Sié Rodrigue Noufé alias Nosy-Guez, artiste-chanteur et diplomate : « La domination du monde actuel est beaucoup plus culturelle »

Sié Rodrigue Noufé alias Nosy-Guez, artiste-chanteur et diplomate : « La musique burkinabè est en train de prendre son envol ».

Piqué par le virus de la musique depuis sa tendre enfance, Sié Rodrigue Noufé alias Nosy-Guez est aujourd’hui artiste-musicien et auteur-compositeur avec un maxi et six singles, dont deux remix, sur le marché discographique. Il est également conseiller des affaires étrangères au ministère en charge des affaires étrangères. Dans cette interview accordée à Sidwaya, le lundi 13 février 2023, il évoque sa carrière musicale et professionnelle. Il s’est également prononcé sur la contribution des artistes et diplomates pour une sortie de cette crise que le Burkina Faso traverse depuis 2015.

Sidwaya (S) : Comment est né en toi l’amour de chanter ?

Sié Rodrigue Noufé alias Nosy-Guez (S.R.N.) : L’amour que j’ai de la musique est né de façon naturelle. Dans ma famille, je suis le seul artiste-chanteur auteur compositeur. C’est quelque chose qui est venu naturellement en moi depuis longtemps. Mais, j’ai commencé à remarquer cela dans les années 2005-2006. C’est là que le virus est devenu virulent et j’ai commencé à l’expérimenter. Quand j’étais en classe de 4e, c’est en ce moment que le virus a grandi.

S : Dans quel genre musical évolues-tu ?

S.R.N. : J’évolue dans deux styles. Le premier est le registre raga mais que je particularise avec des instruments du terroir. C’est le balafon qui est l’instrument principal dans mes compositions. Je fais également du tradi-moderne. J’évolue dans ces deux registres particulièrement.

S : Comment se porte ton maxi intitulé « Pluie d’espoir » sur le marché discographique ?

S.R.N. : J’ai sorti « Pluie d’espoir », un maxi de cinq titres en 2019. Je suis ravi de façon générale de savoir que « Pluie d’espoir » se comporte assez bien sur le marché discographique. Grâce à ce maxi, j’arrive à me faire une certaine visibilité et à prendre part à des scènes, même si elles ne sont pas encore très grandes. Mais, je suis satisfait.

S : Pourquoi les thèmes liés à l’amour et aux faits de société sont-ils particulièrement abordés dans tes chansons ?

S.R.N. : Dans « Pluie d’espoir », l’amour est le thème principal que j’aborde. Il y a également les faits de société tels que la promotion du bienfait et le respect des commandements de Dieu que j’enveloppe dans un rythme assez particulier. Lorsqu’un artiste est inspiré de façon naturelle et il arrive à trouver un texte pour associer à l’inspiration, c’est encore plus intéressant.

S : Tes chansons ne sont pas très connues, qu’est-ce qui est fait pour les faire  connaitre ?

S.R.N. : Effectivement, mes œuvres ne sont pas encore très bien connues sur le marché discographique. Même sur le plan national, ce n’est pas encore très bien connu. Ce que je suis en train d’envisager, c’est d’avoir un staff parce que je suis auto-producteur. Je fais tout de moi-même. Je n’ai pas de manager et c’est très difficile. Actuellement, je suis en train de travailler de sorte à avoir un staff qui va essayer de faire le travail. Je ferai aussi ma part et travailler à avoir beaucoup plus de moyen. Vous pouvez avoir un staff, mais tant que vous n’avez pas les moyens au Burkina Faso, sincèrement c’est très difficile.

S : Tu as fait un feat avec Aly Verhutey, comment s’est passée cette collaboration ? 

S.R.N. : Cette collaboration a été très bonne pour moi. Cela s’est passé dans de très bonnes conditions. Je tiens à rappeler qu’Aly Verhutey fait partie de mes meilleurs artistes au monde, pas du Burkina seulement. Depuis le lycée, je faisais tout, quand il venait pour des concerts dans la région du Sud-ouest, pour le voir. Quand je suis arrivé à Ouagadougou, j’ai fait tout pour le rencontrer. Je nourrissais vraiment le rêve de faire un featuring avec lui. Un jour, je l’ai appelé pour lui dire que je voudrais le voir. Il m’a donné rendez-vous et je suis parti au studio. Je lui ai expliqué mon rêve de faire un featuring avec lui. Il m’a donné son accord et j’ai juste payé les frais de studio et tout ce qui entre en ligne dans un enregistrement. Le bit était prêt et il n’avait pas le temps. Je lui ai dit « Kôrô » on fait comment ? Il faut que tu fasses quelque chose parce que je pars en voyage pour un bout de temps. Il a dit d’accord, viens la nuit. Une nuit, je suis allé au studio. Il a écouté sur place et il a posé la voix. J’ai aussi posé ma voix. On a laissé l’arrangeur faire le reste du travail. Cela a été une belle collaboration.

