Sur le chemin de la résurrection : La Croix, emblème du Chrétien

Ça y est ! Avec ce vendredi de carême, c’est le dernier virage ainsi amorcé avant la semaine des semaines chrétiennes : la Semaine Sainte dont la célébration débute par celle du dimanche des rameaux et de la passion, le 28 courant, cette année. Et parmi les exercices de piété ayant marqué ce temps de carême, entamé depuis le 17 février dernier, figure, en bonne place, le chemin de croix. Au regard de la signification et de la portée de la croix pour le chrétien, pouvait-il en être autrement ? Revenons-y !

Aucun symbole chrétien n’est aussi connu et aussi parlant que la croix. Abjecte auparavant, en tant qu’objet de supplice pour les criminels et les esclaves dans l’empire romain d’alors, la croix, parce que Jésus y a été « crucifié pour nous, sous Ponce Pilate », est ainsi devenue un signe de victoire.

LA CROIX, SIGNE DE VICTOIRE

Avant la victoire militaire de l’empereur Constantin en 313 qu’il attribua à l’image de la Croix, les chrétiens en faisaient plutôt un usage discret, parfois même dissimulé sous d’autres formes comme par exemple l’ancre qui symbolisait aussi l’espérance. Dans un contexte de persécution et d’aversion qu’elle suscitait chez les juifs et les païens, la raison est évidente. Mais à partir du Ve et VIe siècles, la croix fut particulièrement mise en valeur. Elle prit des formes au cours des siècles, au point qu’on en est venu à parler de Croix latine, Croix Celtique, Croix grecque, croix patriarcale, Croix de Malte, Croix de Jérusalem et j’en passe.
Quoiqu’il en soit, il ne faut surtout pas se tromper au sujet de la victoire de la Croix . Et c’est l’attitude même de Jésus en croix qui nous la précise, quand, aux tout derniers moments, il s’écrie :
« Éloï, Éloï, lema sabactani? »,
ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mc 15,34). Et il meurt ainsi seul, sans défense, comme abandonné. Ainsi, par une telle attitude face à ses bourreaux, le crucifié enseigne que la violence est une réalité qui appartient à la condition humaine tandis que le chemin seul capable de nous en libérer, c’est celui de l’amour donné jusqu’au bout. Il est chemin de vie et de résurrection. Là se trouve le véritable sens de la croix et du chemin de croix : l’amour jusqu’au bout quoiqu’il en coûte. Dans une telle perspective, la croix, instrument symbolique de la haine et de la violence, devient brusquement le signe de la victoire de l’amour donné jusqu’au bout. Le Ressuscité, victorieux de la haine et de la mort, par sa croix,
« rassemble ainsi dans l’unité, tous les enfants de Dieu dispersés » par le péché et la haine. C’est en cela que la Croix du Christ est signe de cet amour véritable, apte à se sacrifier pour le bonheur de l’autre et non à sacrifier l’autre pour le bonheur de soi.

LA CROIX, SIGNE D’AMOUR

Le crucifié, et, par la suite le crucifix sont là pour nous rappeler à tout instant que l’amour de Dieu pour l’homme n’est pas un amour vide ou un amour en paroles. Au contraire, c’est un amour qui s’engage totalement jusqu’à donner sa vie pour nous. Et donner sa vie, c’est tout donner. «Jésus qui avait aimé les siens qui sont dans le monde les aima jusqu’au bout», nous dit Jean (13,1). Deux faits marquants du début et de la fin du XXe siècle illustrent de façon éloquente l’effet encore contemporain du beau témoignage de la croix. Dans le camp de concentration nazi, Maxillien KOLBE, un prêtre catholique se propose pour mourir en lieu et place d’un père de famille de six enfants que le sort avait désigné à cet effet et qui en pleurait. En 1996, sept moines de Tibhirine, en Algérie dont la vocation était de servir Dieu et leurs frères, dans une gratuité totale, décident de rester et d’aller jusqu’au bout de cet amour malgré la menace de mort qui pesait sur eux. Comme le Christ, ils en ont payé le prix, au plus fort ! C’est dire le lien intrinsèque unissant le chrétien au Christ par le biais de la Croix, la sienne. C’est pourquoi celui-là en fait son emblème.

LA CROIX, EMBLÈME DU CHRÉTIEN

La croix, lieu de honte et de désespoir devient pour les disciples, croix glorieuse et triomphante. Au lendemain de Pâques, ils vont le comprendre dans l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité victorieux de la haine et de la mort et proclamer sur les places : « Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié» (Ac 2,36)
On comprend que la croix soit devenue un symbole très important pour les chrétiens. Mais le signe de croix tracé sur des choses ou des personnes, loin d’être un pouvoir magique, exprime la bénédiction de Dieu et rappelle le lien avec la personne du Christ. C’est pourquoi le pape François faisait remarquer, à l’angélus, dimanche dernier que le signe de la croix est devenu au fil des siècles « l’emblème par excellence » des chrétiens,
« l’important étant que le signe soit cohérent avec l’Évangile ». Autrement dit, la « croix ne peut qu’exprimer l’amour, le service, le don de soi sans réserve : c’est seulement ainsi qu’elle est vraiment « arbre de vie », de vie surabondante. Une grande responsabilité incombe alors aux chrétiens».

Abbé Paul DAH, chargé de communication de la Conférence épiscopale Burkina-Niger

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