Procès de présumés terroristes : « Il vaut mieux me tuer », clame un accusé

Le procès des présumés terroristes s’est poursuivi le mercredi 11 juillet 2021 au Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II. Au cours de cette journée, un dossier sur les deux prévus, a pu être examiné par les juges.

L’ambiance à la salle d’audience n⁰1 du Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II était particulière, le mercredi 11 juillet 2021. Appelé à la barre pour répondre des faits d’association de malfaiteurs dans le cadre du procès des présumés terroristes, M.D, né le 1er janvier 1996 au Mali a, au cours des débats qui ont duré plus de trois heures d’horloge, passé son temps à « narguer » les juges chargés de l’examen de son dossier. Visiblement « insouciant » face au sort qui pourrait lui être réservé à l’issue de son jugement, M.D. a, « refusé » de répondre aux questions du tribunal.

« Je n’ai rien à vous dire. Demandez à ceux qui m’ont emmené ici de vous dire ce qu’ils me reprochent », a-t-il répété en guise de réponse à la majorité des questions posées par les juges. Des questions qui, pourtant, selon le procureur, visaient à recueillir à nouveau sa version des faits qui lui sont reprochés, en vue d’une meilleure manifestation de la vérité. De ces faits, il ressort que M.D. a été appréhendé par des éléments de la force française Barkhane lors du bombardement d’un camp terroriste à Ariel, un hameau de culture situé dans la province du Soum. M.D. et une vingtaine d’autres personnes étaient chargés de veiller sur le matériel de transmission, les munitions ainsi que les armes dudit groupe terroriste. Les autres ayant réussi à s’échapper, M.D. est alors capturé par les forces françaises et conduit à Ouagadougou où il est remis à la Brigade de recherches de la gendarmerie. Auparavant, un test chimique opéré sur lui révèle des traces de poudre noire sur ses mains et ses habits prouvant ainsi qu’il a manipulé une arme au cours des 72 heures précédant son arrestation.

Interrogé par le juge d’instruction, M.D. a affirmé être un membre du groupe terroriste Adhaoura, une fraction de l’Etat islamique au grand Sahara, dont le but est d’instaurer une province ouest africaine de l’Etat islamique dans la région des trois frontières. Le présumé terroriste aurait quitté son village Kassa au Mali, pour rallier Ariel, afin de se faire enrôler dans le groupe Adhaoura dirigé par Abou Hourayrah. Devant le juge d’instruction, il a confié avoir été « séduit » par trois de ses amis qui s’étaient faits enrôler dans ledit groupe et sont revenus au village plus nantis. Ces derniers l’auraient convaincu qu’il gagnerait un million francs CFA par mois s’il devenait membre du groupe. Par ailleurs, lui ont-ils dit, la prime monterait à deux millions F CFA, si au cours du mois, il participe à un combat. Considérant sa situation économique « difficile » (M.D était un cultivateur) et ayant besoin urgemment d’argent pour faire le baptême de son deuxième enfant qui venait juste de naître, il décide de suivre les pas de ses amis. Enfourchant la moto de son grand père, il quitte Kassa à 11h pour atteindre Ariel aux environs de 18 heures. « Je n’ai rien à faire avec vous » Après un bref échange avec le chef terroriste et son adjoint Abou Hama, ces derniers lui proposent de rejoindre les autres afin de se nourrir et se reposer. C’est pendant son repos que M.D. aurait été surpris par les bombardements des forces françaises. N’ayant pas pu s’enfuir, il a alors été appréhendé par les forces françaises. Bien qu’ayant relaté ces faits devant le juge d’instruction qui les a d’ailleurs consignés dans le dossier transmis à la Chambre correctionnelle spécialisée dans la répression des actes terroristes, M.D. a « refusé » de les conter à nouveau lors de sa comparution. Pourquoi aviez-vous adhéré au groupe terroriste ?

« Je n’ai rien à faire avec vous ni à vous dire. Il faut chercher ceux qui m’ont pris pour qu’ils vous disent pourquoi je suis ici et qu’ils vous apportent la preuve de ce qu’ils me reprochent », a-t-il rétorqué. Las de se faire servir la même réponse à chaque question, le président du tribunal a fini par demander : « Est-ce que vous vous portez bien M. ? ». Et ce dernier de répondre par l’affirmative. « Mais pourquoi refusez-vous alors de répondre à nos questions ? Ne pensez pas que votre sort est déjà scellé. Nous sommes là pour rechercher la vérité », a tenté de lui mettre en confiance le juge. Mais c’était peine perdue. M.D. est resté sur sa position jusqu’à la clôture des débats. La seule chose qu’il a ajoutée est qu’il n’a pas volé ni tué et que de ce fait, il n’a rien à faire devant un tribunal. Le procureur du Faso, jugeant les faits consignés dans l’instruction suffisamment clairs et avérés, puisqu’ayant fait l’objet d’une enquête, a estimé que l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec un groupe terroriste est suffisamment constituée dans le cas d’espèce. Et, eu égard à l’attitude du prévenu devant le tribunal qui laisse entrevoir une personne suffisamment radicalisée, il a jugé nécessaire qu’il soit mis à l’écart de la société pendant une période donnée.

Il a alors requis contre lui une peine de 21 ans d’emprisonnement ferme assorti d’une période de sûreté de 15 ans et une amende de deux millions FCFA. Appelé à la barre pour sa dernière défense, M.D. a dit préférer être tué que d’être emprisonné. « Je n’ai rien fait pour aller en prison. Si tel est le cas, il vaut mieux me tuer », a-t-il lancé. Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en premier ressort, le tribunal a déclaré M.D. coupable des faits qui lui sont reprochés. Par conséquent, il l’a condamné à 21 ans d’emprisonnement ferme assorti d’une période de sûreté de 14 ans et une amende de deux millions FCFA. Visiblement très remonté contre les juges à la suite de sa condamnation, M.D. a proféré des menaces à leur encontre. « Vous irez tous en enfer », a-t-il crié en fulfulde.

Nadège YAMEOGO

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