Simon Compaoré, président du MPP: « nous n’allons pas altérer notre victoire par des querelles… »

Directeur national de la campagne électorale et président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Simon Compaoré a été le maître d’orchestre de la victoire du candidat du parti, Roch Marc Christian Kaboré, à la présidentielle. Dans cette interview, « l’homme du hakuna matata » revient sur le processus électoral, le « partage du gâteau » à venir et la possibilité ou pas d’une alliance avec l’UPC.

S : Quelle appréciation faites-vous du déroulement de la campagne électorale et du scrutin couplé du 22 novembre ?

Simon Compaoré (S.C.) : En toute chose, il faut être reconnaissant à Dieu qui nous a permis d’organiser ce double scrutin dont les enjeux étaient évidents, dans un contexte sécuritaire suffisamment préoccupant avec les attaques répétées des forces du mal. Certains Burkinabè étaient dubitatifs, ne croyant pas en notre capacité à organiser un tel double scrutin. Heureusement que, durant ces périodes préélectorales et électorales, nous avons eu des attaques suffisamment contenues qui ont permis de gérer cette période délicate. La classe politique se doit également de féliciter les hommes de médias, tous supports confondus, pour la manière dont les problèmes ont été gérés. Je félicite la classe politique elle-même, parce que n’eut été sa grandeur d’esprit favorisée par le dialogue politique, il y avait suffisamment de freins à la bonne tenue de ces élections. Cela a permis de conjurer certaines situations en trouvant un terrain d’entente sur de nombreux points. Quant à la campagne électorale, il faut se féliciter du fait que globalement, nous n’avons pas déploré des faits et gestes regrettables. Durant les 21 jours, nous avons eu des joutes oratoires. Il n’y a pas eu mort d’homme. En somme, la campagne a été civilisée. L’élection s’est déroulée dans de bonnes conditions, malgré quelques ratés préjudiciables à tous les candidats et partis politiques.

S : Les résultats provisoires de la CENI donnent votre candidat, Roch Marc Christian Kaboré, réélu au premier tour avec 57,87%. Pourquoi étiez-vous autant sûrs de votre « coup KO » ?

S.C. : Nous étions sûrs de notre « coup KO », parce qu’il n’y a qu’à constater. Depuis la constitution de nos listes, il n’y a pas eu de bagarres inutiles de positionnement et nous avons préféré laisser les jeunes, les femmes et ceux qui n’ont pas duré dans la politique, pour qu’ils soient candidats. Cela n’a l’air de rien, mais la constitution des listes a eu des répercussions dommageables dans d’autres partis. Nous avions aussi une stratégie électorale, parce qu’on ne peut pas aller à une telle compétition sans une stratégie claire, précise et qui prend en compte les aspects politique, social et économique et le contexte dans lequel se déroulait l’élection. Nous étions tous d’accord sur la stratégie et nous nous sommes préparés minutieusement sur les plan matériel, des textes et de la formation de nos militants. C’est pourquoi nous étions sûrs que notre « coup KO » allait réussir. Nous nous sommes mis dans la peau de ceux qui ont géré pendant cinq ans, qui ont un bilan à défendre. Il y a aussi que celui qui devait porter notre flambeau, Roch Marc Christian Kaboré, avait un programme 2021-2025. Enfin, nos militants étaient convaincus que le coup était possible.

S : L’opposition a d’abord dénoncé des fraudes, avant que plusieurs candidats ne viennent féliciter votre champion. Comment appréciez-vous cette attitude de vos adversaires ?

S.C. : Ce sont ceux qui ne savent pas comment les élections se passent, qui peuvent frémir par rapport à ce qui s’est passé. De toute l’histoire des élections au Burkina Faso, cela a toujours été ainsi. C’est donc dans l’ordre normal des choses. Du reste, nous avons répondu aux accusations parce que le MPP est catégorique sur la question. Le jour où un de nos militants s’adonne à ces pratiques, nous serons les premiers à saisir la justice. Nous n’avons pas besoin de pratiques avilissantes pour gagner. Nous n’étions donc pas dérangés par ces contestations. Le fait que l’Opposition ait réalisé à un moment donné qu’on a honnêtement gagné, les candidats qui n’ont pas gagné sont venus féliciter notre candidat. Je profite de cette occasion pour féliciter tous ces candidats. Ça ne leur a enlevé en rien, leur grandeur d’esprit, leur dignité et nous n’en voulons pas non plus à ceux qui ne sont pas venus. J’étais plein de bonheur parce que c’est tout le pays qui gagne. Cela montre qu’il y a de plus en plus de la maturité politique au Burkina Faso. Nous avons encore marqué des points aux niveaux national, régional et africain.

