Une réforme vitale

Le secteur de l’immobilier fait couler beaucoup d’encre et de salive au « pays des Hommes intègres ». A priori, la promotion immobilière est une activité exercée légalement, sous nos cieux, sous le couvert de la loi 057-2008 portant promotion immobilière au Burkina Faso.En vertu de ce texte, les sociétés immobilières peuvent réaliser ou faire réaliser des opérations d’urbanisme et d’aménagement définies par le Code de l’urbanisme et de la construction et des opérations d’édification, d’amélioration, de réhabilitation ou d’extension de constructions sur des terrains aménagés. Les promoteurs immobiliers se révèlent ainsi être des partenaires de l’Etat qui compte sur eux pour fournir des logements décents aux populations.Si leur utilité n’est plus à démontrer en témoignent la création d’emplois et une contribution aux recettes fiscales, les sociétés immobilières ont fini par avoir mauvaise presse à cause de certaines pratiques.

Il leur est reproché l’accaparement, en milieu urbain, des terres qui se font de plus en plus rares et chères. De nos jours, il n’est pas donné à n’importe quel Burkinabè de s’acheter une parcelle, à plus forte raison, construire une maison. Au fil des ans, des sociétés immobilières se sont manifestement spécialisées dans l’achat et la vente des terres en milieu urbain, que la réalisation des logements censés être leur mission première. Elles détiennent des superficies non négligeables, pour ne pas dire astronomiques, les propriétaires terriens ayant du mal à résister aux sommes parfois mirobolantes. Aussi, les sociétés immobilières sont-elles accusées de ne pas viabiliser les sites acquis et de s’accaparer également du foncier rural à des fins spéculatives. Ces accusations, plus ou moins fondées, nourrissent permanemment des tensions, des opérateurs immobiliers étant dans le collimateur des populations dans certaines zones. C’est dans ce contexte, pour le moins explosif, que l’Etat, sous pression, a pris ses responsabilités. La loi sur la promotion immobilière de 2008 posant visiblement plus de problèmes qu’il n’en résout, l’exécutif a décidé de la revoir, depuis 2021.

Un avant-projet de loi portant relecture a été élaboré, avec divers objectifs. Entre autres, ce texte exclut la promotion foncière de l’activité des sociétés immobilières, autorise la possibilité de lotir aux personnes morales de droit public, limiter les superficies aux fins de promotions immobilières à 25 hectares et renforce les sanctions à l’encontre des sociétés immobilières. Cet avant-projet de loi a été validé au cours d’un atelier national, le vendredi 10 février 2023, sans l’aval des promoteurs immobiliers, qui ne sont pas allés au bout des travaux. Ils ont claqué la porte pour protester contre le texte jugé « non inclusif ».« Cet avant-projet de loi va créer une déchirure du tissu social, car elle dénie aux propriétaires terriens le droit de céder leurs terres avec à la clé des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans et de lourdes amendes », a laissé entendre le porte-parole de l’Association des promoteurs immobiliers du Burkina (APIB), Roger Nikièma. Même si l’avant-projet de loi portant relecture de la promotion immobilière ne fait pas l’unanimité, ce qui est compréhensible, vu les gros intérêts financiers, il est pertinent à bien des égards. La spéculation foncière est telle, qu’il faut absolument mettre fin aux débordements, pour ne pas faire exploser la « bombe sociale » qu’elle constitue. Loin de nous l’idée de dénier le droit aux sociétés immobilières de faire des affaires, mais il faut de l’ordre dans le domaine du foncier. La cupidité ne doit pas être la règle à tout.

Kader Patrick KARANTAO

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