’il n’est pas son employé. L’auteur ne paye pas l’éditeur pour usurper sa maison d’édition et son identité, lui, qui pourtant assure la couverture juridique de l’œuvre. Cela n’aurait eu aucun sens.

Honorables Députés, lorsque les rémunérations pour copie privée et reproduction par reprographie ont été mises en œuvre, les éditeurs et les auteurs étaient payés équitablement, selon les indications d’Olav Stokkmo. Puis les « savants » burkinabè sont intervenus pour dire que désormais l’auteur aura 66,6 % tandis que l’éditeur n’aura que 33,4 %, comme si à l’œuvre du premier n’est pas superposée une autre qui appartient à ce dernier. Nous avons regardé les faits sans rien dire. C’est certainement pour cette passivité qu’on s’est permis d’élaborer la Loi sur le Livre sans que notre association n’en soit officiellement associée. On a donc préféré octroyer « légalement » aux auteurs, selon la Loi 048-2019/AN, les droits légitimes des éditeurs, droits reconnus par la Convention de Berne que le Burkina Faso a ratifiée le 19 août 1963 (avec effet pour le 24 janvier 1976). Faut-il encore se taire et regarder les faits ? Un des doyens actuels de la musique burkinabè, en l’occurrence M. Compaoré Issouf a dit dans sa plus célèbre et historique chanson intitulée “Kadiogo” que : “Burkíin pa yãt rɩɩbo n lebg yalm ye !” Ce qui signifie que face aux biens matériels l’homme intègre doit rester dans la droiture et non pas tomber dans une voracité bestiale. Cette citation se passe de commentaire. Il était possible d’envoyer aux différentes associations qui constituent la faîtière du Livre le texte de la Loi que les participants aux ateliers de son élaboration ont produit afin de recueillir leurs réactions et de faire les ajustements nécessaires avant qu’on ne l’envoie à l’Assemblée nationale pour adoption. On ne le fait pas. Et une fois que la Loi est votée, on prend maintenant le soin de ventiler ses textes d’application que le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme devrait introduire en Conseil des ministres pour nous demander de les apprécier. Sur la forme, c’est cela même l’idéal de démocratie : la participation du peuple à l’élaboration des lois qu’il se donne. Mais sur le fond, la démocratie a été vidée de sa substance puisque la Loi a été imposée, malgré son iniquité, au peuple. Je sais que cela n’est pas de votre faute. Je sais comment vous avez tenu à entendre tous les acteurs de la filière du Livre au moment de la préparation de cette Loi. J’ai fait partie de la délégation des éditeurs que votre Commission parlementaire a bien voulu recevoir le 23 octobre 2017. Mais malgré tous vos efforts d’écoute et de considération, voyez là ce que des agents de l’administration publique nous ont fait. Cette lettre ouverte que je vous adresse sans même m’en référer à mon association, je l’écris en toutes responsabilités pour réagir aux propos de Monsieur Dermé qui, dans la conclusion de son exposé, avait indiqué que les principes de la démocratie voudraient que nous n’ayons pas une attitude qui serait « incapacitante » pour la nouvelle Loi. Je pense qu’au contraire le rôle d’un citoyen digne est de travailler à faire que son pays ne soit pas une République bananière où les lois sont votées à la sauvette, pilotées par des égoïsmes sournois et platement calculateurs, au mépris total du peuple. Si l’ASSÉDIF agit en conséquence, ce serait de son bon droit. Mais moi qui la représente à l’Assemblée générale du BBDA, j’avais pour devoir de vous faire connaître un aspect important des faits sur lesquels vous avez légiféré. Si cette communication peut encore contribuer à changer positivement les choses, je ne pourrai que m’en réjouir.

Je voudrais vous renouveler mes remerciements pour l’esprit d’équité que vous avez déjà manifesté. Je voudrais également, d’avance, vous dire merci pour la patience avec laquelle vous lirez cette si longue lettre.

 

Sawadogo Kango dit Serge Rosaire

01 BP 4900 Ouagadougou 01

Tél. : 70 26 41 33  /E-mail : kangoserge@yahoo.fr

 

 

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