Modélisation des foyers coraniques : Une passerelle vers l’école conventionnelle

En dépit de l’introduction du français, les cours de coran sont enseignés chaque matin à l’ensemble des élèves de l’école coranique.

Assurer l’éducation pour tous les enfants est l’un des objectifs visés par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF). Pour ce faire, il a mis en place le programme de modélisation des foyers coraniques dans certaines régions afin de permettre aux enfants hors école d’intégrer le cursus normal. A Dori dans le Sahel, 12 foyers sont concernés. Focus !

Il est 8h, ce 29 avril à l’école coranique « Boureima Ouédraogo » sise au quartier Wendou de Dori. L’animatrice de l’école, Apsatou Dicko, craie en main, administre une leçon de français à ses élèves. Un constat rare dans un foyer coranique dont la principale mission est l’apprentissage du Coran en arabe. Pourtant, le cas de l’école coranique « Boureima Ouédraogo » n’est pas isolé à Dori. En effet, dans 12 foyers coraniques de la ville, les élèves, en plus de l’apprentissage de l’arabe, suivent des cours en français comme dans les écoles conventionnelles.

Cela est possible grâce au Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) qui, déterminé à assurer l’éducation à tous les enfants du Burkina Faso, met en œuvre depuis le début de l’année 2021, un projet dénommé : « Modélisation de 12 foyers coraniques rénovés dans la commune de Dori ». Aux dires du coordonnateur du projet, Mamadou Barry, il s’agit d’un programme d’enseignement accéléré qui concerne les enfants hors écoles. Il a pour objectif de « rattraper » ceux qui n’ont pas la chance d’aller à l’école ou qui ont quitté les bancs trop tôt, pour leur permettre d’aller à l’école formelle.

D’une durée de trois années, ce programme va permettre, selon M. Barry, de concentrer en 36 mois, le cycle de six années de l’école primaire conventionnelle afin de permettre aux enfants, à la fin de la 3e année d’apprentissage, de se présenter au Certificat d’études primaires (CEP) français et arabe. « Les curricula ont été conçus par des pédagogues du ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales, afin de permettre aux élèves de se présenter au CEP après les trois années de formation », a-t-il expliqué.

Apprendre le b.a.-ba du fulfulde

Au début de leur formation, les bénéficiaires du programme commencent par une séance de fulfulde qui dure 45 jours. Pendant un mois et demi, ils apprennent, le b.a.-ba de l’alphabet et des lettres en fulfulde. Toute chose qui leur permet, foi de M. Barry, d’entamer le programme en français qui dure pendant tout le reste de la formation. « L’expérience a montré que les enfants qui apprennent le b.a.-ba de leurs langues maternelles arrivent à assimiler plus facilement les leçons de français. C’est pourquoi, nous commençons d’abord par leur apprendre le fulfulde pendant 45 jours avant de leur enseigner la langue de Molière », a indiqué Mamadou Barry.

Il a souligné cependant que la mission première de l’école coranique qui est d’enseigner le Coran demeure. En effet, a-t-il fait savoir, les élèves commencent leur journée de cours par l’apprentissage du Coran. Cette séance qui dure de 7h à 9h concerne, à ses dires, tous les enfants du foyer peu importe leur âge. Après cette séance, les plus jeunes sont libérés pour laisser la place à ceux qui ont un âge compris entre 9 et 13 ans qui poursuivent l’apprentissage en français dans le cadre du programme de modélisation des foyers coraniques. Quelle est la suite réservée à ces élèves après l’obtention du CEP ?

A écouter M. Barry, cet aspect a également été pris en compte par les acteurs de mise en œuvre du programme en ce sens qu’après leur premier diplôme, les élèves pourront s’inscrire dans un lycée d’enseignement général pour poursuivre leur cursus scolaire. Par ailleurs, ceux qui le voudraient et qui auront l’âge requis seront orientés dans des écoles professionnelles où ils seront formés à des métiers.

Eduquer à la coexistence pacifique

Le « projet Modélisation de 12 foyers coraniques rénovés dans la commune de Dori » est apprécié positivement par les bénéficiaires. Adama Sawadogo, un déplacé interne de 13 ans venu de Liki s’est dit content de participer à ce programme qui va lui permettre de réaliser son rêve de devenir enseignant. « Avec le foyer coranique classique, il était difficile pour moi de participer un jour au concours de recrutement des enseignants mais grâce à ce projet, je pourrai avoir le CEP français et poursuivre mes études dans un lycée afin de réaliser mon rêve d’être instituteur », a-t-il dit.

Oumani Zabré quant à elle a fui le village de Raogo où elle faisait la classe de CE2. Déplacée interne à Dori, elle n’avait d’autres opportunités de poursuivre ses études que de s’inscrire dans l’école coranique du quartier. Heureusement pour elle et grâce au projet Modélisation des foyers coraniques, elle pourra passer le CEP après trois années d’apprentissage. De quoi ravir la jeune fille qui nourrit le rêve de devenir avocate.
Les bénéficiaires du projet ne sont pas les seules à apprécier positivement le programme. En effet, le projet est également salué à sa juste valeur par les parents d’élèves.

Ces derniers, « très contents » de voir leurs enfants apprendre le français en plus de l’arabe, n’hésitent pas à se cotiser pour assurer la cantine scolaire. Une cantine à laquelle contribue également l’UNICEF à travers l’octroi de financements pour l’acquisition de vivres. Attaché également aux valeurs de coexistence pacifique, l’Organisme onusien, eu égard à la situation sécuritaire qui prévaut dans la région, a introduit des séances de « peace building » dans les foyers coraniques où est mis en œuvre le programme de modélisation.

« Les maîtres coraniques ont été formés à la culture de la paix et pendant leurs enseignements, ils font passer ces messages importants aux enfants. Ce, afin de leurs inculquer les valeurs de paix dès leur enfance. Et quand ils vont grandir, ils seront des artisans de paix », a indiqué Hamadou Diallo, administrateur en charge de l’éducation au bureau de Dori de l’UNICEF

Nadège YAMEOGO

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