Les Etalons juniors sont rentrés de leur expédition de Maradi avec trois défaites, comme bilan de leur participation à la 21 CAN des U20. Ces résultats décevants ont fait couler beaucoup d’encre et de salive au Burkina Faso. De retour du Niger, le sélectionneur des Etalons U20, Séraphin Dargani, revient sur la débâcle et situe les responsabilités.

Qu’est-ce qui n’a pas marché à Maradi ?

Ce qui n’a pas marché est qu’on n’a pas gagné et qu’on n’a pas marqué de buts. La chance devant les cages ne nous a pas souri. C’est ce qui justifie notre retour prématuré au pays.

Pensez-vous que le Burkina Faso s’est déplacé avec les meilleurs éléments ?

Oui. C’est moi qui fais la sélection avec la collaboration de mon staff. Ensemble, nous avons un groupe depuis les cadets. Dans cette catégorie, on a été éliminé par le Ghana en 2016. Par la suite, j’ai été nommé à la tête des juniors pour la continuité. Nous avons continué avec les mêmes éléments. Au fur et à mesure qu’on avançait, il y en a qui ne donnaient plus satisfaction. On était obligé de les abandonner et chercher d’autres personnes dans le championnat national de première division et à l’extérieur. Jusqu’à preuve du contraire, on avait la meilleure équipe pour Maradi.

Est-ce normal qu’une équipe qui va pour une compétition majeure se prépare avec une équipe bis, comme cela a été le cas au tournoi de l’UFOA ?

Je suis allé au tournoi de l’UFOA avec une équipe B parce que je ne pouvais pas avoir tous les joueurs. Les trois joueurs de l’ASEC d’Abidjan ne pouvaient pas venir tout comme ceux qui évoluent dans les championnats européens qui sont également au nombre de trois. Cheick Djibril Ouattara étant à l’extérieur ne pouvait pas nous rejoindre. Edmond Tapsoba et Franck Lassina Traoré n’ont également pas pu honorer la convocation. J’avais au moins une dizaine de joueurs qui ne pouvaient pas effectuer le déplacement de Lomé. Pour les dirigeants, il fallait coûte que coûte participer au tournoi, même si pour moi, il y avait la possibilité de sursoir à notre participation. Car je voyais déjà les défaites. Nous sommes allés très diminués à Lomé. Cela ne veut pas dire que ceux qui y étaient ne pouvaient pas faire le boulot. Effectivement, rien n’a marché.

Dans quel état d’esprit vous avez préparé le dernier match, surtout lorsque vous déclarez à la fin du match que si vous pouviez signer forfait, vous alliez le faire ?

Franchement comme je l’ai dit et je le répète, si on pouvait signer forfait et rentrer Ouagadougou, on allait le faire. Pourquoi ? D’abord, il y avait des garçons qui étaient complètement découragés. Au Niger, nous ambitionnons aller très loin. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Les remobiliser pour le dernier match pour l’honneur, a été très difficile. Nous avons perdu nos deux premiers matchs. Tout le monde était triste, certains pleuraient. Pour les remonter, j’ai confié ce travail à mes assistants parce que moi-même, il me fallait du recul. En dehors de cela, il faut reconnaître qu’on avait pas mal de blessures surtout en défense centrale.

C’est dommage. Nous n’avons pas pu aligner la meilleure défense possible. Notre défenseur central, Sékou Tall, a perdu sa cheville sur un crochet lors de la dernière séance de vivacité avant notre première sortie. Issiaka qu’on avait amené pour être latéral droit a été replacé dans l’axe comme défenseur central. Dans une sélection, il faut avoir deux à trois joueurs polyvalents. J’avoue que j’ai été surpris par ses prestations. Je tire mon chapeau à ce garçon que j’ai vu jouer à l’AS-Police comme latéral droit. Il a fait un grand tournoi. Pour moi, il est le meilleur des 21 joueurs à Maradi. Au troisième match, Tall était toujours forfait.

