Situation nationale : « Le changement du chef de l’Etat ne va pas arrêter les attaques », Théophane Nikiéma, président du PRD

Le président du PRD, Théophane Martial Nikiéma, est convaincu qu’avec l’union sacrée de tous, le Burkina Faso viendra à bout de l’hydre terroriste.

Président du Parti pour le renouveau démocratique (PRD), Théophane Martial Nikiéma est un observateur avisé de la scène politique nationale. Dans cet entretien accordé à Sidwaya, vendredi 27 novembre 2021 à Ouagadougou, ce leader politique se prononce sur la situation sécuritaire marquée par la recrudescence des attaques terroristes et appelle le peuple à la retenue.

Sidwaya(S) : Comment se porte le PRD sur l’échiquier politique national ?

Théophane Martial Nikiéma (T.M.N.) : Le PRD est le parti du renouveau démocratique. Il se porte bien. C’est un parti né de la volonté d’une jeunesse que je représente et que nous avons créé en 2015. Nous avons pu participer aux législatives et à l’élection présidentielle passée et nous prospectons les échéances à venir.

S : Comment expliquez-vous la récurrence des attaques terroristes en dépit de l’engagement des Forces de défense et de sécurité ?

T. M. N. : C’est déplorable ce que notre pays traverse en ces moments précis. Mais, il faut savoir que le terrorisme tire son évolution dans la pauvreté, dans l’analphabétisme, dans l’ignorance des populations. C’est une situation nouvelle pour notre peuple. 80% de nos populations sont analphabètes et cela peut réellement jouer sur la propagation du phénomène dans notre pays.

S : Quel commentaire faites-vous sur le drame de Inata survenu le 15 novembre dernier et qui a relancé le débat sur la question de la lutte contre le terrorisme ?

T. M. N. : Ce qui s’est passé à Inata a été un choc pour nous tous. Car, c’est l’une des pires attaques que nos Forces aient jamais connue. Et c’est le lieu pour moi de saluer la mémoire des soldats tombés et par la même occasion, dire que notre armée a beaucoup à faire. Je pense, en effet, qu’elle doit être réformée dans son ensemble pour s’adapter à l’évolution de la situation.

Dans toutes les Forces de défense et de sécurité, nous devons penser à leurs réformes profondes en mettant les officiers là où il faut et mettre aussi les unités spéciales là où il faut également. C’est un drame que nous vivons et le ressentiment de nos populations est légitime.

S : Peut-on parler d’une quelconque incompétence du pouvoir en place face à l’hydre terroriste comme le pensent certains Burkinabè ?

T. M. N. : Pas du tout. Vous savez, le terrorisme est un phénomène mondial. Et dans les pays où le phénomène sévit, croyez-moi, on n’a pas changé de gouvernement. Mais, en ce qui nous concerne, il faut réellement une réforme au sein de notre armée. Il y a des failles quelque part. Donc, chacun, à quelque niveau que ce soit, doit prendre ses responsabilités. Dans ce sens, les autorités au pouvoir doivent durcir le ton pour dire que l’armée doit se réorganiser à fond afin d’éviter de telles situations malheureuses.

S : L’intervention du Président Roch Marc Christian Kaboré s’inscrit, selon vous, dans cette dynamique ?

T. M. N. : Oui, les propos du chef de l’Etat sont à saluer à leur juste valeur. L’heure est grave et je pense qu’il est de son devoir de taper sur la table pour opérer les ajustements nécessaires pour rendre notre armée encore plus efficace sur le terrain.

S : Comment comprenez-vous le manque de vivres et de matériels qui expliqueraient en partie le drame de Inata ?

T. M. N. : C’est dommage tout simplement ! Et cela est le résultat d’une mauvaise organisation dont on parlait tantôt. Alors, il est aujourd’hui plus qu’important que cela ne se répète plus. Le drame d’Inata ne doit plus se répéter pour des problèmes de ravitaillement des troupes sur le terrain.

S : Face à cela, des voix ont commencé à réclamer la démission du Président Roch Marc Christian Kaboré. Quelle appréciation faites-vous de cette doléance ?

T. M. N. : Je dirais aux Burkinabè de ne pas se tromper de cible. Le changement du chef de l’Etat ne va pas arrêter les attaques dans notre pays. Ce qu’il faut plutôt rechercher, c’est l’union sacrée de tous et faire des propositions conséquentes à même de sortir le pays de la situation. Je ne suis pas un expert en sécurité. Mais, je fais des propositions qui peuvent être utiles dans la gestion de cette crise.

Dans ce sens, on pourrait rappeler tous les militaires qui sont allés à la retraite, très récemment, pour augmenter les rangs de nos vaillants combattants. On peut même porter nos colonels à la tête des Unités combatantes afin que toutes les interventions soient rapides et efficaces. Donc, il ne faudrait pas qu’on se trompe d’ennemi et il est temps que chaque Burkinabè, épris de paix et de justice, apporte sa part contributive et de propositions concrètes dans cette lutte engagée contre le terrorisme.

S : Dans la foulée le Chef de file de l’Opposition politique s’est retiré de toutes les instances nationales de concertation. Quelle analyse faites-vous de cette attitude ?

T. M. N. : Le CFOP, de mon point de vue, gagnerait à rejoindre la mouvance pour qu’ensemble on trouve des solutions durables à cette crise. L’heure n’est pas aux disputes mais à la recherche tous azimuts de pistes pour s’en sortir. De ce fait, j’invite le Chef de file de l’Opposition à revenir à la table de négociation, car c’est sur la table que nous pouvons trouver les solutions aux problèmes face auxquels nous faisons face depuis un certain temps.

S : Vous comprenez tout de même la colère de citoyens ?

T. M. N. : Tout à fait ! C’est une colère légitime. Ce n’est pas facile de voir ses enfants, ses amis, ses frères tomber au front. Mais, ce n’est pas pour autant que nous devons nous égarer et nous adonner à autres choses. Nous ne devrons pas non plus retourner cette haine entre nous Burkinabè, car l’ennemi est connu : c’est le terrorisme.

S : Quelles solutions préconisez-vous alors face à la montée des tensions, ces derniers jours ?

T. M. N. : C’est vrai que la situation est très difficile, mais le peuple doit se calmer. Ce sont nos soldats que nous devrons encourager. Il y a eu des défaillances certes, mais nous n’avons pas une autre armée. Donc nous devons continuer toujours à les soutenir. C’est pourquoi, j’invite le peuple à s’unir, à se solidariser, à privilégier la concertation. Car, en dépit de tout, le Burkina Faso doit rester uni. Je lance donc un appel à toute la classe politique à se rassembler autour du chef de l’Etat pour qu’on puisse trouver en synergie les solutions à nos problèmes.

Propos recueillis par Soumaïla BONKOUNGOU

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