Pénurie du Super 91 et mendicité des enfants : le gouvernement à la « barre » des députés

La session plénière de l’Assemblée législative de Transition, du vendredi 20 janvier 2023, à Ouagadougou, a été consacrée à deux questions orales sans débats, adressées au gouvernement. Ces questions ont porté, d’une part, sur les perturbations de ravitaillement constatées en fin 2022 des stations-service en carburant, notamment le Super 91 et d’autre part, sur le phénomène de la mendicité des enfants et des femmes dans les rues.

L’Assemblée législative de Transition (ALT) veut mieux comprendre les raisons du dysfonctionnement dans le ravitaillement du Super 91 constaté en fin 2022 et le phénomène de la mendicité des enfants et des femmes dans les rues ainsi que les mesures envisagées pour les juguler. Pour ce faire, elle a « convoqué » le gouvernement à sa « barre » pour répondre à deux questions orales sans débats lors de la session plénière, du vendredi 20 janvier 2023, à Ouagadougou. La question orale du député, Diédon Alain Hien, adressée au Premier ministre a été relative aux raisons profondes du dysfonctionnement de la distribution du Super 91 et les actions entreprises à moyen et long terme pour y remédier. Répondant à cette interrogation à la place du chef du gouvernement, le ministre en charge du commerce, Serge G. Poda, a indiqué que la crise d’approvisionnement que connait le Burkina est liée à des raisons d’ordre conjoncturel et structurel. A l’entendre, au niveau conjoncturel, le rationnement dans la distribution du carburant, notamment le Super 91, résulte de quatre difficultés majeures. Le 1er élément cité est le mouvement d’humeur des conducteurs en début décembre 2022 pour des raisons ayant trait au contrôle des cartes d’affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), aux taux de fret, aux pénalités douanières sur les manquants de carburant.

A travers deux questions orales sans débats, les députés ont souhaité des explications sur le dysfonctionnement de distribution du Super 91 survenu en fin 2022 et le phénomène des enfants et des femmes de la rue.

« Ce mouvement a eu pour conséquence la baisse des stocks à l’interne aussi bien en Super 91 qu’en gasoil à cause du ralentissement des flux logistiques », a-t-il précisé. La 2e difficulté est relative aux lenteurs dans le circuit bancaire national pour la couverture des transferts. Ces lenteurs, a-t-il expliqué, ont entrainé des retards d’escompte dans les paiements des factures des fournisseurs et un retard dans le déblocage de la ligne de financement de la Société internationale islamique de financement du commerce d’un montant de 200 millions d’euros, soit plus de 131 milliards F CFA. Le refus d’un fournisseur de relâcher des produits au profit de la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY) et la maintenance des dépôts « quantum » et « TTF » au Ghana sont les deux dernières difficultés avancées par le ministre Poda. Pour des raisons d’ordre structurel, le cumul des impayés de la subvention de l’Etat à la SONABHY évalués à 490 milliards F CFA à la date du 30 novembre 2022 et la vulnérabilité du Burkina aux chocs exogènes ont été évoqués.

Les mesures envisagées

Pour résorber les perturbations à moyen et long terme dans le but de garantir la disponibilité des hydrocarbures pour les populations, des mesures ont été envisagées. Il s’agit de la révision des procédures des appels d’offres sur les hydrocarbures, de la multiplication des achats d’urgence en dehors des appels d’offres, de la réquisition de camions étrangers pour accroitre les flux logistiques en cas de besoin, de la réforme du secteur des hydrocarbures.

A cela s’ajoutent l’acquisition de dépôts extérieurs pour réduire les risques liés à la dépendance du pays sur les dépôts étrangers et le renforcement de la coopération économique avec certains pays fournisseurs. Le ministre Serge Poda a rassuré les députés que l’exécutif a pris la juste mesure de la situation vécue et travaille d’arrache-pied pour mettre le pays à l’abri des perturbations d’approvisionnement en hydrocarbures. La question orale de la députée Marie Angèle Tiendrébéogo/Kalenzaga qui a été adressée à la ministre en charge de la solidarité a porté sur la perception du gouvernement par rapport au phénomène de la mendicité des enfants en âge d’aller à l’école et les femmes dans les rues et aux feux tricolores, dans les villes ainsi que le dispositif institutionnel et les mesures opérationnelles envisagées pour venir à bout du phénomène dans le court, moyen et long terme. Pour le ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, Boubacar Savadogo, représentant sa collègue en mission, le phénomène des enfants et des femmes en situation de rue s’est « effectivement » accru avec la crise sécuritaire. Les effectifs des enfants en situation de rue, a-t-il expliqué, sont passés de 2 146 en 2002 à 5 721 en 2010, puis à 9 313 en 2016 avec respectivement 56 ; 739 et 1 749 filles.

Une opération de retrait en vue

Le ministre en charge de la jeunesse, Boubacar Savadogo : « le phénomène des enfants et des femmes en situation de rue s’est accru avec la crise sécuritaire ».

Pour juguler ce fléau, il a soutenu qu’une opération de retrait des enfants et des femmes en situation de rue a été mise en œuvre de 2018 à 2021 par le département en charge de la solidarité. Cette opération a permis de retirer de la rue et de prendre en charge 2 956 enfants et jeunes dont 426 bénéficiaires d’une prise en charge en internat éducatif à Gampèla, Orodara, Kaya et Fada N’Gourma ; 96 jeunes filles ; 366 mères mendiantes dans la capitale et à Bobo-Dioulasso et 713 enfants qui les accompagnaient dans la mendicité. Cependant, a fait savoir le ministre Savadogo, avec la crise sécuritaire et l’insuffisance des ressources pour soutenir les efforts « plus intenses et constants » de retrait, le phénomène des femmes et des enfants dans la rue a pris une grande ampleur due aux déplacements « massifs » des populations des zones à fort défi sécuritaire vers les centres urbains jugés plus sécurisés dont Ouagadougou. Ainsi, en 2022, a-t-il relevé, la direction provinciale en charge du genre et de la famille du Kadiogo a dénombré dans les arrondissements de la capitale 843 déplacés internes en situation de mendicité dont 316 femmes, 507 enfants et 20 hommes.

« Cette situation contribue à une plus grande vulnérabilité de cette frange de la population au regard des dangers auxquels elle s’expose, mais peut également engendrer des risques sécuritaires », a-t-il confié. Aux dires de Boubacar Savadogo, face à cette situation, le gouvernement envisage une opération de retrait et de réinsertion socio-économique des femmes, enfants, jeunes déplacés internes et autres personnes vulnérables en situation de mendicité dans la commune de Ouagadougou. Pour cela, une note conceptuelle, une stratégie de mitigation des risques, une feuille de route et un plan média dans le but d’encadrer et conduire cette opération ont été élaborés. Des rencontres de concertation avec les parties prenantes sont également en cours. Les auteurs des questions se sont dit « globalement » satisfaits des éléments de réponses apportées. Le Président de l’ALT, Dr Ousmane Bougouma, a félicité le gouvernement et l’a « vivement » encouragé à trouver des solutions aux préoccupations soulevées par les deux députés.

Timothée SOME

timothesom@yahoo.fr

Yasmina KABORE (Stagiaire)

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