Une journée de la patrie ?

DECEMBRE ! Cela a toujours été et cela reste le mois de toutes les attentes, de toutes les craintes, de tous les déficits et de toutes les folies de l’année, matérielles ou financières. Pour certains, ce n’est, ni plus ni moins que le mois maudit, pour nombre de raisons, tant objectives que subjectives. DECEMBRE, c’est le mois des bilans financiers : – on fait le point du crédit contracté auprès de sa banque ou de l’usurier du coin ; – on calcule ce qui pourrait nous rester dans le compte ou chez le trésorier, après soustraction de ce qui est dû ; – on voit combien on doit à la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) ou à l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) depuis l’avant…avant-dernier règlement ; – on se demande ce qu’il sera possible d’acheter pour…les fêtes : du bœuf ? Du mouton ? On anticipe : avec tous les prix prêts à décoller, le « poulet bicyclette » sera inaccessible. On ne va quand-même pas manger du poulet de chair, le « jour de fête » au Burkina ! – on voudrait bien s’offrir un découvert, pour anticiper, mais… Il faut vraiment faire très attention, parce qu’un mois mortel est à l’horizon immédiat :

JANVIER ! Ce mois obsessionnel pour tous où on compte, compte, compte, jour après jour, depuis une semaine avant sa naissance. Et dès sa naissance, on est littéralement fauché, naze ! Terrible ! DECEMBRE, c’est aussi le mois des attentes. Pas que l’on attend quelque chose des autres ! Mais ce sont les autres qui attendent peut-être, sinon certainement quelque chose de vous ! Misère ! Les beaux-parents, les aînés, les…patrons… On vous rendra visite sans que vous ne l’ayez ni souhaité ni sollicité. Vous n’avez pas assez de fonds comme d’autres, pour vous offrir une échappée « hors zone d’atteinte », hors du voisinage, de la ville, du pays. Vous vous « cherchez » pendant qu’on vous cherche !

LA SOLIDARITE : UNE VISION IDYLIQUE ?

Et pourtant ! Nul ne vous oblige à porter du XXL si votre taille est à X ! L’orgueil est un luxe et la prétention un bien vilain défaut ! C’est si paisible et si simple de rester soi-même, de vivre sa vie comme dans l’être et non dans le paraître ! Dans nos sociétés, le vivre-ensemble avait toujours prévalu. A tel point que le partage était la règle. Il commençait à imposer ses règles dès l’enfance où l’aîné ou l’ancien appliquait le devoir de justice et d’équité en quittant le premier le plat commun autour duquel tout le monde était installé en cercle, poussant tous les autres à le faire tour à tour, laissant le soin au plus jeune d’évacuer, et ce qui reste du contenu du plat et le plat lui-même qu’il ira ranger ! Les jours de fête étaient une des occasions de goûter au plat du voisin proche ou lointain. C’était et c’est toujours la solidarité qui commande le vivre-ensemble. Au Nord, à la faveur de la grande sécheresse des années soixante-dix, les croyants sont allés jusqu’à créer une « Union fraternelle des frères croyants », pour faire front commun dans les faits, sur le terrain, contre les difficultés concrètes et pour la survie ! Autant la joie était partagée, autant les peines l’étaient et le restent chez nombre de Burkinabè.

C’est pourquoi, quand il y a un décès, le voisinage, les commerces, toutes activités cessantes, se joignent à la famille éplorée et contribuent, la soutiennent matériellement, moralement et spirituellement. Mois de DECEMBRE, c’est Noël, perçu par beaucoup comme le mois de la nativité qui n’appartient pas qu’aux chrétiens mais à tous ! C’est donc, nous situant dans le calendrier grégorien, le mois des projections avant l’ANNEE NOUVELLE, le mois des espoirs !

LES PROMESSES,L’ATTENTE ET… LES ATTENTES

Le président Roch a promis et tout comme le verbe qui s’est fait chair, nous attendons tous l’incarnation de ses promesses ! Elle connaît déjà un début d’exécution avec le changement de responsables dans le commandement militaire. L’incendie d’Inata dont le souffle très chaud a passé sur tout le Burkina devrait nous faire prendre conscience que ce pays qui est bien nôtre, attend de tous, des efforts particuliers et un engagement total. A cet égard, notre état d’esprit doit nécessairement changer dans le sens d’une conscience accrue dans l’engagement individuel et collectif ! Décembre, mois festif ? Que nenni ! – trop de familles endeuillées pour penser à la bamboula ! – trop de jeunes couples brisés par la disparition d’un des membres mort au front de la lutte contre le terrorisme. – trop d’orphelins en larmes et en errance ! Si le Burkina se veut une famille réellement préoccupée par le vivre-ensemble qu’on lui connaît, il nous faut nous comporter en membre de cette famille et non comme un corps sans rapports avec les blessures et les larmes d’autrui et celles des victimes en particulier. Ne pouvons-nous pas observer de la retenue dans nos penchants au festin bruyant et éviter certaines publicités qui affichent notre inconscience et notre insouciance ? Certaines « personnalités » ne pourraient-elles pas éviter de s’afficher partout et pour tout en présidant, co-présidant, parrainant ou co-parrainant des manifestations qui sont une véritable insulte à notre conscience collective meurtrie ? Les victoires militaires ne seront rien si nous ne faisons pas tous notre introspection, individuelle et collective, pour nous demander pourquoi un frère qui nous est proche, prend une arme et la retourne contre nous ? – Est-ce la conséquence d’une mauvaise gestion politique, économique…de notre société ? – Est-ce un ensemble d’injustices qui ont fait le lit du terrorisme ? – Nos faiblesses structurelles en tant que nation en devenir sont-elles abondamment exploitées par l’ennemi au détriment de notre peuple ? QUE POUVONS-NOUS FAIRE ? Avons-nous seulement tiré des leçons de nos expériences et de nos fautes du passé ? Que n’avons-nous pas déjà vu et subi ? Qu’est-ce qui n’a pas été déjà dit sur nous-mêmes, par nous ou par les autres ? Si nous n’avons pas prise sur notre environnement global, au moins pouvons-nous agir sur nous-mêmes !

En attendant l’Emmanuel, nous pouvons toujours être utile, pour peu que nous le voulions. Nous suggérons que chacun vive sa JOURNEE DE LA PATRIE, en lui donnant une dimension personnelle. Par exemple, le carême chrétien laisse à chacun, la liberté de choisir en plus, sa pénitence. En effet, il est peut-être plus facile pour certains de faire quarante jours de carême, de se priver de rapports amoureux que de s’adresser à quelqu’un qu’on ne veut plus voir, même en peinture ! Il y a des efforts qui peuvent paraître « surhumains », tellement les ressentiments se sont accumulés au fil des ans, faisant le lit d’une rancœur nourrie de mensonges et de frustrations ! Et pourquoi pas une JOURNEE DE LA PATRIE au niveau national qui honorerait tous nos morts pour la patrie, tous les citoyens valeureux de ce pays qui a connu tant de gloires et de vies exemplaires au service de la nation ? Pour la cohésion sociale, pour la patrie, nous pouvons faire un effort, un petit effort, un petit pas dans l’humanité. La somme de nos petits pas individuels pourrait nous conduire au cœur de nos espoirs si souvent déçus ! Au cœur de la NATION ! AU CŒUR DE NOTRE AMOUR POUR NOTRE PATRIE ! « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». A bientôt !

Dr Jean-Hubert BAZIE

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