Mali : le temps des incertitudes

Le scénario burkinabè est-il en phase de se reproduire au Mali ? C’est le moins que l’on puisse dire, au regard des informations qui proviennent des bords du Djoliba. En effet, en pleine transition burkinabè, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), sous la houlette du général Gilbert Diendéré, perpétrait un coup d’Etat contre la Transition, présidée par Michel Kafando en 2015. Même si la résistance populaire a permis de faire échec à ce coup de force. Par mimétisme ou par coïncidence, la transition malienne vient de connaître un coup d’arrêt avec l’annonce, hier lundi 24 mai 2021, en début de soirée, de l’arrestation du président de la transition, Bah N’Daw, et du Premier ministre, Moctar Ouane, par des militaires qui les ont conduits au camp de Kati, où le coup d’Etat contre le président Ibrahim Kéïta (IBK) avait été planifié et exécuté, le 18 août 2020. Cette soudaine montée de tension est intervenue, dès la publication du second gouvernement, Moctar Ouane II (25 membres dont 5 femmes), qui a mis à l’écart deux membres influents de l’ex-Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) ayant mené le putsch contre IBK. Ainsi, le colonel Modibo Koné a dû céder son poste de ministre de la Sécurité et de la Protection civile au général Souleymane Doucouré, jusque-là chef d’Etat-major de l’armée de l’air. De même, le colonel Sadio Camara a quitté le très stratégique ministère de la Défense pour être remplacé par le général, Mamadou Lamine Ballo.

Ces arrestations qui s’apparentent à un coup d’Etat sont-ils liées au remplacement de ces deux ténors de l’ex-junte au pouvoir ? L’émissaire de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, dépêché d’urgence sur place parviendra-t-il à faire entendre raison aux militaires comme ce fut le cas au Burkina Faso, afin que la transition puisse se poursuivre ? Les prochaines heures et jours nous situeront davantage.

Déjà, cette cacophonie s’installe à un moment où le gouvernement malien et l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), principale organisation syndicale du pays, viennent d’échouer à trouver un terrain d’entente après d’âpres pourparlers. Face à ce que les premiers responsables de l’UNTM ont considéré comme un manque de volonté de la part des autorités, ils ont décidé d’entamer une deuxième grève du 24 au 28 mai 2021. Après une première grève, qui a eu lieu, du 17 au 21 mai et qui a été bien suivie sur toute l’étendue du territoire malien, l’on craint à nouveau les conséquences pour ce second mouvement. On se demande si ce dialogue de sourds ne va pas empirer la situation du Mali qui, depuis le renversement du président IBK, n’a véritablement pas avancé dans la résolution de ses problèmes. L’insécurité, qui a plongé le pays dans l’incertitude, continue de plomber le quotidien des populations avec une recrudescence des attaques terroristes. Sur le terrain de la fronde sociale, les travailleurs continuent de battre le pavé pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail.

A quelques neuf mois de l’organisation des élections présidentielle et législatives, l’on voit combien, il sera difficile pour le gouvernement de satisfaire les revendications du monde des travailleurs si au meilleur des cas, la transition a pu se poursuivre. En de pareilles circonstances, il reste la voie du dialogue et de la négociation pour trouver le juste compromis. Les autorités et les responsables syndicaux n’ont d’autre choix que de se parler. Les grèves pourront être multipliées, mais quels résultats vont-elles produire si ce n’est une sorte d’enlisement improductif ? Aujourd’hui, le Mali est à la croisée des chemins, c’est un grand corps malade qui a besoin que l’on se penche sérieusement sur lui sans émotion et sans esprit vindicatif. Actuellement, bon nombre de Maliens, qui avaient cru voir des éclaircies à l’horizon avec le départ d’IBK du pouvoir, réalisent que le problème du pays était plus profond que cela. Il serait judicieux pour l’UNTM de savoir tirer sur une corde tendue, dont la cassure sera préjudiciable à tous. Lorsque l’édifice qui abrite tous les habitants menace de s’écrouler, il est indéniable que la solidarité est plus qu’un impératif pour coller les lézardes.

Karim BADOLO

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