Rapport 2019 de l’ASCE-LC: la passation des marchés publics par entente directe a la peau dure

Sidwaya a eu copie du rapport d’audit/contrôle, non encore rendu public, de la gestion 2018 de la présidence du Faso, du Premier ministère et des différents départements ministériels. Malgré les progrès enregistrés ça et là, les manquements aux règles de gestion des finances publiques semblent avoir la peau dure.

Recours aux procédures exceptionnelles de passation des marchés notamment les gré à gré, dépenses inéligibles ou sans pièces justificatives, consommation irrégulière de carburant. Telles sont les fautes de gestion des finances publiques relevées par le rapport d’audit/contrôle de la gestion 2018 de la présidence du Faso, du Premier ministère et des différents départements ministériels, en dépit d’une tendance baissière des irrégularités dans les dépenses publiques. Le contrôle de l’ASCE, intervenu du 15 avril au 15 mai 2019, a porté sur la commande publique, les comptes de gestion, les régies d’avance et la gestion du carburant et des lubrifiants dans les administrations publiques. Sur 2861 commandes publiques d’un montant de plus de 156 milliards F CFA, examinées par l’ASCE-LC, 887 contrats d’un montant de plus de 62 milliards F CFA, y compris 23 milliards FCFA de carburant, ont été conclus en recourant aux procédures exceptionnelles de passation de marchés publics, c’est-à-dire les ententes directes (gré à gré) et les appels d’offres restreints. L’acquisition du carburant par entente directe étant autorisée par les textes en vigueur, le montant réel de la commande publique par procédures exceptionnelles s’établit à 39 milliards FCFA, soit 28,84% du montant total des marchés publics passés pendant la période sous revue, contre un taux de 35,59% en 2017. Malgré la baisse du recours aux procédures exceptionnelles, ce taux de 28,84% reste supérieur à la norme UEMOA qui est de 15%, note le rapport. 45,15% des marchés passés en 2018 l’ont été par appels d’offres ouverts, contre 5,2% de demande de cotation, 3,07% de demandes de prix, 17,23% pour le carburant.

951,8 millions FCFA de dépenses irrégulières en 2018

Au ministère de l’Economie, l’ensemble des 95 marchés publics examinés, d’une valeur de 4,6 milliards F CFA, ont été passés par ententes directes, contre 64 contrats de 12,3 milliards conclus suivant la même procédure sur un total de 84 contrats d’un coût global de 13,2 milliards F CFA au ministère de la Sécurité. Au département en charge de l’agriculture, le montant des marchés passés au gré à gré est de 10,6 milliards FCFA sur un total de 26,1 milliards FCFA, contre 7,2 milliards FCFA au ministère des Infrastructures sur un total 16,2 milliards FCFA et 2,3 milliards FCFA de marchés de gré à gré au ministère en charge de l’éducation sur un total de 23,9 milliards FCFA. A la présidence du Faso et à la Primature, le recours à l’entente directe pour l’exécution des marchés publics aussi est une réalité. Sur 32 commandes publiques en 2018, d’un coût de 1,5 milliard FCFA, 25 contrats de 1,4 milliard ont été conclus suivant cette procédure exceptionnelle à la présidence du Faso. Au Premier ministère, le montant des marchés passés au gré à gré est de 378 millions FCFA sur un total de 766 millions F CFA de marchés conclus. Pour ce qui est du contrôle des comptes de dépôt, sur 107 milliards FCFA de dépenses contrôlées, 951, 8 millions FCFA de dépenses ont été effectuées de manière irrégulière. 45,87% de ces dépenses irrégulières sont sous-tendues par des pièces justificatives irrégulières ou sans pièces justificatives, contre 54,13% de dépenses inéligibles, soulignent les vérificateurs. Pour ce qui est du taux des dépenses irrégulières, il s’établit à 0,88% en 2018 contre 2,25% en 2017. « Les montants les plus élevés des dépenses irrégulières ont été constatés dans les ministères suivants par ordre croissant : le ministère de la Sécurité, le ministère de la Culture des Arts et du Tourisme, le ministère de la communication et des relations avec le Parlement », peut-on lire dans le rapport de l’ASCE-LC. Au maroquin de la sécurité, le montant total des dépenses irrégulières est évalué à 315 millions FCFA. Aux départements de la communication et de la culture, les dépenses irrégulières s’élèvent respectivement à 188 millions FCFA et à 135 millions FCFA. Contrairement à l’exercice précédent, les rapporteurs notent une inversion de la nature des dépenses irrégulières qui se traduit par une ascendance des dépenses inéligibles sur les dépenses sans pièces justificatives. « Même si on note une baisse des dépenses irrégulières, il reste que le non-respect des procédures de la dépense publique a persisté en 2018, ce qui appelle à plus de rigueur dans l’exécution des opérations comptables sur les comptes de dépôt », commentent-ils. S’agissant du contrôle des régies d’avance, sur 35 régies vérifiées, le rapport conclut qu’« en 2018, sur des recettes totales de 11,4 milliards FCFA, les dépenses s’élevaient à 10, 9 milliards FCFA pour l’ensemble des régies d’avances vérifiées ; le montant total des dépenses irrégulières est de 163 millions FCFA, soit 1,50 % contre 17,60% en 2017 ». Comparativement à l’exercice écoulé, les dépenses irrégulières à ce niveau ont connu une « baisse significative » de 16 points, passant de 17,60% en 2017 à 1,50% en 2018. Sur l’ensemble de ces opérations irrégulières, 69% sont sous-tendues par des pièces justificatives irrégulières ou sans pièces justificatives, 19% sont des dépenses inéligibles et 10,55% sont constitués de dépenses excédant les seuils prévus.

