Un dialogue difficile

S’il n’est pas rompu, le dialogue entre le Mali et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est compliqué. Trop compliqué. Les deux parties n’arrivent pas à s’accorder sur une durée de la Transition, conduite par le colonel Assimi Goïta. Les élections présidentielles et législatives du 27 février 2022 n’ayant pas pu se tenir, la CEDEAO manœuvre de tout son possible pour obtenir une nouvelle échéance, en vue d’un retour à un ordre constitutionnel normal au Mali. L’organisation sous régional s’y prend avec peine, puisqu’en décembre 2021, la junte malienne a affiché son intention de rester au pouvoir pendant cinq ans. Ce projet a tout naturellement mis le feu aux poudres. Les hommes forts de Kati n’ont-ils pas été qualifiés de « plaisantins » ?

Ce qui semblait être un désaccord au départ s’est transformé en un bras de fer entre la CEDEAO et le Mali. L’institution sous régionale, qui veut absolument voir le Mali renouer avec la démocratie, s’est montrée intraitable. En accord avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), elle a pris, en début d’année, de lourdes sanctions économiques contre le pays, qui dépend en grande partie des importations. Exit la possibilité d’avoir quelques produits de première nécessité, le Mali s’est vu interdire toute transaction commerciale et financière avec les autres pays membres de la CEDEAO. Conséquence, les Maliens vivent une inflation et des pénuries sans précédent depuis l’entrée en vigueur de ces mesures coercitives. Privé de ses fonds, le Mali n’arrive plus à respecter ses engagements sur le marché financier régional, ce qui contribue à dégrader son image auprès des investisseurs.

On a beau être un patriote et un soutien indéfectible au colonel Goïta, les conséquences de telles sanctions ne laissent pas indifférent. Si cette situation est malheureuse, rien n’indique qu’elle va prendre fin de sitôt. Les derniers développements de l’actualité refroidissent les ardeurs. Le médiateur de la CEDEAO, l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, est à la manœuvre, mais l’horizon n’est pas encore dégagé. Après un énième séjour à Bamako, le week-end écoulé, il n’a pas obtenu un compromis avec la junte malienne, qui fait des pas en arrière, sans pour autant convaincre la CEDEAO, plus que jamais intransigeante. Le colonel Goïta et ses hommes ont proposé un nouveau chronogramme de 24 mois au facilitateur, après ceux de 29 et de 36 mois.

De cinq ans, les autorités maliennes sont revenues à deux ans, un délai « incompressible », selon elle. Mais pour la CEDEAO, les élections doivent se tenir dans un délai de 12 à 16 mois, comme elle l’a réaffirmé il y a quelques semaines. Il n’est pas question d’aller au-delà. On n’est donc pas sorti de l’auberge dans le bras de fer entre le Mali et la CEDEAO, qui conditionne la levée des sanctions économiques à un accord sur la période de la Transition. Il faut toutefois saluer les efforts consentis par la junte militaire pour revenir à un délai plus ou moins raisonnable, même si les 24 mois n’enchantent pas pour le moment l’institution sous régionale. Le clan Goïta est manifestement en train de comprendre qu’une guerre contre la CEDEAO n’arrange pas le Mali. Bien au contraire, elle fait sombrer petit à petit le pays, qui, quoi qu’on dise, a choisi librement la démocratie et doit se conformer aux exigences de ce type de régime. Même si on comprend les défis sécuritaires auxquels le Mali est confronté actuellement, une Transition ne saurait s’éterniser au pouvoir. A la CEDEAO, qui est dans son rôle, malgré les critiques, d’être pragmatique pour le bien de l’Afrique de l’Ouest. Il faut à tout prix trouver un modus vivendi dans le dossier malien. Ce ne sont pas les dirigeants qui souffrent des sanctions économiques, mais bel et bien les populations.

Kader Patrick KARANTAO

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