Mali : Négocier, la solution idéale ?

Les pays du Sahel en proie à l’hydre terroriste ne lésinent pas sur les moyens pour parvenir à la stabilité et à la pacification de leurs Etats. Au Mali, les autorités de la Transition, tout en maintenant leurs troupes en alerte sur le terrain, ont décidé de privilégier l’option de la négociation avec les chefs djihadistes. La mission a été confiée, à en croire le gouvernement malien, au Haut conseil islamique(HCI). L’institution devra donc négocier avec Lyad Ag Ghali et Amadou Kouffa, respectivement chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GISIM) et chef de la Katia Macina.

L’objectif, on le sait, est de parvenir à mettre fin à cette guerre qui endeuille, à longueur de journée, les familles et plombe le développement socioéconomique du pays. Cette situation dramatique peut-elle trouver une issue en négociant avec des extrémistes violents ? La question peut paraître saugrenue mais vaut son pesant d’or dans la mesure où ces Islamistes ont des filiations à l’international et cachent aussi des revendications sécessionnistes. Une chose est sûre, l’idée d’une discussion avec les groupes terroristes n’est pas nouvelle au Mali. L’idée figurait, en effet, faut-il le rappeler, en pôle position dans les recommandations de la Conférence d’entente nationale de 2007 ou encore celles du Dialogue national inclusif de 2019.

Et, maintenant que les discussions sont en passe d’être actées, voire officialisées par les autorités maliennes, en dépit des divergences dont elles font l’objet au sein de la société malienne, il est opportun de se demander ce qui est à l’origine de ce changement de paradigme. Sans être plausibles, deux constats s’imposent à l’analyse. En effet, selon toute proportion gardée, la solution militaire semble dorénavant hors de portée dans la lutte contre le terrorisme. Car, comme l’estiment bon nombre d’observateurs avisés de la crise malienne, la Force Barkhane n’est pas parvenue à sécuriser la zone, encore moins à donner les moyens à l’armée malienne de tenir tête à ces groupes qui écument le pays.

L’autre aspect et non des moindres, est que les combattants de certains groupes extrémistes sont essentiellement maliens. Et par ce fait, il devrait donc y avoir possibilité de s’entendre entre « enfants du pays ». Toutefois, sans verser dans un pessimisme gratuit, le chemin vers la paix, tant souhaitée par tous s’avère encore long. Et ce, d’autant plus que les jalons de cette discussion ne sont pas encore posés. Pire, nul ne sait ce qui sera sur la table des discussions.

La mission ne sera donc pas du tout aisée pour le Haut conseil islamique malien face à ces islamistes intransigeants sur leurs revendications. En effet, parvenir à convaincre des djihadistes à se plier aux exigences d’un état de droit ou aux préceptes du « monde civilisé » semble relever d’une gageure. Dans un tel contexte, il apparaît in fine, nécessaire de garder l’arme au poing, étant entendu que c’est le rapport de forces qui déterminera la suite du processus.

Il reste toutefois, à espérer que cette équation de la négociation avec les groupes armés aboutira aux résultats escomptés, au grand bonheur du peuple malien, longtemps martyrisé par les affres du conflit. Si cela venait à se concrétiser, cela créerait sans doute des émules dans d’autres pays de la sous-région sahélienne. Aucune hypothèse n’est à écarter. Reste à espérer que les protagonistes de cette crise sauront raison gardée afin de permettre à ces pourparlers, qui s’annoncent, de servir de socle solide pour une véritable réconciliation dans le pays.

Mais, bien avant, le pouvoir malien devrait convaincre les autorités de Paris qui, naguère, s’étaient déjà opposées à une quelconque négociation avec les terroristes. Cela, surtout dans un contexte où des bruits persistants tentent, urbi et orbi, de rapprocher Bamako à la société russe, Wagner, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le pays.

Soumaïla BONKOUNGOU

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