S : Un de vos alliés, le NTD, a porté une plainte contre le MPP pour fraude dans la commune de Banh, province du Loroum. Cela vous inquiète-t-il ?

S.C. : Pas du tout ! Pour votre information, le président du NTD, Vincent Timbindi Dabilgou, m’a appelé en tant que président du MPP, pour me dire qu’il n’a pas été informé avant que la plainte ne soit déposée. Ce sont plutôt des camarades de la localité qui l’ont fait, alors que nous avions signé un pacte de bonne conduite dans lequel nous nous sommes engagés à nous parler, s’il y a des problèmes. Ce qui nous réjouit donc, c’est que ce n’est pas une décision de la direction du NTD qui a même regretté que cela ce soit passé ainsi. Du reste, la justice doit dire le droit. Nous n’avons aucun problème, parce qu’on veut légitimer ce double scrutin par notre capacité à faire de la transparence. S’il y a des choses à rectifier, la justice va trancher.

S : Au regard des résultats des législatives, le MPP est certain d’avoir une majorité confortable à l’Assemblée nationale avec le soutien de ses alliés. Avec autant d’alliés, le partage du pouvoir ne risque-t-il pas de créer des grincements de dents dans vos rangs ?

S.C. : J’ai confiance au commandant en chef, le président Roch Marc Christian Kaboré. Ce n’est pas la première fois qu’il tient le gouvernail. Il est expérimenté, il sait lire les cartes, faire les calculs. Sachant tout cela, il fera tout pour éviter l’iceberg. Ensuite, nous avons pris au sein de la majorité présidentielle, l’engagement de dire que nous allons aider notre candidat devenu maintenant président à mettre en œuvre son programme. Je crois qu’on saura raison garder et faire en sorte de ne pas altérer cette victoire par des petites querelles de répartition de postes. Là aussi, on a une petite expérience qui pourrait nous éviter des batailles de chiffonniers.

S : Y a-t-il une possibilité d’alliance entre le MPP et l’UPC de Zéphirin Diabré pour le mandat qui débute ?

S.C. : Ce n’est pas parce qu’on a perdu les élections qu’on a complètement perdu le nord. Je ne suis pas dans ce parti et je ne saurai donc pas répondre. Mais de manière globale, le MPP est un parti qui est prêt à écouter toutes les suggestions, tous les apports, que ce soit la classe politique, la société civile pour qu’ensemble, nous puissions faire du Burkina, un havre de paix, un pays où il y a la sécurité, le développement, où tout le monde profite de notre capacité à produire des richesses et à opérer leur juste redistribution. De ce point de vue, dès lors que chacun a une part contributive et souhaite la mettre dans le panier, il faut être un peu malade pour ne pas accepter. Mais de là, à en arriver à la conclusion où vous voulez m’emmener, je ne saurai dire quoi que ce soit. En politique tout peut arriver. On ne peut jamais dire « jamais ». Surtout pas en politique. Mais de là à conclure que demain il va y avoir une alliance entre les deux partis, je vous laisse assumer vos propos. Nous, nous souhaitons au-delà de tout, que la sérénité continue d’habiter chacun de nous pour que même dans nos divergences, nous ayons cet instinct de conserver les intérêts de la patrie.

S : Alors que des Burkinabè plaident pour la promotion des langues nationales, c’est chez les Kenyans que vous avez emprunté une formule pour agrémenter la campagne. Comment cela peut-il s’expliquer ?

S.C. : J’ai été au Kenya et ce qui m’a frappé est que partout les gens parlent le Swahili. C’est une langue qui est largement répandue dans la région. Cela m’a laissé penser que la langue est un élément important de la culture Hakuna matata c’est en Swahili. Il y a des gens qui ont de la noblesse. Quand ils prononcent l’expression, même sans que vous ne sachiez ce que cela veut dire, vous êtes contents. Hakuna matata racontait bien notre situation. Il n’y a pas de problème. Je suis fils de pasteur et je crois en la capacité de Dieu, le Tout-Puissant devant certaines situations. C’est comme on le dit, avec Dieu, il n’y a jamais de problème. On voit des miracles. Devant cette bataille qui était rude, on a vu que finalement il n’y avait pas de problème. Au meeting de Bobo-Dioulasso, je l’ai sorti spontanément du tréfonds de moi-même. C’est de l’inspiration qui est venue de la conviction que j’avais que Dieu allait faire en sorte que ce qui est réputé être des problèmes pour nous terrasser, finalement il n’y avait pas de problèmes. Donc hakuna matata !

Interview réalisée par Jean-Marie TOE

Laisser un commentaire