Lutte contre le changement climatique : Bangr-Weogo, un véritable lieu de séquestration de carbone

Le Parc urbain Bangr-Weogo, d’une superficie de 945 ha y compris les trois barrages, est un véritable réservoir de séquestration de carbone.

Le Parc urbain Bangr-Weogo, un massif forestier, d’une superficie de 240 hectares (ha) n’est pas uniquement un lieu de distraction et d’éducation environnementale. Au-delà de la beauté paysagère se cachent des transformations physico-chimiques par la séquestration du carbone et la libération de l’oxygène, susceptibles, selon des experts, de lutter contre le changement climatique et par ricochet, d’aider les terres à se restaurer.

Ouagadougou, la capitale burkinabè regorge d’un riche patrimoine environnemental : le Parc urbain Bangr-Weogo (PUBW). Bâtie sur une superficie aménagée de 240 hectares (ha) sur 265 ha, cette forêt, jadis appelée « Bois de Boulogne », dans le même prolongement que les barrages n°1, n°2 et n°3, est peuplée d’une flore et d’une faune naturelles. Selon les scientifiques, les espaces boisés notamment, les forêts luttent contre le changement climatique à travers la séquestration du carbone et d’autres Gaz à effet de serre (GES). Le paysage du parc Bangr-Weogo a la forme d’une grande aile d’oiseau et est limité de l’Ouest au Nord par la route nationale n°3 (route de Kaya) et de l’Est au Sud par la route nationale n°4 (route de Fada N’Gourma).

Il est doux en saison chaude en raison du microclimat créé. En cette saison hivernale, les visites sont moins nombreuses, mais les arbres, dans l’invisibilité totale, si l’on en croit à la science, séquestrent le carbone (C) et le gaz carbonique (CO2) libérés par les engins et d’autres activités anthropiques telles que le brûlage des déchets à ciel ouvert de la capitale. Installé dans l’enceinte du PUBW, le directeur des aménagements paysagers et de la gestion du parc, Tinsgnimi Dialla, regarde discrètement à travers les vitres, l’immense richesse faunique et floristique. C’est également un cadre de travail où lui et ses agents côtoient hippopotames, oies et autres animaux. Impossible de ne pas appréhender toute l’importance que les services techniques donnent à cette forêt urbaine.

Il évoque que le PUBW est un véritable réservoir d’oxygène pour le bien des « Ouagalais » grâce au mécanisme de la photosynthèse par l’absorption du C02 produit dans la ville et le rejet de l’oxygène. Cette niche écologique entre en droite ligne du Programme d’investissement forestier (PIF), du ministère de l’Environnement, de l’Economie verte et du Changement climatique. Son objectif général est la réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts pour renforcer leurs capacités de séquestration de carbone en diminuant les pressions sur elles. Le point focal du processus de réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+), Mamadou Batiéné, ne tarit pas d’explications sur le mécanisme de séquestration du carbone par les forêts. « Pour parler de la séquestration du carbone par les forêts, il faut partir de la séquestration du carbone par l’arbre. Car la forêt est constituée d’arbres et d’autres éléments de la biodiversité. A travers la photosynthèse, l’arbre séquestre le CO2 présent dans l’atmosphère », soutient-il.

Des gaz à effet de serre naturels

Le changement climatique, relate-t-il, résulte de la présence en quantité importante des GES qui, du reste, sont présents de façon naturelle sans lesquels, la température minimale de la terre serait autour de -18°C empêchant toute vie. Mais, poursuit-il, grâce à ces GES naturels, la température moyenne du globe terrestre est régulée à plus de 15°C qui permet la vie sur terre. Cependant, les gaz de la chaîne du froid (les chlorofluorocarbones par exemple), l’oxyde nitrique, le méthane, le dioxyde d’azote et le gaz carbonique, du fait des actions anthropiques, se retrouvent en abondance dans l’atmosphère. Les éclaircissements sur ces gaz provenant de la chaîne du froid sont fournis par le Bureau national Ozone du Burkina qui a pour mission de s’assurer que les recommandations de la Convention de Viennes (Suisse) et du Protocole de Montréal (Canada) sont bien appliquées au Burkina Faso. Par ailleurs, son coordonnateur adjoint, Adama Sawadogo avance que les forêts notamment le PUBW n’échappent pas aux émissions de réfrigérants (gaz de réfrigérateur) qui ont un effet de serre et sont des Substances qui appauvrissent la couche d’ozone (SACO).

Le spécialiste en changement climatique, Do Etienne Traoré : « Le Parc urbain Bangr-Weogo possède des capacités de séquestration de milliers de tonnes équivalentes de CO2 (TeqCO2) ».

C’est ainsi que Bangr-Weogo, à l’image des autres forêts, au niveau mondial, insiste le point focal national REDD+, jouent un très grand rôle dans la lutte contre le changement climatique en séquestrant le gaz carbonique en plus de son rôle économique et de conservation de la biodiversité. « Mais, lorsque l’on dégrade les forêts, il y a des émissions de gaz carbonique stocké dans l’atmosphère », déplore-t-il. Pour le spécialiste en changement climatique et développement durable, Do Etienne Traoré, il est très utile de rappeler que les changements climatiques constituent l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur l’humanité entière : menace pour l’environnement, la santé, l’économie mondiale, le développement durable, la vie sur terre, en un mot.
« Ces Changements climatiques résultent d’une modification de la composition de l’atmosphère terrestre liée aux émissions de gaz à effet de serre produit par nos activités humaines.

