Un « sursis » de deux semaines

Les tractations pour l’extradition de François Compaoré de la France vers le Burkina Faso se poursuivent. Le lundi 12 juillet dernier, le dossier du frère cadet de l’ancien président, Blaise Compaoré, était sur la table des juges du Conseil d’Etat. Les avocats de François Compaoré qui s’opposent au transfert de leur client inculpé pour «incitation à assassinat » dans l’affaire Norbert Zongo, ont motivé leur position devant l’institution judiciaire relevant du dernier échelon dans la procédure française. A propos, la défense de M. Compaoré n’a pas été avare en arguments qui varient des plus soutenables aux plus saugrenus. En effet, dans l’optique de s’attirer la sympathie des « sages », ils ont dépeint un Burkina « dévasté par l’insécurité » et qualifié l’appareil judiciaire burkinabè de « délabré et corrompu » avec un système carcéral « désastreux ». Convaincu que l’affaire est politique et que la vie de leur client sera menacée une fois en cellule au pays des Hommes intègres, ils ont alors plaidé pour l’annulation du décret d’extradition. Cette thèse libre n’est pas partagée par le rapporteur public chargé de proposer aux juges du Conseil d’Etat un avis, après une lecture technique sur des points juridiques. Ce dernier qui a pesé le pour et le contre est parvenu à la conclusion que le prévenu sera hors de danger s’il est extradé.

En tout état de cause, le Conseil d’Etat va-t-il enfin autoriser l’extradition de « l’acteur-clé » du dossier Norbert Zongo ou va-t-il se plier aux desiderata de la défense de l’incriminé. Le Conseil d’Etat a au moins deux semaines pour rendre sa décision sur l’annulation ou non du décret d’extradition de François Compaoré. Il sera hasardeux d’épiloguer sur des pronostics au risque de verser dans la délation. Toutefois, il sied de lever le voile sur la capacité du Burkina Faso à garantir un procès équitable dans cette affaire. Des telles insinuations imposent un certain nombre d’observations. Sans faire de la surenchère, il convient de relever que c’est au Burkina Faso et nulle part ailleurs que s’est tenu en 2019, le procès du coup d’Etat manqué de septembre 2015. Un procès médiatisé qui a montré à la face du monde que les droits des prévenus ont été respectés. Le jugement a permis de relaxer des prévenus pour infractions non constituées et aussi de retenir dans les liens de la prévention, des complices et commanditaires du coup de force contre le pouvoir de la Transition. C’est aussi dans un Burkina « dévasté par l’insécurité » comme le prétend la défense de François Compaoré que les détenus dont des généraux sont emprisonnés sans que leurs vies ne soient menacées.

C’est encore dans ce même pays au système carcéral dit «désastreux » qu’un prisonnier, un officier supérieur de l’armée qui avait des soucis de santé, a été évacué en France pour des soins appropriés. D’où viennent donc les raisons qui tendent à justifier que le pays des Hommes intègres ne peut pas garantir un procès équitable pour les inculpés dans le dossier Norbert Zongo ? Il se susurre déjà que les avocats de François Compaoré envisagent de saisir la Cour européenne des droits de l’homme au cas échéant afin que le gouvernement français suspende l’extradition. Quelle que soit la décision du Conseil d’Etat français, le peuple burkinabè saura encore patienter pour connaître le dénouement de ce feuilleton judicaire. Il a toujours trouvé depuis 1998 l’énergie et les ressources nécessaires pour lever les obstacles dans cette affaire afin que la lumière soit faite sur cette page sombre de son histoire.

Abdoulaye BALBONE

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