Procès Thomas Sankara et ses 12 compagnons : la « vraie fausse » évacuation de Bossobè Traoré

L’interrogatoire de l’accusé Bossobé Traoré, membre de la sécurité rapprochée du président Thomas Sankara s’est poursuivi, le mercredi 3 novembre 2021 à Ouagadougou.

Les accusés dans l’assassinat du Président Thomas Sankara et ses 12 compagnons se succèdent à la barre. A la suite de Elisée Yamba Ilboudo, Idrissa Sawadogo, Nabonsseouindé Ouédraogo, l’audience du mercredi 3 novembre 2021 s’est poursuivie avec Bossobé Traoré, un membre de la garde du défunt président Sankara. Il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et complicité d’assassinat. A la reprise de l’interrogatoire, hier mercredi à 9 heures, l’avocate, Me Maria Kanyili a pris la parole pour défendre son client. Mais avant, le conseil de Bossobè Traoré a d’abord posé plusieurs questions à son client avant de faire ses observations au tribunal.

Qui a été blessé parmi vous ? A l’époque disposiez-vous d’un moyen de communication téléphonique ? Etiez-vous au courant qu’un coup d’Etat se préparait contre Thomas Sankara ? A l’issue des réponses à ces interrogations, Me Kanyili a fait des observations pour démontrer que son client n’est pas une « taupe », comme le qualifie la partie civile. « On considère qu’il est le traitre parce qu’il faisait partie de la garde rapprochée du président et lors des évènements, il n’a pas été tué mais blessé », a-t-elle argué. Selon elle, l’accusé a été évacué d’urgence en France à la suite de ses blessures. Pour elle, cette évacuation est loin d’être un « privilège » pour l’accusé. « Il faisait partie de la garde rapprochée, mais il avait des chefs que sont Ilboudo Laurent et Sow Drissa. Ils n’ont pas été tués, alors qu’ils étaient ensemble le 15 octobre 1987 au Conseil. Pourquoi ne dit-on pas que ce sont eux qui ont trahi le groupe ? », s’est-elle interrogée.

Elle a signifié que l’évacuation sanitaire n’a pas été faite « systématiquement ». L’accusé a été admis à l’hôpital Yalgado- Ouédraogo pendant 43 jours, avant d’être évacué. Lorsqu’il a été évacué, la procédure a été « intégralement » observée, a-t-elle détaillé. Elle a également ajouté que toute évacuation sanitaire a un caractère d’urgence. Me Kanyili a donc rejeté l’argument selon lequel son client aurait bénéficié d’indemnités. « Il n’a pas pu percevoir les indemnités. Si la partie civile a des pièces, qu’elles les produisent », a-t-elle lancé. Sur la nature de l’arme qui a été utilisée contre son client, a-t-elle dit, il pouvait se tromper. Mais il faut noter que le rapport, a-t-elle poursuivi, révèle que l’arme utilisée pour tirer sur Der Somda et Gouem Abdoulaye est la même qui a été servie pour tirer sur lui. « Donc au moment des faits, c’était la panique, il pouvait se tromper sur la nature de l’arme », a-t-elle souligné.

Argumentaire battu en brèche

Me Hervé Kam :« Il s’agissait moins des raisons de santé que d’une volonté d’éloigner Bossobé Traoré du Burkina ».

Les observations de l’avocate Kanyili ont été battues en brèche par la partie civile. « L’accusé a dit avoir été atteint par une balle de fusil à pompe. Pourtant dans le dossier, il a dit avoir pris une balle de Kalachnikov. C’est la même balle qui a été retrouvé dans le corps des victimes, Der Somda et Gouem Abdoulaye », a relevé Me Hervé Kam. A l’entendre, c’est parce qu’il était « une taupe » qu’il a pris une balle perdue.

L’objectif, a-t-il précisé, n’était pas de le tuer. Par rapport à l’évacuation de Bossobé Traoré, Me Kam s’est demandé comment, deux semaines après le coup d’Etat, l’administration ait pu fonctionner pour permettre cela. « Il s’agit moins de raisons de santé que de l’éloigner hors du Burkina », s’est-il convaincu. Il a aussi indiqué qu’il y avait un ordre de mission dans le dossier avec des frais de missions. Ce qui veut dire que l’objectif était moins de le soigner, a-t-il déduit. Le parquet militaire a également soutenu qu’en un laps de temps plusieurs décisions ont été prises pour permettre l’évacuation de Bossobé Traoré. L’audience a été suspendue autour de 12 heures pour être reprise ce jeudi 4 novembre matin à 9 heures. L’avocat de l’accusé Tibo Ouédraogo a demandé un report de la comparution de son client pour des raisons de santé. Me Victoria Nébié a également demandé le report de la comparution d’autres accusés qui devraient passer après son client. Le juge a accédé à la requête en revoyant l’ordre de passage. Ce jeudi à 9 heures, c’est Alidou Jean Christophe Diébré, médecin-militaire, colonel-major à la retraite qui comparait pour fait de « faux en écriture publique ».

Aly SAWADOGO

Laisser un commentaire