Lu pour vous : Dofay, le «broussard civilisé»

L'œuvre laisse transparaître la quête permanente d'identité de l'Africain, après la colonisation et les indépendances.

L’écrivain burkinabè, Mohamed Seck, met en lumière dans son livre « La Brume à l’horizon suivi d’Une leçon de courage », le choc civilisationnel entre l’Afrique et l’Occident à travers la vie de Dofay, le « petit broussard devenu médecin ».

« La Brume à l’horizon suivi d’Une leçon de courage » de l’écrivain burkinabè, Mohamed Seck, retrace le parcours de Dofay (« celui qui ne plie pas l’échine »), villageois et orphelin à cheval entre « civilisation indigène » et « civilisation occidentale ».

A travers les lignes du roman, l’auteur décrit sans faux-fuyants les amours (Maïmouna, l’épouse idéale issue d’un milieu modeste) et les désillusions (Marie-Hélène, fille de riche et prototype de la femme émancipée) avec en toile de fond les péripéties d’un psycho-drame qui naît autour d’une naissance. En effet, septuagénaire, polygame, Danou N’Tonkè, oncle de Dofay et père de 11 enfants rêve d’un héritier mâle.

« Danou ne pouvait se satisfaire d’un tel sort. Il lui fallait trouver un garçon, un petit monsieur qui porte la culotte, un homme. Un héritier…mon oncle en avait grandement besoin. En dépit des promesses faites à celle qui lui trouverait l’enfant prodige (…) aucune [de ces quatre femmes] ne sut satisfaire au désir du maître », relate Dofay. Mâkoumbi, l’une des femmes du « vieux » est enceinte de son sixième enfant.

L’espoir est-il permis? Rien n’est moins sûr. Elle doit cependant se garder de goûter à certains aliments dont la mangue qui aurait le pouvoir de déterminer le sexe de l’enfant. Malheureusement, elle succombera à la tentation de consommer le fruit défendu…avant la naissance du garçon tant attendu.

Cauchemars et signes étranges dans le ciel se succèdent. Sont-ce des signes précurseurs d’un malheur? Une poule égorgée au lieu d’un coq comme recommandé par la voyante va sceller définitivement le sort de Danou ou du moins influencer le sexe de l’enfant: « La délivrance espérée fit place à une certaine frustration, un rejeton, une fille: une bouche de plus à nourrir ».

Le socle de la culture africaine

La naissance d’un enfant est une source de joie, mais, souligne Mohamed Seck, en quatrième de couverture, lorsque le sexe de l’enfant suscite intérêt, cela devient une angoisse. Pour lui, indigence et superstition mêlées traduisent l’état d’une société dont la survie du noyau familial, croit-on encore, dépend d’un « sexe fort ». Ses brillantes études de médecine achevées, Dofay « le broussard à l’esprit occidentalisé » doit, malgré lui, s’initier à la médecine traditionnelle et connaître le pouvoir magique, les vertus des plantes et les interdits y afférents.

Sa vision du monde s’en trouvera transformée: « La conclusion à laquelle je parvins à la suite de mon initiation n’était pas seulement vraie pour la médecine. Elle l’était également pour les idéologies importées, les techniques et autres savoirs issus de l’Occident. Mon appréhension de la diversité était différente de même que leurs approches (Par exemple, la liberté ne peut être chose personnelle.

Elle se doit être communautaire!) Voilà le socle de notre culture. Pour ceux qui sont venus de l’autre rive, celle-ci est individuelle ». En somme « La Brume à l’horizon suivi d’Une leçon de courage », selon son auteur, met en exergue une quête permanente d’identité, une assimilation quasi impossible de la civilisation venue de « l’autre rive ».

L’œuvre, comme l’indique son titre, comprend également une pièce de théâtre, dénommée « Une leçon de courage ». A travers les trois actes de la pièce, Mohamed Seck plaide pour davantage de démocratie dans les Etats africains « où la force semble être malheureusement la solution aux problèmes ».

Kami, le leader estudiantin, l’un des personnages principaux de la pièce, en fera d’ailleurs l’amère expérience. Sa violente disparition suscite moult interrogations, mais laisse présager d’une ère de changement. La pièce est dédiée, entre autres, à un certain…Dabo Boukary.

Aubin W. NANA

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