Maison d’arrêt et de correction de Tenkodogo : ces métiers qui autonomisent les ex-détenus

La réinsertion socioprofessionnelle en milieu carcérale, notamment à la Maison d’arrêt et de correction de Tenkodogo (MACT) force l’admiration. En effet, les détenus y apprennent des métiers tels que la soudure, la savonnerie, la confection de sacs artisanaux, la coupe-couture et le pressing. Constat !

Libéré en 2020 après avoir passé deux ans et six mois en prison, Bouri Minoungou, cet ex-pensionnaire de la Maison d’arrêt et de correction de Tenkodogo (MACT), époux de deux femmes et père de sept enfants, dit avoir connu un séjour plein d’enseignements. Formé à la soudure, métier de seconde chance de la prison, il est un modèle de réinsertion réussie. C’est en 2018 que M. Minoungou a été conduit en prison pour une affaire de viol. Il a indiqué n’avoir subi ni de sévices corporels ni de torture durant son séjour en prison. Mieux, il dit garder de bonnes relations avec le personnel de la MACT, notamment avec le responsable de l’atelier de soudure. Selon ses dires, c’est en prison qu’il a renforcé ses connaissances dans ce métier.

L’établissement pénitentiaire de Tenkodogo n’a pas de titre foncier, selon ses responsables.

« A mon arrivée en prison, j’ai demandé aux autorités de l’administration pénitentiaire de me permettre de poursuivre mon métier de soudure afin qu’à ma sortie je puisse me prendre en charge. Ma spécialité réside dans la soudure des portails, les fenêtres de toutes les dimensions (vitrées ou non); des table-bancs, des armoires, des chaises, des tables métalliques et de bien d’autres meubles », a confié Bouri Minoungou, que nous avons rencontré dans son atelier, entouré de ses quatre ouvriers. Après avoir purgé sa peine, il a retrouvé son atelier de soudure « Minoungou et frère », situé au secteur 6 de Tenkodogo, qu’il a ouvert en 2009. Il précise qu’en plus de ses clients ordinaires, il reçoit des commandes de la MACT. Toutefois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. M. Minoungou déplore le manque de certains matériels de travail de soudure, dont, entre autres, un poste de soudure, des cisailles, une meule, un étau et une chignole. Des matériels qui, de son avis, lui permettraient de renforcer son équipement et d’agrandir son atelier. Le directeur de la MACT, l’inspecteur de sécurité pénitentiaire, Éric Ouédraogo, explique que la mise en place des divers ateliers de formation et d’apprentissage de métiers dans sa structure a pour finalité, de réussir la réinsertion socioprofessionnelle des pensionnaires à leur sortie de prison.

L’urgence de leur trouver un métier

Plus de 50% de ces derniers sont des jeunes. « Nous travaillons à ce que nos pensionnaires puissent avoir une qualification à travers la formation professionnelle. C’est l’occasion pour moi d’inviter les différents partenaires, les personnes de bonne volonté à nous accompagner dans nos différentes activités de formation », lance M. Ouédraogo. A la MACT on apprend, en plus de la soudure, la savonnerie, le tissage de sacs artisanaux, la coupe-couture mixte, la blanchisserie, l’élevage (principalement des porcs) et le jardinage. Selon l’administration pénitentiaire, toutes ces activités sont placées sous la supervision d’encadreurs issus du personnel de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) de la MACT. A notre passage dans les ateliers de la maison d’arrêt de Tenkodogo, le vendredi 18 décembre 2020, l’ambiance était bon enfant. Notre séjour nous a permis de visiter les différents ateliers de formation et d’apprentissage et aussi d’échanger avec les différents chefs d’ateliers. A la section soudure, ouverte depuis 2018, on forme des adultes et des mineurs aux différentes techniques. Elle est dirigée par l’assistant GSP, Oumar Assane Zan. « C’est grâce à l’ancien détenu, Bouri Minoungou, que l’atelier de soudure a été mis en place. Il avait déjà un certain niveau dans le métier avant de venir en prison. Nous l’avons formé et à son tour, il forme aussi des jeunes. Nous collaborons toujours car, nous lui donnons souvent des marchés et lui aussi il nous en donne. Je peux affirmer qu’il a réussi sa réinsertion professionnelle à travers cet atelier et c’est une bonne chose pour sa famille et pour la société.

L’atelier de soudure Minoungou et frère, est situé au secteur 6 de Tenkodogo.

Après la libération de Bouri Minoungou, je forme présentement trois jeunes détenus à la soudure», affirme-t-il. La responsable de l’atelier de savonnerie, l’assistante GSP, Safoura Tiendrébéogo, soutient que la fabrication du savon concerne principalement les femmes détenues. Des savons de toilette et de lessive, à base de neem, de « djabi » et de l’argile verte sont produits dans l’atelier de savonnerie de la MACT. Mme Tiendrébéogo déplore le fait que des détenus condamnés parfois à cinq ans voire plus, sortent sans aucune qualification professionnelle et reviennent souvent en prison parce qu’ils n’ont pas bénéficié de formation professionnelle pendant leur détention. « Nous avons formé deux dames qui, aujourd’hui, maîtrisent parfaitement la technique de fabrication des différents savons. Nos clients sont les personnels de l’administration pénitentiaire, les détenus et parfois les visiteurs qui achètent pour leurs parents et amis qui sont en prison. Nous cherchons aussi la clientèle dehors », ajoute l’assistante Tiendrébéogo. « Cela fait 18 ans que je forme les femmes détenues de la prison au tissage des sacs artisanaux. Je connais des femmes qui poursuivent ce travail après la prison. Elles témoignent réussir leur réinsertion sociale car, elles subviennent à leurs besoins primaires », confie de son côté la responsable de l’atelier de tissage, Fatoumata Nombré. Comme les autres ateliers, celui de la coupe-couture mixte et du pressing moderne offre du métier aux détenus.

