Vente de fourrage à Bobo-Dioulasso : De l’herbe à prix d’or en saison sèche

Les commerçants prennent les commandes des clients afin de les servir.

De nombreux Bobolais se sont lancés dans la vente de fourrage. Malgré les difficultés à avoir de l’herbe et des nutriments pour bétail en cette saison sèche, ces commerçants font de leur mieux pour mettre quelque chose dans les mangeoires du bétail. Une équipe de Sidwaya est allée à leur rencontre, le mardi 8 février 2022.

L’élevage en ville (quoiqu’interdit) se pratique mais difficilement dans la cité de Sya. Trouver de quoi alimenter ses animaux, la plupart du temps enfermés, demeure un casse-tête chinois pour ceux qui s’adonnent à l’activité en milieu urbain. C’est dans ces conditions que le commerce du fourage prend de plus en plus de l’ampleur à Bobo-Dioulasso et principalement aux abords des grandes artères. Installés le long des voies à grande affluence de la ville comme la voie passant devant la pharmacie Hayatt de Belle-ville ou encore le boulevard de la Révolution jouxtant le pont d’Accart-ville, des femmes et des hommes proposent à longueur de journée une gamme variée d’aliments pour bétail.

Il est 17 heures, devant la pharmacie Hayatt au secteur 21 de la ville de Bobo-Dioulasso, ce mardi 8 février 2022. Une foule encombre les voies comme d’habitude, attirée par des tas d’herbes fraiches et de foin entassés çà et là. Cet encombrement de cet axe est provoqué par les éleveurs venus chercher de quoi subvenir aux besoins alimentaires de leurs bêtes. Même constat sur le pont d’Accart-ville où, chaque jour, dans la soirée, les aliments pour bétail s’arrachent comme de petits pains.

Chacun a son client. En véhicule, à moto ou à vélo, chacun grouille pour chercher quelque chose. Amad Niampa est un vendeur d’aliments pour bétail au secteur 21 de Bobo-Dioulasso. Tous les soirs, il dispose d’un stock varié. « A partir de 15 heures, les clients commencent à venir. Je vends de l’herbe, des résidus de feuilles d’arachide, de haricot et souvent des tiges de maïs », fait-il savoir. Pour lui, avoir du foin en cette période de l’année n’est pas chose facile. « J’effectue le déplacement jusqu’à Nasso, un village à près de 8km de Bobo-Dioulasso afin d’avoir du foin et des tiges de maïs issus des cultures de contre-saison », soutient-il.

Installée depuis plus de trois ans sur l’avenue Châlons-en-Champagne de Bobo-Dioulasso, non loin du rond-point de la Femme, Maimouna Semdé, propose une variété d’aliments pour bétail aux éleveurs. « Je propose quotidiennement des feuilles d’arachide, de haricot, du son, de la farine de néré, des feuilles de patate douce et autres ingrédients pour la fabrication d’aliments pour bétail et volaille », indique dame Semdé.

Tout comme elle, Siaka Ouattara, père de sept enfants, dispose quotidiennement de feuilles sèches d’arachide et de haricot. Selon lui, les herbes fraîches sont plus préférées par les clients, mais l’acquisition est tout de même difficile en cette saison sèche. « En saison pluvieuse, l’herbe fraîche est disponible à coté, mais en saison sèche, il est difficile d’en avoir. Nous ne nous donnons même pas la peine d’aller en chercher », indique-t-il.

Un métier rentable

Mohamad Aly Dapou fait le commerce de l’herbe et du foin depuis plus de 30 ans. « Je vends du foin, des tiges de maïs, des feuilles fraîches de patate douce depuis le temps de la Révolution dans les années 80. Auparavent, j’étais installé aux abords du grand marché avant de déménager ici à Accart-ville pour mes activités », confie le vieillard. Selon lui, en saison sèche, la vente de l’herbe fraîche est rentable, même s’il reconnait qu’elle demande beaucoup d’énergie. « L’herbe fraîche se vend à un bon prix actuellement.

Mais avec l’âge, je ne peux plus me permettre d’aller à plus de 30 km pour en chercher. Ce sont les plus jeunes qui s’en occupent », fait-il comprendre. Des efforts certes, mais pour Adama Drabo, lui aussi vendeur de fourrage devant Hayatt, cela en vaut la peine. « Chaque année, après la saison pluvieuse, je viens en ville pour chercher un peu de sous. Il est actuellement difficile de trouver de l’herbe fraiche. Je suis obligé de me réveiller à 5 heures du matin, de pédaler mon vélo jusqu’à Diarradougou, près de 15 km de la ville afin d’apporter quelque chose à mes clients le soir aux alentours de 16 heures », fait-il savoir.