S : D’autres featurings sont-ils en vue et avec quel artiste de préférence ?

S.R.N. : Je nourris le rêve de faire des featurings avec d’autres artistes. Au plan national, ils sont nombreux. Mais je vais donner juste un nom. Je rêve un jour de faire un featuring avec Smockey. Au plan continental et international, je rêve de faire un featuring avec Eddy Kenzo, Patience Dabani et Shakira. Le rêve est permis.

S : Quel est ton regard en tant qu’artiste de la scène musicale burkinabè ? 

S.R.N. : La musique burkinabè est en train de prendre son envol. Les choses évoluent positivement. Aujourd’hui, on voit une vague d’artistes qui est en train de porter haut le flambeau du Burkina Faso à l’international. Cela est à saluer. Je sens également qu’il y a de nouveaux producteurs qui sont en train de se faire remarquer contrairement à ce qu’on avait l’habitude de voir. C’étaient les mêmes acteurs depuis des années qui faisaient que beaucoup d’artistes n’appartenaient pas à des maisons de production. Au Burkina Faso, c’est l’autoproduction surtout qui est de mise. Je sens une certaine émergence et les artistes aussi sont en train de donner un coup de pouce à l’armée et c’est très intéressant.

S : Justement, à ton avis, quelle doit être la contribution des artistes pour une sortie de crise telle que le Burkina le vit actuellement ?  

S.R.N. : Les artistes sont des messagers de paix. Ce sont des gens qui font la promotion du bien de façon générale. Dans ce contexte assez difficile et particulier pour le Burkina Faso, les artistes individuellement ou collectivement, pourraient, ce n’est pas une contrainte, essayer de composer des chansons pour galvaniser nos troupes qui sont au front. Ceux qui le peuvent bien sûr. On peut avoir la volonté, mais si on n’a pas les moyens, vous pouvez composer une chanson mettant en lumière nos forces combattantes qui va passer inaperçue.

S : Comment s’est faite ton insertion dans le monde diplomatique après ta sortie en 2019 de à l’Institut des hautes études internationales ? 

S.R.N. : J’ai eu le concours en 2017. J’ai fait deux ans de formation à l’Institut des hautes études internationales (INHEI). Je suis sorti avec le diplôme d’études supérieures en diplomatie et relations internationales comme conseiller des affaires étrangères. J’ai pris service en décembre 2019. C’est tout naturellement que les choses se sont bien déroulées. Il n’y a pas eu de problème. J’ai été intégré deux années après parce qu’il a fallu que je fasse le Service national pour le développement (SND), je ne remplissais pas les conditions. J’ai donc fait une année de SND, un an de stage probatoire. Présentement, je suis titularisé et j’exerce au ministère des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur. Je suis au niveau de la direction générale de la coopération multilatérale notamment dans la direction des organisations internationales et encore plus précisément dans le service Organisation des Nations-Unies.  

S : Pourquoi le choix d’une carrière en diplomatie ? 

S.R.N. : La diplomatie, c’est Dieu qui m’y a conduit. Mon rêve d’enfance était de devenir journaliste. Je me suis battu pour cela. En 2017, c’était la première fois que je tentais le concours des affaires étrangères. Pour cela, j’ai eu à lire pour voir ce que font les diplomates. La diplomatie faisait partie des concours que j’avais sélectionnés et auxquels je devais composer. Quand j’ai passé pour la 1re fois, Dieu merci, j’ai été admis. C’est là que j’ai découvert pourquoi Dieu m’y a conduit. C’est un métier que j’aime beaucoup. 

S : Concrètement, en quoi consiste la fonction de diplomate ?

S.R.N. : Pour parler simplement, le diplomate est un fonctionnaire qui est chargé de la mise en œuvre de la politique étrangère de son pays. Il exécute ce qui lui a été dicté par les plus hautes autorités du pays, notamment le président qui est le premier diplomate. Ensuite, viennent le Premier ministre et le ministre en charge des Affaires étrangères.