248 millions FCFA de carburant irrégulièrement consommé

En 2018, les fautes de gestion publique se sont étendues également dans la consommation du carburant et des lubrifiants dans les ministères. Sur une consommation totale de 18 milliards, les contrôleurs de l’ASCE-LC ont relevé 248 millions FCFA de consommations irrégulières, soit 1,31 % de la consommation totale de carburant. Par rapport à 2017, la consommation en carburant des administrations publiques est passée du simple au double, soit de 9 milliards FCFA en 2017 à 18 milliards FCFA en 2018. La majorité des manquements (89%) est due à des pièces justificatives irrégulières ou à l’absence de pièces justificatives. Les consommations en détournement de destination représentent 9% des consommations, contre 2% ne respectant pas les actes de répartition. Le ministère de la Santé vient en tête, avec 198 millions FCFA de carburant consommé irrégulièrement. La présidence du Faso, la Primature, les ministères de la Communication, de la Justice, de l’Administration territoriale, etc. n’ont pas commis des fautes de gestion de carburant en 2018, selon le rapport. La tête de peloton des ministères consommateurs de carburant revient au ministère de l’Education nationale avec 6 milliards FCFA de carburant consommé en 2018. Ce ministère est passé de 246 millions FCFA de carburant consommé en 2017 à 6,7 milliards F CFA en 2018. Il est suivi par le ministère des Infrastructures avec 2 milliards FCFA, les départements en charge de l’Agriculture et de la Sécurité avec respectivement 1,5 93 milliard FCFA et 1,531 milliard de carburant consommé en 2018. Au bas de l’échelle, on retrouve les ministères de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’étranger, de l’Environnement et celui des Mines et Carrières, avec respectivement 27 millions, 47 millions et 87 millions FCFA de carburant consommé en 2018. Pour une amélioration de la gestion des finances publiques, l’ASCE-LC a recommandé aux supérieurs hiérarchiques des comptables matières d’exercer un contrôle permanent et rigoureux de la gestion du carburant. Elle a également recommandé le contrôle régulier des comptes de dépôt et des régies d’avances par les services habilités du ministère en charge des finances.
L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat, a réitéré sa recommandation au gouvernement de privilégier la mise en concurrence qui permet d’avoir les meilleures garanties en termes d’efficience de la commande publique et de satisfaction des populations. Elle a enfin attiré l’attention du gouvernement sur certaines insuffisances. Il s’agit, entre autres, de la prise en charge de participants sans rôle avéré à des manifestations délocalisées, du libellé de chèque aux noms de personnes physiques pour des paiements au profit de personnes morales, de la mise en place de groupes de travail ne répondant pas aux dispositions règlementaires, du paiement en espèces des factures de plus de 100 000 FCFA en violation de la règlementation en vigueur, de la prise en charge de missions privées, du non-respect par les membres des Commissions d’attribution des marchés (CAM) et des sous commissions techniques de l’obligation de faire une déclaration d’impartialité.

Mahamadi SEBOGO
Windmad76@gmail.com

 

 

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