Procès du putsch : Diendéré demande pardon aux victimes

L’audition du général de brigade Gilbert Diendéré devant le tribunal militaire ce mardi 4 décembre 2018 a été marquée par un « acte de contrition » de l’accusé, adressé aux victimes et à leurs parents.

« Le moment tant attendu … » est arrivé hier mardi 4 décembre 2018 pour le général Gilbert Diendéré, qui dit avoir assumé le coup d’Etat de 2015, de demander pardon aux parties civiles. Il a tenu à faire cette adresse avant que leurs avocats ne prennent la parole pour l’interroger. « Je ne revendique pas une certaine innocence. Ma responsabilité juridique et sociologique ne saurait être ignorée », a déclaré le prévenu. Il a dit avoir pensé que s’il n’avait pas assumé le coup de force, il y aurait pu avoir « grabuge ». « Peu importe qui m’a conseillé de le faire (…) J’ai posé l’acte en âme et conscience car, comme en 1983, j’ai pensé que mon peuple était en danger. Je demeure convaincu que si ce qui est arrivé ne l’avait pas été, la Transition n’allait pas aboutir à un pouvoir régulièrement mis en place », a argué le général. Il a affirmé qu’il aurait pu quitter le pays quand il était « wanted)» et que l’histoire aurait retenu de lui un « lâche » qui fuit toutes ses responsabilités. Mais, il n’a pas écouté ses proches et a décliné les offres d’exil. « En décidant de rester, j’étais conscient des humiliations que j’allais subir et aussi de la lourdeur de la peine que je risquais. Ce qui paraissait important pour moi, ce n’était ni ma dignité, ni ma personne. J’ai servi ce pays pendant 40 ans, le plus important, c’est de dire la vérité aux victimes, à leurs parents et au peuple », a affirmé « Golf ».

« Je me dois d’être sincère»

Il a confié qu’il porte la responsabilité du changement de régime et que pour ce qui est de la conception et de l’exécution du putsch, les parties pourraient en débattre devant le tribunal. S’estimant « fils et frère » des parents des victimes, il a signifié avoir, à leur égard, un devoir de vérité. « Je vous dirai avec sincérité tout ce que j’ai fait.

J’espère que chaque partie fera sa part… A vos yeux, j’apparais comme le responsable de tous vos maux … Je vous prie d’accepter mes excuses sincères. Cet acte de contrition vient du profond de mon cœur », a soutenu Gilbert Diendéré. Pour lui, c’est le jugement divin qui importe plus. « Je me dois d’être sincère avec vous », a-t-il ajouté. Et de laisser entendre que depuis fort longtemps, il entend leurs cris, ressent et partage leurs douleurs. Par ailleurs, l’accusé a soulevé une contradiction entre le fait qu’il a initié et fait lire la déclaration du CND et regretté publiquement le coup d’Etat et ses déclarations selon lesquelles il n’en est pas le commanditaire. « Cette contradiction n’est qu’apparente », a-t-il souligné, tout en admettant que cela soit source d’incompréhension des parents des victimes. Et le président du tribunal de lui demander s’il entendait verser cet acte de contrition au dossier. Chose qu’il a accepté sans hésitation. A l’accusé, Me Prosper Farama de la partie civile a fait comprendre qu’il serait prétentieux pour les avocats des parties civiles, même en tant que tels, de répondre à la demande de pardon à la place des victimes. Il a, du reste, signifié au général que s’il répond à trois juges à savoir Dieu, le peuple et sa conscience, eux, conseils des parties civiles obéissent à la justice institutionnelle et tâcheront, « avec le plus grand professionnalisme possible et sans état d’âme », de comprendre le rôle de l’accusé dans cette affaire. Qu’à cela ne tienne, Me Farama a rassuré que la partie civile ne ressentait « aucune animosité » à l’encontre de l’accusé. « A force de tout nier, on se retrouve avec un coup d’Etat sans commanditaire comme s’il était possible pour des fantômes d’en faire », a-t-il relevé. Pour « Golf », nombre de citoyens y compris l’homme de droit, refusent d’admettre qu’il n’est pas l’auteur du putsch.

« Vous n’assumez jamais rien »

Me Prosper Farama a fait un rappel historique des crimes et évènements malheureux qui impliqueraient la sécurité présidentielle de 1987 à 1998. Aussi, il s’est souvenu que lors d’un précédent procès en 1998, le général Diendéré avait décliné toute responsabilité. Et de s’exclamer : « Mon Gal, finalement vous n’assumez jamais rien ». Pour l’ex- « patron » du RSP, il s’agit d’anciens dossiers qui ne concernent pas la jeune génération de soldats du corps, tout comme les évènements du 15 septembre n’impliquent que quelques individus, « pas le corps avec tout son commandement ». Avec le « triste passé » de l’ex-RSP, avait-il encore besoin de s’illustrer de cette façon ?, a interrogé Me Farama.

La gorge de l’accusé se noue, ce dernier prend du temps avant d’y donner une réponse : « Rien ne justifie qu’il y ait encore un coup d’Etat dans ce pays, mais en 2015, il y en a eu … Peut être que si le RSP n’avait rien fait, il y aurait eu autre chose ». Pour l’avocat de la partie civile, l’ex-RSP était une milice, du fait de son dévouement au seul président déchu, Blaise Compaoré, de son rattachement à la Présidence du Faso et de son utilisation au Libéria et en Sierra Leone. « Chaque fois que l’élite de l’armée est vouée à un individu, il y a problème (…) Quand un corps militaire se sent plus loyal à un individu plus qu’à l’armée, c’est une milice », a argué Me Prosper Farama. De quoi outrer celui qui a dirigé ce corps 24 ans durant. Il a dit ne jamais accepter que l’on qualifie le RSP de milice. Il a ajouté qu’après la chute de Blaise Compaoré, il a fait allégeance à Michel Kafando et que c’est plutôt ce dernier qui n’aurait pas respecté ses engagements. Me Farama s’est intéressé à la « supposée préméditation » du général. Etait-il un porte-parole ou un médiateur ?

Le prévenu a eu du mal à se décider. Il a estimé que les soldats lui ont fait appel es qualité de personne morale, qui bénéficie d’une certaine confiance au sein de la troupe. L’avocat a fait observer qu’à chaque croisée des chemins, Diendéré n’a jamais fait un choix. Me Farama est revenu sur la liste des témoins fournie par le général Diendéré au début des audiences. Il a demandé à savoir si la comparution du Moogho Naaba ou du Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré pouvait participer à la manifestation de la vérité. « Je suis Mossi, je sais très bien qu’un naaba ne peut pas venir à cette barre. Je sais aussi que le président du Faso ne viendra pas ici », a répondu Gilbert Diendéré. Me Farama a dit ne pas comprendre l’attitude de l’accusé. Me Séraphin Somé, autre avocat de la partie civile, a surtout mis l’accent sur les mobiles du putsch qui, selon lui, visaient uniquement à restaurer le régime déchu de Blaise Compaoré. « Lorsque vous avez fait votre insurrection (…), il vous faut faire mieux que celui que vous avez chassé. Si vous aviez géré correctement, il n’aurait pas eu de soucis », a rétorqué Diendéré. Pour l’avocat, le prévenu est un habitué des coups d’Etat, car c’est à 25 ans qu’il a fait son premier putsch. Comment fait-on un coup d’Etat sans faire de mort ?, a demandé Me Somé. L’ancien chef d’Etat-major particulier de la Présidence du Faso s’est muré dans un silence total.

Jean Philibert SOME
& Djakaridia SIRIBIE

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