Village Troglodyte de Nianssogoni : une « forteresse » séculaire en quête de valorisation

Le village troglodyte de Nianssogoni fait partie du patrimoine touristique de la région des Cascades. Situé dans le village administratif de Nianssogoni (dans la commune rurale de Loumana) dont il tire son nom, à une quarantaine de kilomètres de Sindou, ce site touristique perché sur une colline fait partie intégrante de l’histoire du peuple Wara. Nous sommes allés à la découverte de cette forteresse séculaire logée à environ 400 m d’altitude. Zoom sur un site touristique plein d’enseignements.

Jeudi 17 novembre 2022. Il est 8 h 55 mn. La fraicheur matinale se dissipe progressivement avec le soleil qui commence à laisser filer ses premiers rayons de la journée. Nous sommes à Nianssogoni, plus précisément au campement du site touristique dénommé village troglodyte de Nianssogoni.

Nous venons de parcourir difficilement en deux heures, la quarantaine de kilomètres (km) qui sépare la ville de Sindou de ce village de la commune rurale de Loumana. Le campement est situé au pied de la colline abritant le site touristique. De loin, l’on aperçoit déjà la crête de la colline. Nous nous préparons pour braver une altitude d’environ 400 m (343 m selon des chiffres de la direction générale de la valorisation et de l’aménagement touristique). Le principal guide touristique du site, Richard Traoré, nous prévient de nous débarrasser de nos vêtements lourds. Il fera chaud sur la colline, dit-il, au fur et à mesure que le soleil grimpe dans le ciel. Catéchiste du village, Richard Traoré tient au site comme à la prunelle de ses yeux. Il fait partie des premiers acteurs à avoir mis au grand jour le village troglodyte. « Au début, les vieux du village étaient réticents. Le lieu est sacré. Donc, il n’était pas question pour eux de l’ouvrir à tout le monde », relate-t-il. Avec son insistance, il finira par convaincre les détenteurs des traditions du village du bien-fondé de son projet, de faire connaitre cet ancien village perché. Le site représente pour sieur Traoré, un pan important de l’histoire du peuple Wara. A l’écouter, les démarches auprès du ministère en charge de la culture pour la prise en compte du site dans le patrimoine touristique national ont été entamées aux débuts des années 2000, sous l’ère du ministre Mahamoudou Ouédraogo. C’est avec plaisir qu’il nous apprend que le village troglodytes a été primé « meilleur site touristique de la région des Cascades » en 2016 dans la compétition « Trésors du Faso ».

Des constructions restées intactes

Le chef du village de Nianssogoni, Salia Traoré : « notre histoire est liée à la colline. C’est un lieu sacré pour nous ».

Nous commençons notre ascension. Aucun aménage-ment n’a été encore fait pour faciliter la montée des visiteurs. Seul le guide, sa canne en main, maîtrise l’itinéraire. Après 40 mn d’escalade ponctuée de petites poses, nous rencontrons les premiers signes de vie sur les lieux. Une population de baobabs montre à première vue, à souhait, que les lieux ont été jadis habités. C’est le début d’une matinée de cours d’histoire avec ce « religieux » épris de culture. Il est lui-même né sur la colline et y a vécu. « J’ai fait mon école primaire au début des années 1970 étant sur la colline », raconte-t-il. Le guide nous fait découvrir une petite excavation entourée d’une pile de grosses pierres qui servaient de parc à bétail. Un peu plus loin, nous faisons une pose sur une petite plateforme rocheuse. C’est là où étaient aménagées les meules des différentes familles qui servaient à moudre le grain. Avant de poursuivre, notre compagnon du jour attire notre attention sur une rangée de grosses pierres qui ceinturent la colline.

C’est une disposition de guerre pour contrer l’ennemi en cas d’attaque. « Si un ennemi tente d’accéder au village, on pousse les pierres pour les déverser sur lui », explique-t-il. Nous débouchons enfin sur les premières constructions. Sur le flanc de la falaise sont agglutinés des dizaines de greniers et de cases, couleur ocre, construites à base d’argile de termitières. L’architecture est restée quasi-intacte malgré le temps. Seules les toitures en chaume des cases n’ont pas résisté au temps. Cette conservation s’explique. La crête de la colline débordant sur les lieux (sous forme d’auvent) a su protéger les constructions des intempéries. De la grotte d’initiation à la maison des initiés, en passant par la grotte à palabre, la maison du chef des initiés et bien d’autres, Richard Traoré nous fait visiter les vestiges et symboles de la tradition Wara. Le site est séparé en deux par un fil rouge : une partie sacrée réservée seulement aux initiés et une deuxième autorisée aux touristes et aux non-initiés.

Un site séculaire

Le village troglodyte de Nianssogoni est une forteresse séculaire logée à environ 400 m d’altitude.

