Tenir bon, dans l’action !

L’information a fait l’effet d’un engin explosif improvisé. Le grand imam de Djibo et président de la communauté musulmane (Gadi) du Soum, enlevé le 11 août 2020, a été retrouvé mort le samedi 15 août dans les environs de la ville. L’enlèvement, suivi de l’élimination non revendiquée (au moment où nous couchions ces lignes) de ce guide religieux vient rallonger la macabre liste des assassinats ciblés dans le septentrion burkinabè avec le même objectif ignoble : massacrer pour faire peur, faire taire, faire fuir, soumettre…

Cet énième « meurtre des symboles » relance les interrogations sur la lutte contre le péril terroriste sur le territoire burkinabè, l’identité de ces fameux Individus armés non identifiés (IANI) aux capacités de nuisance, apparemment, encore intactes.
Condamnant un acte «ignoble et barbare », le Chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, a exprimé sa compassion à l’endroit de la famille du guide et appelé, encore une fois, ses compatriotes à l’union et à la solidarité pour triompher « des forces du mal ».

En somme, tenir, c’est-à-dire faire front commun contre l’ennemi. Et surtout agir contre le terrorisme en synergie avec les Forces de défense et de sécurité (FDS) et l’appui des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui, envers et contre tout, doivent souvent faire avec des accusations sélectives d’exécution extrajudiciaires de certaines ONG humanitaires ou de défense des droits humains.

L’assassinat de l’imam de Djibo met bas les masques du fallacieux prétexte religieux de l’engagement de certains extrémistes violents. Il nous laisse cependant une question centrale : ne sommes-nous pas en train de nous entretuer entre nous frères ? Le terrorisme international y est-il pour quelque chose ? Il est donc temps de tirer les enseignements de ce dernier développement de la crise sécuritaire qui tend à s’aggraver dans le dos d’une classe politique occupée à préparer le terrain des prochaines échéances électorales. En effet, le terrorisme international est l’une des explications aux attaques répétées de notre beau pays.

Cette réponse n’est nécessairement pas figée. Elle sous-tend un effort de questionnement permanent, car, chaque attaque, à l’image de celle qui a conduit à l’enlèvement et à l’exécution de l’imam de Djibo, révèle un faisceau d’indices dont la triangulation pourrait conduire à une actualisation de la réponse. Au-delà du terrorisme international, notamment de l’Etat islamique au grand Sahara, comment ne pas penser à de violentes contradictions internes si l’on sait que l’imam de Djibo, réputé pour sa sagesse au point de se poser en alternative à la justice moderne dans les conflits d’héritage, a très vite pris ses distances avec son ancien compagnon Malam Dicko (fondateur du mouvement djihadiste burkinabè Ansaroul Islam, donné pour mort en mai 2017 à la suite d’un raid français), constatant ses dérives sectaires, selon des témoignages du premier cercle du grand imam.

Le guide suivi à la trace a fini par tomber dans le traquenard de ses contempteurs. Dans la stratégie globale de lutte, il semble être d’une inextricable complexité de dénouer l’écheveau de la crise interne (le poison de la discorde jetée dans la population) si tant est qu’elle est acceptée par tous comme telle, que de faire face aux agressions extérieures des lugubres IANI. Cette prise de conscience de la primauté de recoller les morceaux du tissu social aura le don de renforcer l’union et la cohésion nationale contre les forces extérieures du mal pour le succès des armes.

Face à la barbarie, il nous faut continuer à tenir et à agir. Pour la simple raison que, jusque-là, l’interminable crise sécuritaire n’a pas fait plier l’échine à un Burkina résilient. Le Plan national de développement économique et social (PNDES) dont les volets infrastructures, amélioration de l’offre éducative et de soins et adductions d’eau potable ont atteint des niveaux de réalisation appréciés par les premiers bénéficiaires, continue à être déroulé contre vents et marées.

Toute initiative allant dans ce sens devrait être accompagnée et soutenue, même si, historiquement, le landerneau politique, à quelques exceptions près, n’est pas très coutumier de l’union sacrée ni celui des grandes coalitions. Il ferait pourtant bien d’y réfléchir, plutôt que de céder à la polémique stérile, au regard du fait que ce pour quoi chacun se bat peut nous filer, à tout instant, entre les doigts.

Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr

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