Mouvement féministe au Burkina Faso : Le Centre de recherche en genre lance le débat

Nestorine Sangaré, panéliste : « Le féminisme est quelque chose de bon lorsqu’il reste limité à la promotion des droits des femmes ».

Le Centre de recherche et d’intervention en genre et développement (CRIGED) a organisé, une conférence publique sur le mouvement féministe au Burkina Faso, le jeudi 8 avril 2021 à Ouagadougou.

Depuis cinq années environ, on assiste à un renouveau du mouvement féministe dans le monde. Le Burkina Faso ne vivant pas en autarcie, il n’est pas en marge de cette tendance. En effet, la plupart des bailleurs de fonds intervenant dans le pays disent appliquer une politique de coopération féministe dans leurs interventions. Mais qu’est-ce qu’on entend par féminisme ? Qu’est-ce qu’on veut défendre à travers ce mouvement ? C’est à ces questions que le Centre de recherche et d’intervention en genre et développement (CRIGED) a essayé de répondre au cours d’une conférence publique organisée, le jeudi 8 avril 2021, à Ouagadougou.

Trois panélistes que sont : Nestorine Sangaré, communicatrice, géologue, ancienne ministre de la Femme, Assétou Sawadogo Secrétaire permanente du Conseil national pour la promotion du genre (SP/CONAP-Genre) et Julie Rose Ouédraogo magistrate, conseillère à la Cour d’appel de Ouagadougou ont essayé, à travers des communications, de montrer l’historique du concept, de présenter ses différents courants, ses acquis et défis au Burkina. Concernant l’historique du féminisme, Mme Sangaré a fait savoir que l’idéologie féministe est née au 19e siècle avec des variations selon les pays. En effet, a-t-elle dit, il y avait le féminisme français, américain, anglais, etc.

Toutefois, a-t-elle précisé, l’ensemble de ces mouvements étaient fondés sur le principe que la condition de la femme est injuste et doit changer. Concernant le cas spécifique du Burkina, elle a noté que c’est à partir de la Révolution que le féminisme a germé au pays des Hommes intègres grâce au président Thomas Sankara qui s’est réclamé féministe et a œuvré pour mettre fin à certaines violences faites aux femmes telles que l’excision, le lévirat, la dot, etc. Cependant, elle a souligné que le mouvement féministe n’a pas fleuri au Burkina en ce sens que les femmes burkinabè n’ont pas eu à mener de grandes luttes pour bénéficier de certains droits fondamentaux comme cela a été le cas chez les occidentaux.

En effet, a expliqué Nestorine Sangaré, les femmes burkinabè ont hérité des droits français à travers les textes et conventions que le pays a ratifiés. Toutefois, certains acquis sont à mettre au compte du mouvement féministe qui, bien que n’ayant pas prospéré au pays des Hommes intègres a contribué à l’amélioration des conditions des femmes. Au nombre de ceux-ci, la SP CONAP-Genre a cité la parité homme-femme en matière d’accès à l’éducation. A cela, elle a ajouté la réduction du taux de mortalité maternelle et infantile et celle de la pauvreté des femmes. « On dit souvent que la pauvreté a un visage féminin, mais au fur et à mesure, les femmes arrivent à tirer leur épingle du jeu », a-t-elle apprécié.

Au niveau politique, Mme Kaboré a salué l’engouement de plus en plus grandissant de la gent féminine pour la chose politique. Tout en se réjouissant de ces acquis, elle a noté cependant que des défis restent à relever notamment sur le plan politique où le seuil minimal de 30% de femmes à l’Assemblée nationale et au gouvernement n’est pas encore atteint. « C’est un gros défi à relever, car c’est à l’hémicycle et au sein de l’exécutif que les choses principales se jouent. Et si les femmes n’y sont pas assez représentées, cela constitue un sérieux problème », a-t-elle estimé.

Particulariser le féminisme burkinabè

A ce défi, Mme Sawadogo a ajouté la problématique du maintien des filles à l’école. Pour elle, une chose est d’inscrire les filles à l’école, mais une autre est de faire en sorte qu’elles restent sur les bancs jusqu’à obtenir des diplômes qui leur permettront d’occuper des sphères de décisions. « Malheureusement au Burkina, nous n’en sommes pas là. Au niveau de l’achèvement scolaire, il y a toujours des difficultés qui sont accentuées par les grossesses non désirées », a-t-elle déploré. Sur le plan sanitaire, Assétou Sawadogo a fait remarquer que la mortalité maternelle reste élevée au Burkina et constitue un défi à relever par les autorités.

Face à ces défis, les panélistes, d’un commun accord se sont dit convaincues de l’apport indispensable du féminisme dans l’amélioration de la condition des femmes au Burkina. Mais de quel féminisme s’agit-il ? C’est à cette question que la magistrate, Julie Rose Ouédraogo a tenté de répondre dans sa communication. De ce qu’elle a dit, il existe deux courants de féminisme dans le monde que sont le féminisme modéré et radical. Pendant que le féminisme modéré s’attaque aux discriminations et aux violences faites aux femmes ainsi qu’à la problématique de leur autonomisation économique, celui radical, quant à lui, remet en cause le rôle reproductif de la femme. Pour ce courant de pensée, il faut compter sur l’évolution technologique pour permettre à l’autre moitié du ciel de se libérer de ce rôle reproductif qui constitue pour elle une oppression.

Selon la panéliste, c’est cette multiplicité de courants qui crée la méfiance et le rejet vis-à-vis du mouvement féministe. Au final, a-t-elle regretté, les gens n’arrivent pas à faire la différence entre le féminisme modéré et celui radical. C’est là tout le sens de cette conférence qui, aux dires de Dr Sangaré, va permettre d’asseoir et de particulariser le féminisme que les Burkinabè veulent mener. « Il y a plusieurs courants de féminisme et aujourd’hui, le féminisme radical est le plus dominant. C’est celui que porte le mouvement homosexuel en l’occurrence. Nous voulons que lorsqu’on parle de féminisme, on ne fasse pas l’amalgame.

Nous ne voulons pas arriver à une situation où des femmes vont se prendre pour des hommes pour aller changer de physionomie ou que, sous couvert de certains projets, des bailleurs fassent la promotion des comportements sexuels et que nos enfants pensant que c’est une mode vont s’y embarquer bêtement », a-t-elle soutenu. Pour elle, il faut que les choses soient claires : le féminisme voulu au Burkina est celui qui fait la promotion des droits des femmes et appelle à lutter contre toutes les formes de violences à leur égard.

Nadège YAMEOGO

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