Sorcellerie en Afrique : «Une forme de résistance à l’humiliation», selon le Dr Adamou Kantagba

«La sorcellerie est une pratique culturelle, jadis utilisée dans nos sociétés pour essayer de trouver une solution à un problème», selon le Dr Adamou Kantagba de l’Université Nazi-Boni (gauche).

Le centre Educ Afrique a organisé une conférence sur le thème : «La sorcellerie en Afrique : perception et réalité» le samedi 28 septembre 2019, à Ouagadougou.

Le centre de recherche en éducation, culture et arts Educ Afrique contribue à l’animation culturelle et artistique notamment en tenant régulièrement des conférences sur les questions d’éducation, de culture et des arts. A cet effet, il a organisé, le samedi 28 septembre dernier, à Ouagadougou, un panel sous le thème : «La sorcellerie en Afrique : perception et réalité», animé par le Dr Adamou Kantagba, critique littéraire et assistant en littérature africaine à l’Université Nazi-Boni de Bobo-Dioulasso.

«Cette communication s’inscrit dans le cadre des recherches que je mène à l’Université Nazi-Boni, à savoir le questionnement du patrimoine culturel africain à travers les arts, notamment la littérature et le cinéma», a confié le conférencier Kantagba. Selon lui, il s’agissait, «face à une perception populaire du sorcier comme étant celui qui fait le mal gratuitement», de donner une autre lecture de «la sorcellerie», dans le contexte des sociétés africaines, en se basant sur un certain nombre de textes littéraires.

A l’entendre, l’objectif visé, à travers cette conférence, est non seulement de permettre aux plus jeunes d’être fiers de leur patrimoine immatériel, mais aussi de susciter en eux un éveil de conscience quant aux actes qu’ils posent. «La jeune génération doit faire attention en évitant certains comportements comme l’humiliation des gens en public et l’appropriation d’un héritage qui, en Afrique traditionnelle, étaient susceptibles d’attaques sorcières», a-t-il mentionné. Revenant sur sa propre communication, le Dr a indiqué qu’elle a porté sur deux parties essentielles.

«Dans la 1re partie, en nous appuyant sur un certain nombre de textes, nous avons vu que la sorcellerie, dans les sociétés traditionnelles, pouvait être perçue comme une forme de résistance à l’humiliation. Quelqu’un qu’on a humilié et qui ne veut plus en subir utilise la magie ou la sorcellerie pour se venger», a-t-il affirmé. La 2e a été relative à la «sorcellerie comme refus à l’injustice». Et pour illustrer ce point, il a fait allusion à des extraits littéraires notamment dans l’épopée mandingue où la «femme-buffle», injustement écartée de sa part d’héritage, s’est transformée en buffle pour se venger de son frère.

«On a vu aussi dans l’Etrange destin de Wangrin où un marabout sorcier utilise sa sorcellerie pour aider Wangrin que les Blancs voulaient accuser injustement», a-t-il poursuivi. Présent au panel, le linguiste-éditeur, Jean Claude Naba, enseignant au département d’étude germanique a, pour sa part, estimé que la perception actuelle du «phénomène sorcier» est liée à un problème «sérieux» d’identité.

«Aujourd’hui, nous sommes dans la situation de crise réelle qui est que dans un pays comme le Burkina, nous vivons deux systèmes totalement différents dont l’un est hérité de la colonisation avec des valeurs qui nous sont imposées, et l’autre dit traditionnel qu’on ne peut balayer du revers de la main», a-t-il dit. Pour M. Naba, ce «dilemme» ne se serait pas posé si l’on avait assumé le passé. «Assumer ne veut pas dire que tout ce qui s’est passé était bien ou que tout ce qui continue d’être fait est bien. Cela signifie connaître, comprendre et prendre position», a-t-il argué.

Synthèse de Boureima GANSONRE (Stagiaire)

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