Nécessité fait loi

Après une échéance manquée en janvier dernier, la réforme de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) est actée ce mois de février. Les fonctionnaires l’ont constaté, un brin incrédule, sur leurs bulletins de paie du mois en cours. L’avalanche de déclarations en guise de mise en garde de nombreux syndicats des travailleurs du public en janvier déjà en atteste, bien que prévue dans la loi de Finances 2020. Dire que la décision d’imposer les primes et indemnités des travailleurs du secteur public porte des germes de dangers et d’incertitudes pour la paix et la cohésion sociale serait enfoncer une porte ouverte. Au regard notamment de la situation de morosité économique et financière dans laquelle baigne nombre de travailleurs pour qui le quotidien  s’apparente souvent à un chemin de croix, à une vie à crédit, nouvelle tendance angliciste bien connue, le revolving. Ce d’autant plus que le climat social est pollué de rumeurs « d’affaires abracadabrantesques » qui amènent nombre de nos concitoyens à se convaincre et à affirmer, urbi et orbi, qu’il y a bien du « pognon » au Faso et que c’est la répartition des fruits de la croissance, la gestion des deniers publics, la volonté de combattre la corruption, qui posent problème. Au point qu’effleurer l’idée d’une possible érosion du pouvoir d’achat est assimilable à une décision inconsidérée. Mais ne dit-on pas que nécessité fait loi ? C’est dire que le gouvernement marche sur des œufs dans cette affaire et en a la pleine conscience. Toute chose qui l’a amené, à notre sens, à étudier tous ses contours avant de la rendre effective.

D’où vient-il donc que des dirigeants qui savent pertinemment qu’ils ont beaucoup à perdre dans une décision, surtout en année électorale, se jettent dans une mer houleuse et grondante au risque de se faire emporter par les vagues? Il ne faut pas aller chercher trop loin la réponse qui se trouve à notre sens dans le climat sécuritaire délétère qui impacte négativement notre économie d’une part, et dans la raréfaction des ressources au plan international d’autre part. La crise sécuritaire a porté un coup dur à l’ambitieux programme présidentiel de transformation structurelle de l’économie nationale, dont le financement est basé essentiellement sur la mobilisation des ressources internes (70 % environs). Ce programme a vite connu une inflexion sécuritaire (une loi de programmation militaire à 725 milliards de F CFA sur cinq ans) tout en prenant en compte la satisfaction des fortes demandes sociales qui ne cessent d’alimenter la fronde. De nombreux secteurs ont accusé le coup de la crise sécuritaire. Certains sont en voie de sclérose profonde pour ne pas dire de nécrose. Que faut-il faire ? Tendre la sébile ou se serrer la ceinture ? Tendre la sébile ne saurait être d’aucun secours quand on sait que l’option nationaliste prise par le pouvoir actuel n’est pas pour arranger nos relations avec certains bailleurs de fonds internationaux habitués à plus de docilité.

Il ne nous restera donc qu’à compter sur nos propres forces, sur le développement autocentré et endogène cher au père de la Révolution burkinabè et qui ne peut être financé que par l’effort national. Si cela passe par l’IUTS, il va sans dire que l’issue de la bataille d’opinion est connue d’avance. C’est tout de même un sujet trop sensible pour être laissé entre les seuls mains inexpérimentées de quelques activistes. Quelle que soit l’issue de cet inévitable rapport de force qui s’annonce, sans grand suspens au regard de nos vécus antérieurs, cela ne fera que reporter l’échéance d’un véritable dialogue patriotique national salvateur. Car, à l’étape actuelle de l’évolution du monde, il faut d’abord compter sur ses propres forces en respectant l’orthodoxie dans la gestion des deniers publics.

Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr 

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