Procès du putsch: Des témoins proches de Bassolé s’expliquent

Des proches du général Djibrill Bassolé comparaissent en tant que témoins

Des anciens collaborateurs de Djibrill Bassolé, Bénédicte Jean Bila, ancien agent de renseignement à la solde du général et Alidou Savadogo, son ex-protocole, ont ouvert, hier lundi 28 janvier 2019, le bal d’auditions des témoins dans le cadre du procès du putsch de 2015.

Absent de l’audience du jour pour des raisons de maladies, le nom du Général Djibrill Bassolé a résonné dans la salle toute la journée. En effet, deux de ses anciens collaborateurs sont passés à la barre du Tribunal militaire es qualité de témoins. Inculpé au départ dans le dossier du coup d’Etat de 2015, Bénédicte Jean Bila a, ensuite, bénéficié d’un non-lieu prononcé par la Chambre de contrôle de l’instruction. Retenu comme témoin par le parquet, il a comparu hier lundi 28 janvier 2019.

Mais son témoignage n’a pas convaincu des avocats de la partie civile, tels Me Guy Hervé Kam, Me Séraphin Somé, qui ont qualifié ses déclarations de «mensongères» et demandé au Tribunal d’appliquer les dispositions de l’article 120 du Code de justice militaire relatif au «faux témoignage». Après avoir prêté serment, ledit témoin a raconté qu’il a appris le coup de force du 16 septembre 2015 par les ondes.

Il aurait échangé là-dessus avec des amis et s’est retrouvé inculpé. Interrogé par le président du tribunal à l’issue de son récit, il fera savoir qu’il connaît et collabore sur le plan du renseignement avec le général Bassolé. Il aurait échangé au téléphone avec l’officier six à sept fois pendant les événements.

Le parquet a trouvé là, l’occasion d’en savoir plus sur le contenu des communications. Mais à la lecture des retranscriptions de ses appels avec Bassolé, les accusés Hermann Yaméogo et le colonel-major Kiéré, l’adjudant-chef Doh, M. Bila a laissé entendre que les passages lus étaient des éléments nouveaux pour lui.

Lorsqu’un parquetier lui a lu son procès-verbal de première comparution dans laquelle il a informé le Centre de renseignement et de traitement de l’information (CRTI) de la gendarmerie que Djibrill Bassolé s’intéressait particulièrement à la situation à l’ex-RSP et de ce fait serait impliqué dans le putsch, Bénédicte Jean Bila a indiqué que cela relevait de son analyse.

Il en est de même des déclarations selon lesquelles, Hermann Yaméogo serait le planificateur du coup d’Etat, Léonce Koné le bras financier, sans oublier le colonel Yacouba Ouédraogo. Invité à réagir au récit du témoin, l’accusé Me Hermann Yaméogo signifiera que Bila a vu juste en disant qu’il est un défenseur farouche de l’inclusion. «Mais dire que je suis le planificateur, c’est aller trop vite en besogne», s’est défendu Me Yaméogo.

Pour sa part, Léonce Koné a expliqué que ce n’est pas sérieux que le témoin se fonde sur son ancienne fonction de banquier pour dire qu’il est le bras financier.
De son côté, Me Mireille Barry, conseil de la défense, s’est dit surprise que l’accusation se focalise sur les procès-verbaux de Bila en sa qualité de prévenu et non en tant que témoin. «Les éléments qui ont milité à l’inculpation de Bénédicte Jean Bila sont ceux sur lesquels il doit témoigner. Est-ce loyal de le faire témoigner ?

La présence d’un ex-inculpé comme témoin est indécente», s’est indigné Me Dieudonné Bonkoungou, l’un des avocats du général Bassolé. Pour lui, Bila ne peut pas se muer en témoin contre ses anciens coinculpés.
Quant à Me Guy Hervé Kam de la partie civile, il a indiqué que M. Bila n’est pas au procès pour aider à la manifestation de la vérité. Et d’interroger le témoin sur son PV de première comparution.