La date exacte de la première occupation du site n’est pas connue, mais selon notre guide, elle remonte à l’époque des guerres tribales entre le 14e et 19e siècle. « J’ai 55 ans et je suis né ici, mes parents aussi sont nés trouver leurs parents ici », laisse entendre Richard Traoré. Le vieux village s’est définitivement vidé de ses habitants au début des années 1980, se remémore le guide. Pour le chef du village de Nianssogoni, Salia Traoré, c’est pour se prémunir des guerres tribales que ses ancêtres avaient élu domicile sur la colline. « Je suis né sur la colline et j’y ai passé toute ma jeunesse. Selon les devanciers, nos ancêtres sont montés à cause des guerres tribales », relate le vieux pour qui, la falaise représente tout un symbole. « Notre histoire est liée à la colline. C’est un lieu sacré pour nous. Nous y montons deux fois par an pour des sacrifices », affiche le chef. Le fait que l’époque des guerres tribales soit révolue, le difficile accès à l’eau sur la colline, sont entre autres les causes qui ont précipité les derniers habitants de la colline à descendre et se confier au chef du village. Il reconnait par ailleurs que le site touristique est devenu célèbre et a beaucoup contribué au développement de Nianssogoni. Un dispensaire, un collège d’enseignement général, des forages ont été réalisés pour le village par des amis touristes.

Baisse de la fréquentation

C’est la période des vaches maigres pour les guides touristiques du village troglodyte. Les touristes se font rares, voire très rares alors que les lieux ne désemplissaient pas, témoigne Richard Traoré. « En six mois, d’octobre à mars, nous pouvions accueillir 800 touristes internationaux. Dans les années 2010, il y a 200 touristes expatriés qui sont venus passer trois nuits ici », se rappelle le guide, avec un grain de nostalgie. Le coupable est tout trouvé pour lui : ce sont les crises sanitaire et sécuritaire, c’est à dire Ebola, la COVID-19 et le terrorisme. Le Directeur provincial (DP) en charge de la culture par intérim de la Léraba, Vincent Nikiema, reconnait que le Village troglodyte est l’un des sites touristiques majeurs de la province. A l’image des autres sites (les pics de Sindou, les cavernes de Douna, le mont Ténakourou …), Nianssogoni subit de plein fouet l’insécurité, à en croire le DP. « L’insécurité a un impact évident sur le tourisme dans la province. Surtout quand nous prenons le cas du Village troglodyte de Nianssogoni, où la majeure partie des visiteurs étaient des expatriés », regrette Vincent Nikiema.

Les conséquences, c’est toute une chaine qui est paralysée, de l’hôtel au restaurant en passant par les guides touristiques. « L’économie du tourisme est agonisante dans cette période de crise sécuritaire et sanitaire », s’alarme le directeur provincial. Et d’ajouter que Nianssogoni pouvait avoir 2 000 visiteurs par an contre moins de 10 visiteurs par mois actuellement. Et le directeur régional de la Culture, des Arts et du Tourisme des Cascades, Boukary Malgoubri, d’emboucher la même trompette. Le tourisme dans la région, dit-il, à l’image du niveau national, connait une baisse considérable. « Au niveau national, on connait une baisse de 23,5% d’arrivée dans les différents établissements touristiques d’hébergement », révèle le directeur régional. Et d’insister que le fait que le tourisme burkinabè soit essentiellement récepteur explique aussi qu’il ne soit pas aujourd’hui au beau fixe. Pour Boukary Malgoubri, le secteur du tourisme au Burkina Faso souffre véritablement d’un problème d’aménagement. « Le secteur, de façon générale, manque de ressources. Le tourisme demande de gros investissements », affirme le directeur régional.

Aménagement du site en vue

Madi Zongo est le Directeur régional de l’Ouest (DRO) de l’Office national du tourisme burkinabè (ONTB). Les principales missions de l’ONTB sont la promotion de la destination Burkina Faso, l’aménagement et la gestion des sites touristiques, fait-il savoir. Pour ce faire, l’office signe des protocoles d’accord avec les collectivités abritant le site et les communautés locales, pour une meilleure gestion. Mais d’autres étapes que sont l’inventaire et la protection juridique précèdent l’aménagement et la promotion. Pour le cas de Nianssogoni, le site a fait l’objet d’un inventaire par la Direction générale de la valorisation et de l’aménagement touristique (DGVAT) en 2012 et a été répertorié sur la liste nationale des sites touristiques. Pour défaut d’un protocole de gestion, l’ONTB n’assure pas présentement la gestion proprement dite du site. « Notre objectif est de mettre en place un dispositif pour améliorer la gestion du site et aboutir à un protocole d’accord de gestion dans les années à venir », annonce le DRO. Le président de la délégation spéciale de Loumana, Modeste Samba, lui, n’a qu’une seule préoccupation : la construction de la route menant au site, de Sindou à Nianssogoni. « Pour arriver sur le site, c’est la croix et la bannière. Il ne faut pas que l’Etat donne l’impression que la commune est oubliée », lance le PDS. Selon ses dires, au-delà de Nianssogoni, l’ensemble des 19 villages administratifs de la commune regorgent d’une potentialité touristique énorme.

Alpha Sékou BARRY

alphasekoubarry@gmail.com

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