Ce sont ainsi de nombreuses familles de la ville de Bobo-Dioulasso qui tirent leurs revenus du commerce de fourrage. Selon M. Niampa, ce travail est sa seule source de revenus et toute sa famille y trouve son compte. « Ce travail me permet de subvenir aux besoins de ma famille depuis près de 5 ans. Sur un tricycle bien chargé d’aliments à bétail que j’achète à 25 000 F, je peux avoir 7 000 F CFA ou plus comme marge, après avoir donné quelque chose à mes enfants qui mettent en tas », relate-t-il.

Siaka Ouattara, père de sept enfants, s’en tire également à bon compte. « Si je prends l’intégralité d’un tricycle de 25 000 F CFA, je peux le vendre et me faire un bénéfice d’au moins 10 000 F CFA. C’est avec ce revenu que je paye la scolarité des enfants ainsi que les frais de gestion de la maison », développe-t-il. Au même titre que M. Dapou, Adama Drabo dit pouvoir faire une recette journalière d’au moins 2 000 à 3 000 F CFA, ce qui lui permet de s’occuper de sa famille installée à Tougan.

Des clients satisfaits

Comme tous les soirs, Sounaly Sessouma est venu chercher de quoi nourrir son bœuf. « J’achète généralement des tiges de maïs et des herbes, mais aujourd’hui j’ai opté pour les tiges de maïs car elles sont bien fraîches comme l’apprécie mon animal », dit-il. Selon lui, les vendeurs doivent améliorer moyennement la qualité du service.

« Je suis satisfait de la qualité des produits, mais le poids est très insignifiant, s’ils peuvent

Maimouna Semdé propose quotidiennement une variété d’aliments pour bétail aux éleveurs.

revoir ce point, cela nous fera plaisir », suggère-t-il. A l’opposé de M. Séssouma, Abdoul Karim Ulrich Hébié, étudiant habitant Belle-ville, est indulgent à l’endroit des vendeurs et avance l’argument selon lequel la quantité du fourrage serait fonction de la rareté de la denrée.

« Je viens périodiquement acheter du fourrage pour mes moutons. Je n’accuse pas les vendeurs, car tout le monde sait qu’en saison sèche, il n’est pas aisé d’avoir de l’herbe fraîche. Les vendeurs parcourent de longues distances pour s’approvisionner. Donc, c’est normal que le prix et la quantité soient impactés », se montre-t-il compréhensif.

Dans le même ordre d’idée, Ahmed Diarra reste conscient que le volume du fourrage est considérablement revu à la baisse. Mais il reste tout de même compréhensif. « Concernant le prix qui est à 50 F CFA et le volume du tas, je les comprends car ils disent que les producteurs ont rehaussé le prix », justifie-t-il.

Le manque de tricycle

Malgré les revenus financiers que procure cette vente de fourrage, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Des difficultés, il n’en manque pas. L’une des préoccupations majeures de Amad Niampa reste le problème de déplacement. « Si tu n’as pas de tricycle, comme nous, tu es obligé d’en louer afin d’acheminer tes marchandises. Cela te revient très coûteux, diminuant ainsi tes gains », confie-t-il. Comme lui, Mohamad Aly Dapon du pont d’Accart-ville pense qu’un tricycle comme aide des autorités serait un grand atout pour eux. «

L’acquisition d’un tricycle rendra notre travail beaucoup plus facile et nous permettra d’être plus indépendants », justifie-t-il. Siaka Ouattara, quant à lui, cherche un financement pour plus de sécurité et de protection de ses marchandises. « S’il y avait une banque pour nous faciliter l’accès aux prêts, j’allais construire un hangar en bonne et due forme pour protéger le fourrage de la poussière, du soleil, des animaux en divagation et des personnes malintentionnées qui les volent la nuit », avance-t-il impuissant.

Adama Drabo trouve le travail très pénible avec la bicyclette. « Si seulement je pouvais avoir un moyen de déplacement plus habilité comme une moto et un tricycle, cela impacterait positivement mon travail et améliorerait la qualité de mes services », insiste-t-il.

Sosthène SOMBIE (Stagiaire)

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