«Si Jésus comparaît, je lui poserai des questions…»

L’ancien agent de renseignement ayant confirmé ses déclarations alors qu’il dit les avoir faites dans la peur et les circonstances «difficiles» de son arrestation et incarcération, Me Kam en a déduit que le témoin a donc menti sous serment. Son confrère Me Séraphin Somé demandera alors au tribunal de tirer les conséquences pour éviter que d’autres témoins viennent après mener les parties en bateau. Mais pour le tribunal, il est trop tôt de parler de fausseté de témoignage.

En attendant, Me Seydou Roger Yamba de la défense a fait observer que Bénédicte Jean Bila, alors inculpé, a fait des dépositions non recueillies sous serment. «Sous le couvert du droit de mentir en tant qu’inculpé, des PV ont été dressés et l’on veut qu’il réitère leur contenu en tant que témoin», a reproché Me Yamba à l’accusation. A cela, le parquet a répondu que la loi n’interdit pas l’usage de tels PV. Mais Me Yamba a rétorqué que la loi dispose que la personne concernée doit être témoin depuis le début de l’instruction et non à la fin.

A la suite de M. Bila, c’est Alidou Savadogo, ancien chef de protocole de Djibrill Bassolé, alors ministre des Affaires étrangères, qui a été entendu. Il a relaté que le 16 septembre 2015, il était avec des amis dans un restaurant. Quand un de ses compagnons a appris qu’il y avait des problèmes à la Présidence du Faso. Il a dit avoir joint son ancien patron qui se trouvait à Koudougou. Ce dernier lui a demandé de remettre les sommes de 1 million FCFA au journaliste Adama Ouédraogo dit Damiss et 5 millions FCFA à Ismaël Diendéré.

La partie civile a voulu en savoir la destination des sous remis à sieur Diendéré. De quoi outrer Alidou Savadogo qui a du mal à avaler la couleuvre. Articulant difficilement ses mots, il s’octroie le droit d’esquiver les questions des avocats. «En votre qualité de témoin, vous êtes tenus de répondre aux questions», lui indique le président du Tribunal.

«Le Général Bassolé m’a dit de remettre 5 millions FCFA à Ismaël pour des raisons humanitaires, mais j’ignore la destination», a expliqué M. Savadogo, d’un ton relativement élevé. Me Farama lui a signifié qu’il n’a de leçons à donner à personne et lui fait savoir qu’il est dans son rôle de lui poser autant de questions qu’il souhaite. «Je suis catholique mais si Jésus comparaît, je lui poserai des questions… On a vu les accusés faire leur show, maintenant ce sont les témoins qui font les stars», a mentionné l’homme de droit.

La partie civile est revenue sur les conversations téléphoniques entre M. Savadogo et Nicodème Bassolé, neveu du Général, qui a invité le témoin à rejoindre un poste de gendarmerie pour être entendu. Il a dit ne pas se souvenir du contenu de ses échanges avec «Nico». Mais, les avocats pensent que celui-ci aurait demandé au témoin de mentir pour décharger le Général. Le parquet militaire a entonné le même son de cloche. M. Savadogo rappelle qu’il a prêté serment et s’en tiendra à ce qu’il a vu, entendu et fait.

 Jean Philibert SOME
Djakaridia SIRIBIE


«Me Farama, vous n’avez plus droit à la parole !»

Le président du Tribunal a retiré la parole à Me Prosper Farama, à la suite d’un échange empreint de colère entre l’avocat et le témoin Alidou Savadogo. Revenant sur le million de FCFA remis à Damiss, le témoin a affirmé qu’il en possédait «légèrement» plus. Alors Me Farama a voulu savoir ce qu’il a fait avec le surplus. Alidou Savadogo s’est mis dans ses états, car ne comprenant pas l’attitude de l’avocat à s’acharner sur cette question d’argent. «Vous nous prenez pour des cons…», a laissé entendre l’avocat de la partie civile, insinuant que l’ex-inculpé fait semblant d’être énervé. Le président du Tribunal est intervenu et a demandé à Me Prosper Farama de retirer ses propos. Ce dernier lui a opposé un niet, estimant que sieur Savadogo n’a aucune raison de hausser le ton sur les avocats et a demandé au Tribunal d’être juste. «Me Farama, vous n’avez plus droit à la parole !», lui a tout simplement rétorqué le président.

D. S.

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