Une faillite morale !

La profanation de la tombe, le week-end dernier, de la star internationale du coupé-décalé, DJ Arafat, décédé le 12 août 2019, continue de défrayer la chronique. En effet, des supposés fans de l’artiste ivoirien ont déterré son cercueil au cimetière de Williams ville, le samedi 31 août dernier, gâchant ainsi l’hommage grandiose de la veille, qui aura duré jusqu’au petit matin, au sein de la cuvette du stade Félix-Houphouët-Boigny, situé au Plateau, le quartier des affaires d’Abidjan. La cérémonie avait réuni d’éminentes personnalités de la sphère politique ivoirienne dont le ministre d’Etat, Hamed Bakayoko et des grosses pointures du monde culturel et artistique africain (la star nigériane Davido, les chanteurs congolais Koffi Olomidé, Fally Ipupa, et le Malien Sidiki Diabaté, etc.). « L’ensemble du gouvernement, par ma voix, dit son infinie reconnaissance à Ange Didier Houon, dit DJ Arafat, pour son immense contribution au rayonnement artistique et à l’influence culturelle de notre pays, la Côte d’Ivoire », a déclaré à la tribune le ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman. Mais ce dernier, comme tant d’autres, étaient loin d’imaginer qu’une heure plus tard, une frange des « Chinois » (surnom donné aux fans d’Arafat), allaient marquer d’une tache noire l’adieu au Daïshikan (autre surnom de l’artiste) en procédant à la profanation de sa dernière demeure. Cet acte ignoble et inqualifiable, dont les images ont fait le tour du monde à travers la toile, est, à n’en point douter, le signe de la faillite morale d’une jeunesse en manque de repères, et un spectacle d’horreur qui restera longtemps gravé dans la mémoire des « vrais » admirateurs de DJ Arafat et de ses proches. On est tenté de se demander comment les autorités ivoiriennes qui se sont investies dans l’organisation de la cérémonie d’hommage ont procédé pour aboutir à ce dénouement odieux ? Car depuis l’annonce du décès dans la matinée du 12 août, des soi-disant fans ont refusé d’accepter la réalité de la disparition « facile » de leur idole. Ces derniers avaient d’ailleurs envahi la cour de la Clinique où l’artiste a rendu l’âme, exigeant de voir sa dépouille avant de croire. L’on était loin, cependant, de se douter que la curiosité de cette foule de gens déboucherait à cet acte abominable et condamnable au plus haut point. L’Etat ivoirien a manqué de vigilance en mobilisant des milliers de policiers et gendarmes pour la veillée et le concert sans prévoir une sécurité pour veiller ne serait-ce que pendant quelques jours sur la tombe du chanteur, au regard de sa notoriété internationale et de l’atmosphère de suspicions qui prévalait. Cela aurait pu empêcher une seconde mort d’Arafat. Et les auteurs de ce crime de « lèse-majesté » ne peuvent prétendre faire partie du  fan club du « roi du coupé-décalé ». Aucun motif ne peut justifier la violence exercée sur le corps de DJ Arafat et la douleur infligée à son âme pour le repos duquel toute une nation et un monde artistique ont consacré une nuit entière. Les inconditionnels du musicien, tout comme ses pires détracteurs n’auraient pas pu commettre une telle ignominie. Qu’il s’agisse d’une star internationale de la trempe de DJ Arafat ou d’un citoyen lambda, ce qui s’est passé à Williamsville constitue une violation flagrante du droit sacré des morts à la dignité et au repos éternel. Un principe moral de l’humanité vient ainsi d’être bafoué le samedi dernier sur les bords de la lagune Ebrié. C’est pourquoi les autorités ivoiriennes doivent tout mettre en œuvre pour situer les responsabilités et punir les coupables à la hauteur de leur forfait. D’ores et déjà, le Préfet de police d’Abidjan a annoncé l’arrestation de 12 individus ayant participé à la profanation de la tombe de DJ Arafat. De quoi réjouir et apaiser les cœurs dans l’entourage de « Yorobo », doublement dévasté par cette odieuse désacralisation de la tombe du défunt. Plus jamais ça !

Beyon Romain NEBIE
nbeyonromain@yahoo.fr

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