Procès du putsch: Les pièces de Diendéré sèment la confusion

Le général Gilbert Diendéré : « Jusqu’à demain, le CEMGA donne des instructions au parquet militaire ».

A l’audience du vendredi 14 décembre 2018 au tribunal militaire de Ouagadougou, le général de brigade, Gilbert Diendéré, a versé au dossier, des pièces qui ont suscité une vive polémique. Ces documents sensés justifier l’origine de l’argent qu’il aurait distribué aux éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) lors du coup d’Etat, n’ont pas convaincu ni le parquet militaire ni la partie civile.

Le ministère public a poursuivi l’interrogatoire du général Gilbert Diendéré, le vendredi 14 décembre 2018, en lui imputant des faits de trahison et d’incitation à commettre des actes contraires à la discipline militaire. Selon le parquet, l’accusé a été en intelligence avec des forces étrangères pour déstabiliser le régime de la Transition. Il a surtout avancé que le général a eu une communication avec une personne étrangère dans laquelle cette dernière lui donnait des instructions dans ce sens.

Mais le prévenu a rétorqué n’avoir jamais prononcé la moindre phrase lors de ladite communication tout en se demandant comment certaines personnes ont pu avoir son numéro de téléphone. Et son conseil, Me Jean Degli, de mentionner que dès le 18 septembre 2015, le numéro du général s’est retrouvé sur les réseaux sociaux et que n’importe qui pouvait l’appeler ou lui envoyer un message.

Le parquet a également noté que du matériel militaire et de l’argent sont venus de pays étrangers en vue de soutenir les putschistes. « C’est l’armée qui avait besoin de ce matériel pour le maintien d’ordre », a répliqué l’accusé. Selon ses dires, c’est la gendarmerie et la police qui ont bénéficié de ce matériel et leurs responsables devraient aussi être entendus. Concernant la somme d’argent que le prévenu aurait remis à ses « hommes » lors des événements, il a expliqué que ce fonds provient d’un prêt bancaire en 2013, pour acheter des produits céréaliers, notamment du sésame.

Il aurait hypothéqué sa maison à cet effet. Ayant eu des difficultés à un moment donné, le général aurait récupéré cet argent qu’il a utilisé à des fins personnelles. « Comme on n’a pas pu rembourser la banque, elle m’a convoqué en justice et j’ai été condamné à le faire », a détaillé le prévenu. Pour s’assurer de la véracité de ses propos, la partie civile avait demandé au général d’apporter une convention de prêt entre lui et ladite banque.

Mais les pièces fournies par Diendéré n’ont pas été convaincantes aux yeux du parquet et des conseils des parties civiles. « Le général nous a produit une condamnation d’une société à payer à une banque la somme de 93 millions F CFA. Il ressort de cette pièce que la société a pris un prêt auprès d’une banque et que le Gal s’était porté caution personnelle pour payer au cas où elle serait défaillante.

La société n’ayant pas pu honorer ses engagements, la banque a poursuivi en 2016 et en 2018 le Gal Diendéré pour le remboursement », a relevé Me Pierre Yanogo.

Le contrat de prêt toujours attendu

Et de poursuivre : «De l’origine des 160 millions F CFA, le Gal donne trois versions. D’abord, il dit qu’ils viennent de la Côte d’Ivoire, ensuite de ses amis et enfin d’un prêt bancaire ». Quant à Me Prosper Farama, il s’est demandé si l’accusé ne s’est pas trompé de pièce car celle produite n’est nullement un prêt personnel.

« Vous avez dit clairement que vous avez contracté un prêt pour distribuer une partie aux militaires et aujourd’hui, vous dites que vous avez aidé des proches à contracter un prêt. C’est à ne rien comprendre », s’est étonné l’avocat. Au final, la partie civile a réitéré son souhait de voir le contrat de prêt en question et le prévenu a promis de s’exécuter prochainement. Par rapport à l’incitation à la commission d’actes contraires à la discipline militaire, le parquet a laissé entendre que la plupart des accusés ont soutenu que le général leur a demandé d’accompagner le mouvement.

Cet acte, de l’avis du procureur militaire, viole l’article 30 du statut du personnel des forces armées. Le Gal Diendéré dit être surpris de cette accusation portée contre lui. « Je ne sais pas ce qu’on me reproche au juste. J’ai eu une sanction du président Kafando pour avoir incité les hommes à résister. Dans l’arrêt du juge d’instruction, on dit que j’aurais instruit des éléments d’aller arrêter les autorités.

Aujourd’hui, on me dit que j’ai demandé aux officiers d’accompagner le mouvement », a relevé l’accusé avant de soutenir qu’il n’a demandé à personne d’accompagner quoi que ce soit. Il a aussi estimé que les parquetiers n’utilisent que les éléments à charge, en omettant ceux à décharge. «Jusqu’à demain, le CEMGA donne des instructions au parquet militaire», s’est-il convaincu. Pour Me Mathieu Somé, un autre conseil du prévenu, le procureur n’a apporté jusque-là, aucune preuve que son client a commis un coup d’Etat, alors qu’à son avis, il appartient à la partie poursuivante de prouver les accusations. L’audition du général Diendéré se poursuit le lundi 17 décembre à 9h.

Mady KABRE


Diendéré invité à la courtoisie

Dans ses observations, le parquet a indiqué que le rattachement du Gal Diendéré au RSP n’était pas une position statutaire et que cela créait une confusion au commandement. «Comment commander si vous avez des éléments plus gradés que vous au sein de votre équipe ?», s’est-il interrogé. Il n’en fallait pas plus pour que le mis en cause monte sur ses grands chevaux pour rappeler au procureur qu’en tant que militaire, son nom devrait figurer quelque part. «Le parquet aurait mieux fait de se taire que de dire certaines choses (…) J’étais plus ancien que le CEMGA mais je suis toujours dans l’armée. Autant me faire quitter l’armée. Donc le rattachement a un sens et le procureur militaire doit comprendre cela», a clamé le général. Mais il a été invité par le président du tribunal à être modéré et courtois dans sa défense.

Les admirateurs du général se font remarquer

Avant de se présenter à la barre, le Gal Gilbert Diendéré a pris le temps de saluer l’assistance. Assis en groupe, ses partisans ont répondu, les mains en l’air, en mimant des signes de victoire. Parfois on entendait des murmures d’approbation dès que leur « idole » prend la parole. A la fin de l’audience, les mêmes individus se sont rapprochés pour saluer longuement le général qui en faisait autant. La scène a commandé que quelques agents de sécurité se positionnent entre eux.

L’espoir de Me Mathieu Somé

«Je vous informe que Laurent Gbagbo et Blé Goudé ont eu leur liberté provisoire aujourd’hui, alors qu’ils ont fait pire (plus de 3 000 morts)». C’est en ces termes que Me Mathieu Somé s’est adressé au parquet pour dire qu’il garde espoir que son client, Gilbert Diendéré, sera relaxé à l’issue du procès. Il convient toutefois de préciser que la libération de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé n’était qu’une rumeur, la Cour pénale internationale ne s’étant pas encore prononcée sur cette demande. M.K.

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