Procès Thomas Sankara : « Il faut la justice avant toute réconciliation », Dominique Zoungrana dit Convaincu

Dominique Titenga Zoungrana, dit Convaincu, ancien délégué des Comités de défense de la révolution (CDR), a été proche de Thomas Sankara, le père de la Révolution burkinabè. Dans cet entretien accordé à Sidwaya, ce « convaincu » de la Révolution revient sur les péripéties de leur amitié et se prononce aussi sur l’ouverture du procès Thomas-Sankara.

Sidwaya (S) : Comment est née votre amitié avec le Président Thomas Sankara. ?

Dominique Titenga Zoungrana (D.T.Z.) : Mon amitié avec le Capitaine Thomas Sankara remonte à l’année 1978 à Pô. Avant que je ne vienne à Sidwaya, j’ai d’abord travaillé avec les volontaires français à Pô. C’est là-bas que j’ai connu le père de la Révolution burkinabè. Il y avait un orchestre et nous allions suivre les prestations tous les soirs. Un soir, j’ai approché un militaire et demandé à rencontrer Thomas. La première fois, l’homme n’a pas accédé à ma demande. La seconde fois, j’ai encore demandé au même militaire que je voulais voir Sankara. C’est là qu’il m’a dit que c’est lui Sankara. Il m’a demandé ce que je faisais. Je lui ai dit que j’étais un maçon. Le lendemain, il est venu voir une maison qu’on réfectionnait et il a beaucoup apprécié. C’est de là qu’est partie notre amitié. Et un jour en accompagnant un européen à l’aéroport, je l’aperçois en compagnie de Blaise Compaoré que je connaissais à peine. Je suis allé les saluer et Thomas m’a reconnu. Nous avons échangé quelques minutes et j’ai pris congé d’eux. Mais, c’est quand je suis venu à Sidwaya que notre amitié s’est renforcée grâce à notre directeur feu Paulin Bamouni.

S : Comment appréciiez-vous à l’époque, la gestion du pouvoir par Thomas Sankara ?

D. T. Z. : Sa gestion était irréprochable. Mais, je crois qu’il a surtout été incompris. Il aimait sincèrement son pays et travaillait sans relâche pour l’avenir des Burkinabè et surtout pour le bien commun. En compagnie des autres leaders de la révolution, ils ont pris un certain nombre de décisions pour gérer l’appareil d’Etat. Ils n’étaient pas là pour « bouffer » les deniers publics. Les Tribunaux populaires de la Révolution(TPR) ont été ainsi instaurés pour lutter contre la corruption. Cette décision, parmi tant d’autres n’avait pas reçu l’assentiment de tous y compris son propre entourage. C’est ainsi que des dissensions et des incompréhensions ont commencé à voir le jour. Car, les gens ne parvenaient plus à faire leurs petites combines ou à dilapider les biens de l’Etat. Par exemple, j’étais délégué CDR (Comité de défense de la révolution, ndlr) ici à Sidwaya. A l’époque, dans la « maison commune », on ne pouvait pas utiliser l’eau pour laver ni sa mobylette ni sa voiture. Mais, aujourd’hui, de nombreuses personnes regrettent cette gestion rigoureuse.

S : Son assassinat vous a-t-il surpris ?

D. T. Z. : Sa mort ne m’a pas surpris. Car, il y avait au sommet de l’Etat des clans opposés. Celui de Blaise Compaoré et celui de Thomas Sankara. J’étais proche de Paulin Bamouni. Alors à la descente du travail, je le rejoignais à la présidence. Et, je sentais déjà des querelles idéologiques. Il y avait ceux-là qui se réclamaient de Marx et Lénine, d’autres de Mao, etc. S : Comment appréciez-vous la tenue du procès Thomas Sankara tant attendu par de nombreux Burkinabè ? D. T. Z. : J’ai été très heureux d’apprendre l’ouverture du procès. Je suis un mordu de Thomas Sankara et je ne manquais pas de le faire savoir dans toutes mes interviews. Et petit à petit que ce soit dans les cadres formels ou informels, d’autres burkinabè m’ont emboité le pas. Pour moi, c’est donc une victoire et un soulagement de voir ce procès s’ouvrir. Aujourd’hui, je suis fier de m’habiller en Faso dan fani et ce, grâce à Thomas Sankara.

S : Pensez-vous que l’aboutissement de ce procès pourra contribuer à la réconciliation nationale ?

D. T. Z. : Si ce procès s’achève et que justice est rendue à Thomas Sankara et ses compagnons, je pense que toutes les parties prenantes peuvent s’écouter, se pardonner et aller à la réconciliation nationale. Mais, il faut d’abord la justice avant toute forme de réconciliation. S : Croyez-vous que malgré l’absence de Blaise Comparé et de Hyacinthe Kafando on peut connaître la vérité dans ce procès ? D. T. Z. : Non, on ne peut pas connaître la vérité puisque ce sont les deux cerveaux de l’affaire. Je les ai côtoyés pendant longtemps mais, si c’est Kafando qui a conduit le commando pour aller tuer Sankara, j’ai des inquiétudes par rapport à la vérité dans ce procès. Le souhait est que les deux soient présents car leur absence n’est pas bien pour le déroulement du procès.

Interview réalisée par

Soumaïla BONKOUNGO

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