« Montre-moi ta foi qui n’agit pas… ! »

Depuis qu’on a demandé aux Burkinabè de prier pour la paix dans le pays, il y en a qui ont déjà commencé à tout réciter par cœur. Mon voisin est venu me voir avec un long chapelet de griefs. Il m’a demandé si enfin Dieu lui-même sera là cette fois-ci. Je lui ai dit que Dieu a toujours été là. Il m’a répliqué que s’il a toujours été là, pourquoi fait-il comme s’il était las de nous, pire comme s’il nous avait oubliés. Pourquoi, dédier trois jours de prières comme si les jours d’avant nous ne priions pas assez ; comme si l’efficacité d’une prière dépendait de la fréquence des répétitions ou de la durée des invocations.

Pour mon voisin, ce n’est même pas Dieu que nous devons prier d’abord. C’est plutôt nous-mêmes que nous devons prier et même supplier. Nous devons conjurer le mal qui est en nous d’abord avant d’oser nous adresser à Dieu. Nous devons plutôt nous confesser qu’à professer ce que nous ne sommes pas vraiment. Peut-on s’adresser à Dieu sans en être digne ? Peut-on demander à Dieu ce qu’on ne peut pas se donner à soi-même ou à autrui ? Et puis, suffit-il de prier à la criée ou en sourdine sans écouter ses propres intentions et velléités secrètes, sans oser d’abord se regarder dans son propre cœur ?

J’ai dit à mon voisin qu’il est écrit que lorsque deux ou trois personnes se réunissent au nom de Dieu, il est là avec eux. Mais le téméraire lança que l’on peut être ensemble sans être unis, tout comme on peut évoquer Dieu sans vraiment l’invoquer. Si le nombre fait la force, c’est que les éléments du nombre sont en synergie et non en léthargie. En fait, mon voisin n’est pas athée. Il a l’air d’un raté mais n’a rien de gâté. C’est même un fervent croyant sobre, presque sans apparat et à l’allure d’agneau. Il est peut-être juste raisonnablement concret et rationnel, réaliste !

Il m’a dit que nous ne sommes pas tous suffisamment vrais pour plaire et mériter tout de la providence. Pour lui, la meilleure façon de prier, c’est de joindre l’action aux invocations et autres incantations. Celui qui prie vraiment ne fait pas de la magie, il agit ! Quand il demande respectueusement, il reçoit gracieusement. Malheureusement, nous ne sommes pas toujours sincères dans notre traversée du désert. Notre patrie ressemble à un chantier de singes, où les uns construisent et les autres détruisent.

Mais la Tour de Babel n’ira jamais loin tant que les bâtisseurs ne parleront pas le même langage : celui de la vérité et de la responsabilité. Nous sommes capables de faire des miracles sur fond de réclame sans pouvoir discrètement susciter l’orgueil des oracles sans le moindre spectacle. Nous sommes réputés être des hommes intègres, mais les faits rappellent que les méfaits de l’intégrité sont les calamités de sa destinée. Pour mon voisin, une bonne part du combat doit se mener sur le terrain plus qu’à travers les mains vides tendues vers le ciel. Aide-toi et le ciel t’aidera !

Tant pis si cela paraît impie ; personne n’a jamais récolté les épis de ce qu’il n’a pas semé. Et cette vérité n’a pas besoin d’être biblique ou coranique pour être empirique. Cette chronique peut même paraître hérétique pour le dogmatique qui s’emmure entre des vérités parfois solubles. A l’épreuve de l’adversité, même l’ennemi prie avant d’attaquer. Dans ce cas, espérons que nous ne prions pas le même Dieu et que seul le nôtre est le Bon. Et rien ne sert de dire abracadabra ou que Dieu nous aide, pour être aidé ; encore faut-il avoir la foi. Et mon voisin paraphrasa les Ecritures saintes: « montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi ».

Jacques chapitre 2, verset 18. 

Clément ZONGO clmentzongo@yahoo.fr

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