Vaccin contre le paludisme: le 1er vaccin antipaludique produit des résultats remarquables

Une utilisation innovatrice du premier vaccin antipaludique au monde produit des résultats remarquables et permettrait de sauver des vies
par Dr Kesete Admasu
Au milieu des tragédies et crises causées par la pandémie de la COVID-19, il est gratifiant de voir que des travaux se poursuivent en Afrique pour trouver de nouveaux moyens de lutter contre le paludisme. Cette maladie fort ancienne est un ennemi redoutable et continue de tuer chaque année quelque 400 000 personnes dont la plupart sont des enfants africains de moins de cinq ans.
Les scientifiques de la London School of Hygiene and Tropical Medicine et leurs collègues de l’Institut de recherche en sciences de la santé du Burkina Faso et de l’Université de Bamako au Mali ont publié les résultats des études de phase 3 sur le premier (et jusqu’ici le seul) vaccin antipaludique au monde.
Les nouveaux résultats provenant du Mali et du Burkina Faso montrent que le RTS,S (qui est également administré au Ghana, au Kenya et au Malawi dans le cadre d’un projet pilote) pourrait s’avérer être un instrument d’une valeur supérieure à celle initialement anticipée. Et ceux d’entre nous impliqués dans la lutte contre le paludisme sont avides de bonnes nouvelles.
Les recherches dans des zones sujettes à des flambées de paludisme au cours de la saison des pluies font état d’une réduction spectaculaire de la mortalité et de la morbidité dues au paludisme parmi les jeunes enfants vaccinés avec le RTS,S avant le début des pluies. Ces recherches montrent une efficacité du vaccin égale à celle de la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS) qui est la pratique traditionnelle de prévention dans ces régions. Celle-ci implique l’administration mensuelle d’une dose de traitement d’antipaludiques classiques au cours de la saison des pluies, habituellement au travers de campagnes de porte-à-porte.
Ce constat est important. La CPS est une intervention intensive en ressources, et sous certaines conditions, un traitement annuel avant la saison des pluies sous forme d’une dose unique de vaccin pourrait s’avérer une alternative attirante.
Cependant, les résultats les plus frappants se sont manifestés dans le groupe d’environ 1700 enfants qui ont reçu les deux interventions, à savoir les médicaments et le vaccin. Ce groupe a affiché une réduction supplémentaire de 60 à 70 % des cas de maladie grave et d’hospitalisation, qu’il faut comparer aux résultats déjà impressionnants d’intervention par les seuls médicaments de prévention ou par la seule vaccination RTS,S, ainsi qu’une réduction de plus de 70 % des décès dus au paludisme. De plus, et tout aussi important, la combinaison des deux traitements s’est avérée sans risques et bien tolérée.
J’appartenais au groupe de ministres africains de la Santé qui, en juin 2016, siégeaient au Conseil d’administration de Gavi, l’alliance du Vaccin, et luttaient avec passion pour le financement d’un programme pilote RTS,S permettant de déterminer son potentiel en matière de santé publique. Ces nouveaux résultats sont donc très encourageants.
RTS,S est le premier vaccin antipaludique connu qui montre une réduction du paludisme et du paludisme grave, voire mortel, parmi les jeunes enfants. Environ 2,1 millions de doses de vaccin ont été distribuées et plus de 750 000 enfants vivant dans des zones sujettes au paludisme toute l’année ont reçu leur première dose de vaccin grâce au programme pilote. Les résultats de ce programme indiquent aussi une forte demande des communautés pour des vaccins antipaludiques et la capacité des programmes de vaccination des enfants à le délivrer. Cette nouvelle étude au Burkina Faso et au Mali apporte des compléments de preuve quant à la sécurité et à l’efficacité du RTS,S.
Juste avant le début de la pandémie de la COVID-19, les progrès africains en matière de lutte contre le paludisme stagnaient, alors que le niveau de décès dus au paludisme était élevé et qualifié d’inacceptable par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Retrouver le dynamisme nécessaire au retour de progrès dans la lutte contre le paludisme exige de nouveaux instruments, en particulier à un moment où les interventions préventives existantes sont menacées par l’émergence d’une résistance aux insecticides.
De nouveaux instruments pour lutter contre le paludisme sont particulièrement nécessaires dans des pays tels que le Mali et le Burkina Faso, qui font partie du Sahel africain, cette zone semi-aride qui s’étend du Sénégal au Soudan. Dans cette région, les flambées de paludisme coïncident avec l’arrivée de la saison des pluies. Aujourd’hui, six des dix pays africains identifiés par l’OMS comme requérant des interventions antipaludiques à haut impact se trouvent au Sahel, où le paludisme reste une cause principale du décès d’enfants malgré des réductions substantielles de cette maladie réalisées grâce à la combinaison de la CPS et de moustiquaires imprégnées d’insecticide.
Lors du développement du vaccin RTS,S au cours des 30 dernières années, le monde scientifique a découvert que l’efficacité protectrice du RTS,S est particulièrement élevée au cours des premiers mois qui suivent la vaccination. Cette caractéristique a encouragé les chercheurs à étudier si le RTS,S pouvait s’administrer de façon stratégique, juste avant le pic saisonnier du paludisme, pour combattre sa transmission saisonnière.
L’administration du vaccin RTS,S contre le paludisme saisonnier s’est avérée sûre et efficace, et un outil de poids. Lorsqu’elle est combinée avec la CPS, elle pourrait multiplier les options disponibles pour lutter contre le paludisme.
En octobre, les organes consultatifs mondiaux pour la vaccination et le paludisme se réuniront pour examiner les éléments de preuve disponibles en matière de RTS,S et pour envisager une recommandation potentielle de l’OMS pour un élargissement de l’utilisation du vaccin dans l’ensemble du continent africain.
Si l’OMS recommande une utilisation plus large du vaccin, les gouvernements africains devront se préparer à saisir cette occasion de sauver des vies. Ils devront donc être prêts pour prendre des décisions stratégiques pour le déploiement du vaccin, et la maximisation de son impact tout en poursuivant les autres interventions antipaludiques qui ont fait leurs preuves.
La COVID-19 nous a montré ce que la communauté mondiale de la santé pouvait accomplir lorsqu’elle s’unit pour lutter contre une maladie mortelle. On ne pourrait que se réjouir de voir l’Afrique émerger de la pandémie avec un nouvel instrument qui lui permettrait de s’attaquer avec une vigueur renouvelée à cet ancien adversaire qu’est le paludisme et retrouver la dynamique de progrès dans la maîtrise du paludisme.
Le docteur Kesete Admasu, PDG de Big Win Philanthropy, ancien PDG du Partenariat RBM pour mettre fin au paludisme, et ancien ministre de la Santé de la République fédérale démocratique d’Éthiopie.

Laisser un commentaire