Lutter autrement

Plus de deux mois après son premier message à la Nation, le 27 janvier 2022, le président du Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba, était, de nouveau, face à ses concitoyens, le vendredi 1er avril 2022.

Le premier rendez-vous avec les Burkinabè a été celui de la clarification après l’interruption de l’ordre constitutionnel à la suite des évènements du 24 janvier 2022 et les ambitions des nouvelles autorités de « jeter les bases d’un Burkina Faso nouveau, débarrassé des oripeaux d’une gestion politique aux antipodes de nouvelles aspirations de notre peuple », avec comme priorité principale, le rétablissement progressif de la sécurité dans les zones sous influence des groupes armés terroristes.

Entre les deux messages, les incidents sécuritaires se sont multipliés à travers le pays, suscitant des interrogations légitimes au sein des populations sur la capacité des nouvelles autorités à inverser, à court terme, la tendance. La deuxième sortie du Président Damiba visait surtout à rassurer. Rassurer ceux qui doutent que « la recrudescence des attaques terroristes…ne peut pas et ne doit pas être lue comme le signe de l’inaction ou de l’inefficacité de ce que nous sommes en train de déployer sur le terrain ».

Pour le président Damiba, il n’y a pas de place pour le doute ou la peur, car « les premières actions pour agir directement sur les facteurs du terrorisme dans notre pays sont en cours ». Pour une des rares fois, le président Damiba a levé un coin de voile sur la stratégie à l’œuvre et qui consiste en une combinaison d’actions civilo-militaires impliquant des acteurs communautaires de premier plan. En effet, cette annonce intervient quelques semaines après des rencontres de concertations entre le Chef de l’Etat et les différentes communautés religieuses du pays.

Elle permet de ce fait de mettre sous de bons auspices, le programme de « déradicalisation », un axe majeur de la nouvelle stratégie multidimensionnelle de lutte contre le terrorisme et qui, au-delà du tout militaire en guise de réponse, laisse une passerelle aux Burkinabè qui ont été pris dans la spirale des groupes terroristes de déposer les armes, d’avoir une autre porte de sortie que celle de tuer ou d’être tué.

Si de possibles erreurs d’appréciation de la nature de la crise sécuritaire ont pu être commises au début, aujourd’hui la réalité impose un certain nombre de questionnements dans la mesure où la majorité des combattants terroristes sont des Burkinabè. La paix peut-elle s’obtenir par la seule voie militaire ? Au fond, le dialogue et la négociation ne sont-ils pas nécessaires ?

C’est peut-être en réponse à ces questionnements que Paul-Henri Sandaogo Damiba a proposé dans les conditions « d’un engagement total » pour recouvrer le territoire national, de créer des comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix, avec pour mission d’approcher « les enfants égarés de la Nation » au sein des groupes terroristes. Enfin, une approche réaliste (pas forcement populaire), dirions-nous d’une crise dont les tournures nous imposent l’expérimentation d’autres armes que celles utilisées depuis six ans maintenant.

Ce deuxième message présidentiel a beau être largement consacré à la sécurité, il parle aussi aux membres des organes de transition et qui sont appelés « à servir et non à se servir » en vertu d’une nouvelle gouvernance basée sur des valeurs telles que la méritocratie, le sens du sacrifice, l’impartialité, l’équité…

Aussi, l’occasion de la visite d’une délégation de la CEDEAO est-elle belle pour que le président Damiba n’en profite pas pour appeler à l’accompagnement et au soutien des partenaires du pays et de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme, entendue comme la véritable conditionnalité de l’organisation « rapide » d’élections libres, transparentes et sécurisées ?

Une réponse sibylline aux exigences de la CEDEAO. Le premier magistrat du pays sait qu’il est attendu. Le rendez-vous dans cinq mois doit s’entendre comme une invite à tous les Burkinabè de toutes les contrées de l’intérieur comme de la diaspora, afin que tous mettent la main à la pâte pour mieux flétrir la farine.

Par Mahamadi TIEGNA

mahamaditiegna@yahoo.fr

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