Lutte contre le COVID-19 : On ne peut vouloir le beurre et l’argent du beurre

Si les marchés et yaars sont fermés, ceux qui y officiaient peuvent bien procéder à une reconversion temporaire le temps de voir la crise passer.

Comme il fallait s’y attendre, le gouvernement burkinabè a décidé d’apporter une réponse plus énergique à la crise causée par le COVID-19. Le 02 avril 2020, dans son adresse à la nation, le Président du Faso, Roch Kaboré a sorti l’artillerie lourde. 394 milliards FCFA, soit
4,45 % du PIB, seront mobilisés pour atténuer les effets du coronavirus sur les populations. Ce montant intègre le plan global de riposte sanitaire qui se chiffre à environ 178 milliards FCFA. En dépit des efforts qui sont faits, certains continuent de maugréer estimant qu’ils ont été laissés pour compte. Est-il raisonnable de penser que le pays peut avoir suffisamment de ressources pour satisfaire tout le monde ?

Nous sommes dans un cas de force majeure ; face à une crise qui a pris le monde entier de court. Même les «grandes puissances » sont déboussolées du fait de la propagation du virus. Le Burkina Faso, pays aux ressources très limitées, déjà frappé par le terrorisme depuis plus de 04 ans, arrive quand même à tenir malgré les vagues et les tumultes. Avec le COVID-19, beaucoup n’auraient pas vendu cher la peau du pays. Mais le Burkina Faso reste tout de même debout avec ses atouts et ses limites objectives.

Le coronavirus doit nous amener à sortir de notre tour d’ivoire. Beaucoup d’expatriés sont actuellement en train de fuir l’Afrique comme s’ils fuyaient la peste, croyant pouvoir être logés à une meilleure enseigne en Europe ou aux Etats-Unis ! Ils donnent ainsi du crédit à toutes les prévisions apocalyptiques sur l’avenir du continent face au COVID-19. Ce qu’ils oublient, c’est que ce virus ne peut être guère confiné dans un pays. Tant que le moindre cas existera dans le monde, aucun pays ne saurait prétendre être sorti de l’auberge. Il faut donc développer l’intelligence collective pour éradiquer complètement le coronavirus de la surface de la terre.

Si les Occidentaux peuvent se faire rapatrier, quelles options s’offrent à nous Burkinabè si la maladie devenait incontrôlable dans notre pays ? (touchons du doigt). Vers où pourrions-nous nous réfugier ? Dans le contexte actuel, nos marges de manœuvre sont très minces car toutes les frontières sont fermées. Nous nous sommes permis tout ce développement, pour situer chaque Burkinabè face à ses responsabilités. L’heure est grave. Les incrédules doivent enfin se réveiller de leur profond sommeil. Nous courons tous vers le précipice si nous ne réagissons pas de façon conséquente et à temps. Dans tous les pays du monde, il y a des divergences idéologiques et politiques. Mais dès que l’avenir de la nation est menacé, les uns et les autres font l’effort de se coaliser pour affronter l’ennemi commun.

Au Burkina Faso, en période de crise, nous sommes champions dans la division, la délation, les règlements de compte, la diabolisation de l’autre,… Sans rire, l’opposition jure par exemple que le plan de riposte contre le COVID-19 est un subterfuge que le parti au pouvoir compte exploiter à fond pour « piller encore les maigres ressources du pays». Rien de plus. Rien de moins ! Quel gouvernement sérieux peut se réjouir de la misère de son peuple ?

A travers des revendications corporatistes, certains acteurs estiment également qu’ils ont été royalement ignorés par le Président du Faso dans l’annonce des différentes mesures. C’est ainsi que des artistes, des commerçants,…sont montés au créneau pour demander au Président de « faire quelque chose » pour eux comme s’ils étaient les seuls à être affectés par le COVID-19. A quoi aboutirions-nous si tout le monde devrait entonner le même refrain ?

Coronavirus : bientôt un mauvais souvenir

Face à une crise de cette ampleur, le plan de riposte a vocation à être général. Des secteurs prioritaires sont identifiés pour des investissements structurants qui vont avoir un impact sur l’ensemble de la société. Les situations ne peuvent être gérées de façon isolée car aucun pays au monde ne peut se targuer de disposer de ressources suffisantes pour contenter tout le monde.

Tous les pays du monde rencontrent des tensions de trésorerie aujourd’hui. Il faut donc savoir raison garder et se convaincre définitivement que l’Etat ne saurait tout faire. L’Etat providence est mort depuis belle lurette. Chacun doit être maitre de son destin dans le respect des lois en vigueur. Si les marchés et yaars sont fermés, ceux qui y officiaient peuvent bien procéder à une reconversion temporaire le temps de voir la crise passer. Le Burkina Faso n’a pas encore décrété le confinement général.

Les horaires du couvre-feu ont été aménagés afin de ne pas tuer l’activité économique. Entre 5h et 19h, il est bien possible de mener des activités lucratives pour gagner son pain quotidien. Il faut un changement radical de mentalité si nous voulons nous en sortir et être à même d’assurer un avenir à nos enfants. Ce n’est pas en vociférant à longueur de journée contre le gouvernement que les choses vont s’améliorer à notre échelle individuelle. Pour l’homme averti, chaque problème doit être transformé en opportunité pour rebondir. Il ne faut jamais s’apitoyer sur son sort car de nombreuses personnes envient peut-être notre situation.

Si le plan de riposte sanitaire seulement est passé de 11 à 178 milliards, c’est que l’exécutif est soucieux de préserver la santé du maximum de Burkinabè. Et comme la réponse doit être intégrale, 216 autres milliards sont consacrés aux mesures socioéconomiques. Dans la situation de marasme économique actuel, arriver à mobiliser 394 milliards serait une véritable prouesse pour le Burkina Faso. Le combat étant commun, chacun doit donc apporter sa pierre à l’édifice. Aucun sacrifice n’est de trop quand il s’agit des intérêts supérieurs du peuple burkinabè.

L’élan de solidarité doit s’accentuer. Le Burkina Faso peut bien s’en sortir avec les contributions de ses fils et filles au niveau interne et du côté de la diaspora. Chacun peut et doit faire quelque chose pour son voisinage. Aucun ilot de prospérité n’est viable dans un océan de misère. Nous devons redécouvrir le sens de la solidarité et de la cohésion sociale en ces moments difficiles. Ce sont les petits gestes mis ensemble qui renforceront la résilience collective jusqu’à la disparition du virus.

Les efforts sont du reste déjà en train de porter des fruits. A la date du 06 avril, le Burkina Faso enregistrait 108 guérisons, soit le taux de guérisons le plus fort d’Afrique de l’Ouest devant le Sénégal (105 guérisons à la même date). Même si le pays est toujours en tête en Afrique de l’Ouest pour ce qui est du nombre de cas (364 cas au 05 avril), force est de reconnaître des progrès significatifs dans la prise en charge.
Tous les acteurs avec en première ligne l’équipe de coordination nationale, les agents de santé, les FDS, doivent être fortement encouragés. Au niveau individuel et collectif, il faut continuer à respecter scrupuleusement les gestes-barrières. L’espoir est permis. Le COVID-19 sera bientôt un mauvais souvenir au Burkina Faso. Chacun doit en faire son combat quotidien.

Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant-chercheur
Ouagadougou

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