S : Par rapport à ton calendrier, comment concilie-tu diplomatie et vie d’artiste ?

S.R.N. : Concilier la vie artistique à celle diplomatique est quelque chose de très fastidieux et difficile. J’assure que le temps manque énormément. La direction dans laquelle je travaille actuellement est l’une des directions-poumon de la diplomatie. Cela fait que le temps manque. Mais comme je suis suffisamment passionné, j’arrive à trouver du temps pour aller en studio pour faire mes compositions. Quand j’ai des prestations, j’arrive à dégager un petit temps pour satisfaire la demande. Je fais tout pour ne pas que la musique ternisse mon image. Je bosse comme tout fonctionnaire pour mériter la place qui doit me revenir. Je fais la distinction entre musique et diplomatie. Pour cela, je suis rigoureux avec moi-même.

Dans le maxi de cinq titres de Nosy-Guez, des thèmes tels que l’amour et les faits de société sont abordés.

S : Quelles sont les difficultés liées à ta double-fonction de diplomate et d’artiste ?

S.R.N. : Je rencontre énormément des difficultés. Mais je vais en donner deux. La première plus grosse difficulté est financière. C’est vrai que j’ai un salaire à la fin du mois, mais ce n’est pas facile. Quand vous avez des responsabilités sociales, vous n’allez pas prendre tout votre salaire injecter dans le domaine musical et ne pas être sûr de récolter quelque chose pour relancer votre carrière musicale. On essaie de faire avec parce que la musique demande énormément de moyens contrairement à ce que certains font croire sur la place publique, notamment qu’à la faveur des réseaux sociaux de nos jours, la promotion est facile. La 2e grosse difficulté est liée au temps. Il me manque énormément de temps pour faire de la musique comme je le veux.

S : La musique n’est-elle pas un paradoxe pour la « rigueur » du corps de diplomate ?

S.R.N. : C’est plutôt une opportunité pour celui qui connait la diplomatie. La domination du monde actuel est beaucoup plus culturelle qu’elle ne l’est économiquement et militairement. Il y a plusieurs puissances nucléaires aujourd’hui, mais si vous remarquez, nos sociétés sont ‘’colonisées’’ par la culture des autres pays. Dans le domaine diplomatique, on parle du concept de diplomatie culturelle qui est simplement le fait pour un pays, à travers le canal de la diplomatie, de valoriser son image à l’étranger. C’est un concept qui est bien connu dans notre milieu. A  supposer que j’aie les moyens comme il sied pour faire la promotion de la destination Burkina Faso, je pense que j’aurais énormément à apporter qu’à détruire. C’est une opportunité pour moi en tant que diplomate de faire la musique.

S : Selon toi, quel rôle la diplomatie burkinabè doit-elle jouer dans cette période de Transition ?

S.R.N. : Nous traversons des moments difficiles. Actuellement, si vous remarquez, la diplomatie est en avant. La diplomatie burkinabè aujourd’hui doit surtout se pencher sur le choix des partenaires assez stratégiques en fonction du contexte que nous vivons. Il y a la nécessité de diversifier les partenaires en fonction des enjeux du moment. En relations internationales, la diplomatie quoi qu’on dise, ce sont les intérêts qui guident les Nations. La diplomatie devrait orienter son regard sur des partenaires qui sont à même d’aider le Burkina à sortir de la crise et à améliorer les autres secteurs, notamment la santé, l’alimentation…

S : Quels conseils pour ceux qui aimeraient être comme toi ou se lancer dans une double fonction ?

S.R.N. : Le conseil que je donnerais à quelqu’un qui voudrait faire de la musique comme moi et avoir une autre activité à côté, sincèrement c’est de savoir ce que l’on veut et d’être surtout animé de passion. Vous pouvez vous engager sur un terrain en pensant que c’est facile mais s’il n’y a pas la passion, je vous assure qu’un bon mois suffit pour démissionner. Je conseille aux gens de ne pas abandonner les études au profit uniquement d’un domaine. On peut bien faire la musique en faisant autre chose, contrairement ce que certains disent. C’est ma vison.  À défaut, on peut ne pas travailler, quand bien même les études peuvent contribuer à asseoir une base solide sur un domaine autre que la musique.

Interview réalisée par Timothée SOME

timothesom@yahoo.fr

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