Le principal gaz à effet de serre en termes de volume est le dioxyde de carbone (CO2) », explique le point focal national du changement climatique. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rapporte Do Etienne Traoré, les conséquences du changement climatique sont la hausse de la température à la surface de la terre, l’augmentation du niveau de la mer, l’apparition de plus en plus fréquente des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes tels que les sécheresses, les inondations, les tempêtes de sable, les cyclones, etc. Face au changement climatique, poursuit-il, nous avons deux principaux domaines d’action : l’adaptation et l’atténuation. Les mesures d’adaptation se concentrent sur la gestion des impacts du changement climatique, en vue de réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains tandis que les mesures d’atténuation s’attaquent aux causes du problème et visent la réduction de la concentration des GES dans l’atmosphère, ajoute le spécialiste en changement climatique.

« Les forêts, de par leur nature, sont à la fois des atouts précieux pour l’adaptation et l’atténuation. Les forêts aident à atténuer les changements climatiques en absorbant le dioxyde de carbone de l’atmosphère et en le convertissant durant la photosynthèse en carbones stockés dans les arbres vivants et d’autres plantes. Ce processus est connu sous le terme de “piégeage du carbone” », soutient-il. Les arbres faut-il le mentionner, sont généralement constitués d’environ 20 à 25% de carbone et la biomasse totale des forêts fait fonction également de “puits de carbone”. M. Traoré en a pris pour exemple, la matière organique présente dans les sols des forêts, tel l’humus produit par la décomposition des matières végétales, sert aussi de réservoir à carbone. « En terme clair, les forêts emmagasinent d’énormes quantités de carbone dans les arbres et le sol.

Cependant, le déboisement et la dégradation de ces infrastructures vertes, libèrent une certaine quantité de dioxyde de carbone et d’autres GES dans l’atmosphère, et alimente ce faisant, le réchauffement climatique », déplore-t-il. Au Burkina Faso, plus de 88% du total des émissions sont dus aux dégradations des forêts, aux mauvaises pratiques agricoles et aux autres utilisations des terres. En milieu urbain, il est reconnu que les infrastructures vertes (espaces verts, forêts) ont également une incidence sur l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques, affirme M. Traoré. « Au pays des Hommes intègres », se justifie-t-il, l’on peut citer, entre autres, le cas du PUBW qui est une infrastructure verte assurant un rôle écologique d’absorption du CO2 de la ville de Ouagadougou. « Le Parc urbain Bangr-Weogo est considéré comme un véritable laboratoire à ciel ouvert, un poumon vert salvateur.
Ce parc possède également des capacités de séquestration de milliers de tonnes équivalentes de CO2 (TeqCO2) », avance-t-il.

Nécessité de sauvegarder Bangr-Weogo

En conclusion, selon Do Etienne Traoré, nous devons assurément sauvegarder cette infrastructure verte en prenant des mesures adéquates pour arrêter sa dégradation. Car, dit-il, cet écosystème fournit d’importants services qui peuvent aider les populations à s’adapter à la variabilité et au changement climatique et aussi atténuer les effets de ce phénomène. La directrice régionale de l’environnement, de l’économie verte et du changement climatique du Centre, Haoua Fofana, rappelle que l’utilité du PUBW n’est plus à démontrer aujourd’hui. « Le paysage forestier à l’intérieur d’une ville procure son ombre aux populations. L’arbre est beaucoup plus utile pour notre vie car il est le seul être vivant sur la terre qui ne produit pas des biens et services pour lui seul, mais pour les humains et les animaux. Cependant, il y a quelque chose d’invisible à savoir la séquestration du carbone. Il réalise la photosynthèse en consommant le gaz carbonique (CO2) et rejette l’oxygène utile à la vie humaine », se convainc-t-elle. Dans certains pays, déclare-t-elle, les forêts sont créées artificiellement or Bangreweogo est naturelle. Le ministère en charge de l’environnement est ambitieux et prévoyant en étant dans la dynamique de la décentralisation en organisant les acteurs à la base, rassure-t-elle.

Dans ce sens, l’UICN, comme d’autres acteurs, intervient dans la protection de la biodiversité au Burkina Faso, mais pas encore d’actions spécifiques au niveau du PUBW, confie son chef de programmes, Dr Jacques Somda. « Nous envisageons une concertation future avec la mairie de Ouagadougou qui semble avoir un agenda chargé sur la question.
La situation actuelle du Parc est la dégradation. Le gouvernement a mis en place des textes pour la conservation de la nature qui encadrent les acteurs publics et privés, mais la visibilité sur le terrain laisse à désirer » précise-t-il. Toutefois, il y a une lueur d’espoir, fait-il comprendre, avec le projet BIODEV 2030 partant du constat que la biodiversité se situe au cœur des problématiques de développement durable et qu’elle doit donc être intégrée à chacun des secteurs économiques. Pour Dr Jacques Somda, à travers ce projet, chaque acteur intervenant dans la conservation de la biodiversité devrait montrer clairement ses stratégies et ses objectifs.

Le PUBW a été concédé à la mairie de Ouagadougou qui en assure la gestion. La directrice régionale en charge de l’environnement du Centre fait savoir que la dynamique actuelle est d’accompagner la mairie pour reboiser le parc afin d’atténuer les effets négatifs de la réhabilitation de la Route nationale n°4 (RN4). Des concertations, laisse-t-elle entendre, ont déjà eu lieu avec ses responsables et ceux du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST).

Boukary BONKOUNGOU

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