Prémices de crispations au Mali

Les protagonistes, signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali du 20 juin 2015, appelé l’Accord d’Alger pour désigner la ville qui a abrité les pourparlers, s’accusent mutuellement de sa non-mise en œuvre efficiente. Tandis que le premier camp représenté par le gouvernement parle de la relecture dudit accord, le second, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA,
ex-rébellion), voit d’un œil mitigé les résultats six ans après la signature de l’accord. Réunis à l’occasion du VIe anniversaire de l’Accord d’Alger, les membres de la CMA ont accusé le gouvernement d’être responsable du blocage.

Le porte-parole de la CMA, Maouloud Ould Ramadane, estime que le processus DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), l’un des points essentiels de l’accord, n’est pas effectif. « Pour aller au désarmement, il faut les modalités. On n’arrive pas à déterminer un quota d’ex-combattants qui vont intégrer les forces armées. Il faut qu’on arrive à se comprendre sur l’aspect armée reconstituée dont l’accord parle », estime-t-il. Au regard de l’évolution de l’actualité au Mali, l’on peut dire que le VIe anniversaire de la signature de protocole a servi de beau prétexte à l’ex-rébellion pour se faire entendre au moment où de nombreuses voix dénoncent l’accord. Une bonne partie de l’opinion malienne pense que ce pacte a été mal négocié à un moment où l’Etat malien était dans une position de faiblesse. De ce fait, elle exige, depuis l’ère d’Ibrahim Boubacar Kéita, la révision du pacte de bonne entente.

Le Premier ministre, Choguel Maïga, a indiqué clairement, lors de la première séance de travail du gouvernement que la révision de l’Accord d’Alger fait partie de sa feuille de route. C’est pourquoi, il faut lire dans la sortie de la CMA une manière de signifier qu’elle n’est pas la seule responsable de la non-application des termes de l’accord. Dans ce contexte où les deux camps jouent au ping-pong face à leurs responsabilités, il est à parier que les débats seront âpres lorsqu’il sera question de réviser les points non consensuels. Ces piques lancées à travers des sorties médiatiques ne sont que les prémices de crispations qui se feront entendre de part et d’autre. Et pourtant, il va falloir repasser par la case de négociations pour que l’accord puisse véritablement être mis en œuvre. Du moment où une bonne partie du territoire échappe au contrôle de l’Etat malien, le retour de la paix n’est pas pour demain. Il faudra qu’au sein des deux camps, l’on s’évertue à mettre en avant l’intérêt supérieur de la nation malienne.

L’ex-rébellion a intérêt à reléguer aux oubliettes ses revendications territoriales et à s’inscrire dans la dynamique du DDR. De son côté, le gouvernement doit donner les gages d’une disposition à cheminer avec la CMA vers une paix définitive. Une chose est sûre, cette situation de méfiance permanente ne fait l’affaire de personne. Si les groupes terroristes ont pignon sur rue dans le Nord du pays, c’est grâce à cette guerre fratricide qui a fait voler en éclats les socles de la cohésion sociale. Personne ne gagne dans cette situation de désordre et de guerre larvée. C’est tout le Mali qui est en train de régresser tout simplement parce que ses fils et filles ont mis en avant leurs egos démesurés au détriment du vivre ensemble. C’est en assumant les responsabilités respectives dans les malheurs qui frappent le « grand Mali » que les protagonistes sauront ramener la quiétude, indispensable pour relever les défis du développement socioéconomique. Il est temps que chacun comprenne que la violence et le radicalisme ne font qu’approfondir les sillons de la division et de l’intolérance.

Karim BADOLO

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