90% des jeunes détenus sont formés

C’est l’avis de son responsable, l’assistant GSP, Gérard Yoni. « Nous formons les détenus au métier de la coupe-couture mixte. Nous avons également ouvert un pressing équipé de matériel moderne, accessible et ouvert à tout le monde. Ceux qui viennent avec des notions de coupe-couture mixe ou simple, nous les accompagnons pour qu’à leur sortie, ils puissent réussir leur réinsertion socioprofessionnelle. Nous cherchons aussi un styliste qui va accompagner les détenus. A cet effet, un projet a été monté pour l’acquisition de machines à coudre appropriées que nous avons envoyées à notre hiérarchie », relate Gérard Yoni. Il ajoute qu’outre leur « clientèle maison », il y a ceux qui viennent de la ville avec leurs tissus pour coudre ou faire laver et repasser leurs habits car, ceux qui y sont font du bon travail. Le responsable des porcheries, l’assistant GSP, Jérôme Bamouni, explique aussi que trois détenus sont mis à sa disposition pour l’élevage des porcs. Il indique que 90% des jeunes détenus qu’il reçoit sont formés à cette activité. La formation consiste à apprendre aux détenus comment entretenir les porcs, les soigner et les faire produire. « L’élevage des moutons, des bœufs et de la volaille est aussi pratiqué. Mais pour le moment, nous avons suspendu l’élevage de la volaille à cause des conditions climatiques non favorables. Nous comptons reprendre cette activité juste après le mois de février parce qu’en cette période, la volaille meure beaucoup », indique-t-il. La maison d’arrêt dispose d’un foyer, mais depuis un certain temps, le manque de four a occasionné un ralentissement de ses activités. Afin de trouver une solution à ce problème, M. Bamouni dit avoir engagé des pourparlers avec l’administration pénitentiaire. « Vu la rentabilité de l’élevage de porcs, des détenus comptent s’y investir, après leur sortie de prison, pour peu qu’ils bénéficient de mesures d’accompagnement », ajoute-t-il.

La blanchisserie

Le jardin de la maison d’arrêt est d’une superficie d’environ 1ha 500. 16 personnes s’en occupent. Les variétés cultivées sont le gombo, le choux, la salade, les aubergines, la tomate, l’oseille. A la pépinière on trouve, entre autres, du moringa, du flamboyant, des citronniers, des papayers, des goyaviers et des eucalyptus. Selon le responsable du jardin, l’assistant de sécurité pénitentiaire, Janvier Koéla, la plupart des détenus n’ont jamais fait de jardinage même si certains d’entre eux sont des agriculteurs. C’est à la maison d’arrêt qu’ils apprennent cette activité et ils sont suivis à cet effet par des techniciens d’agriculture de la direction régionale de l’agriculture et des aménagements hydroagricoles du Centre-Est. Une partie de la production du jardin est utilisée dans la cuisine des détenues et le surplus est vendu aux populations riveraines et aux restaurateurs de la place. Ce sont eux les clients potentiels. Les recettes servent généralement à l’achat de produits pharmaceutiques pour les soins des personnes malades de la prison, a expliqué l’assistant Koéla. « A chaque fin de mois, une part des ventes issues des productions du jardin extérieur est utilisée pour la rémunération des détenus qui y travaillent, dans le but de les encourager à se lancer dans cette activité à leur sortie », affirme Janvier Koéla.

Besoin de personnels permanents et qualifiés

Où nous sommes passés, le constat varie d’un atelier à un autre. Cependant, les difficultés majeures sont partagées. Parmi elles, il y a les conditions d’accès du public et des clients potentiels aux différents ateliers de la prison. A cela s’ajoutent le manque de locaux pour la mise en place d’autres ateliers de métiers, l’exigüité des salles d’apprentissage, le manque de personnel permanent et qualifié pour l’encadrement technique et professionnel des détenus dans certains métiers ainsi que d’outils de travail. Au titre toujours des difficultés évoquées, le directeur de la MACT, l’inspecteur de sécurité pénitentiaire, Éric Ouédraogo, relève l’absence d’un titre foncier pour l’établissement pénitentiaire. Afin de surmonter ces obstacles, les maîtres-formateurs ont soumis des doléances à leur hiérarchie et à la direction de la production pénitentiaire. Globalement et de façon unanime, les chefs d’atelier ont soutenu que les produits qui sortent de la MACT n’ont rien à envier, en termes de qualité, à ceux qui sont fabriqués dehors. Ils souhaitent alors un accompagnement de l’Etat, ses partenaires au développement et des autres structures publiques et privées, afin de permettre à la maison d’arrêt d’atteindre ses objectifs, à savoir la formation professionnalisante aux métiers de seconde chance des détenus.

Bougnan NAON
naon_2012@yahoo.fr

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