Nous nous sommes rabattus sur Gilbert Koné qui ne nous a pas satisfaits lors des deux premiers matches. C’est l’une des rares fois que ce garçon n’a pas assuré. Komi, c’est vrai, est teigneux, mais au vu de sa petite taille, n’avait pas le profit international d’un défenseur central. Il perdait les duels aériens. Et c’est lors d’un de ses duels qu’est venu le but assassin des Maliens. Lui, entre-temps aussi, s’est blessé au cours du match, tout comme Issiaka. Dans cette configuration, il fallait reculer un milieu de terrain. Et c’est là qu’on a été vite débordé.

Vous avez laissé entendre que vous n’avez pas les coudées franches pour travailler. Qu’est-ce que vous avez voulu dire ?

Lors des sorties des équipes pour des matches à l’extérieur, des personnes de la fédération ou du ministère sont de la partie.
Pour moi, un chef de mission fait partie de la délégation. Il ne doit pas seulement se contenter d’observer et de faire son rapport. Il doit être en mesure de résoudre aussi bien les problèmes administratifs que financiers. S’il y a un problème dans l’encadrement, tout le monde s’assoit sur la même table et on en parle.

Et cela reste dans la mission. Des comportements nous ont beaucoup affectés lors de nos différentes sorties. Des gens ont écrit et certains ont estimé qu’il y avait des joueurs qui n’avaient pas le niveau. C’est comme si je porte ma chemise et tu trouves qu’elle n’est pas belle alors que je n’en ai pas d’autres. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Que je marche torse nu ? Ceux qui critiquent ne tiennent pas compte de ces paramètres. Dans le choix des joueurs, je peux vous confirmer qu’il n’y pas d’immixtion.

J’ai arrêté la liste des sélectionnés avec mes adjoints. Depuis que je travaille, à chaque regroupement, je demande à mes assistants de me proposer une liste de joueurs. Ensuite, on se réunit et chacun défend ses choix. Après cette phase, le dernier mot me revient. Le seul joueur qui n’était pas sur ma liste des 30, c’était Komi. Il a rejoint la sélection à la suite du forfait de Edmond Tapsoba.

Est-il vrai que le staff technique était divisé à Maradi ?

C’est à la suite de certains rapports qu’il y a eu de petits problèmes au sein du staff. Mais il s’agit plus de petites incompréhensions. Au départ, on avait besoin de nommer une autre personne. En réunion avec le vice-président chargé de la Commission des jeunes et la direction technique, il est ressorti qu’au sein du staff soit nommée une personne de la ville de Bobo-Dioulasso.

C’est pour qu’il ait un regard sur les joueurs évoluant dans cette ville. Ainsi, tous les staffs avaient un technicien issu de Bobo-Dioulasso sauf celui des juniors. Et quand la proposition m’a été faite, j’ai accepté et j’ai même dit que ce technicien sera un plus. C’est ainsi que Kébé est venu comme troisième entraîneur. A Lomé, lors d’un match du tournoi de l’UFOA, Kébé m’a fait savoir qu’on lui a dit de monter dans les tribunes parce qu’il y a un quota à respecter sur le banc.

C’est en ce moment que je me suis rappelé qu’on a eu un plus dans le staff technique. Je lui ai dit de monter dans les tribunes car de là-haut, il voit mieux et il pourra me donner des consignes. Ensuite, je me suis dit que comme il est jeune, il peut interpréter mon conseil autrement. Je me suis levé du banc et je lui ai dit qu’on va faire le contraire ; c’est moi qui irait dans les tribunes et lui sur le banc. Les autres membres du staff m’ont dit que si je fais ça, les journalistes vont dire qu’il y a un problème entre lui et moi. Donc je suis resté sur le banc et Kébé est monté dans les tribunes.

Après il est descendu pour échanger avec moi et on a obtenu notre égalisation. Des gens ont alors dit que c’est parce qu’il m’a parlé qu’il y a eu le but égalisateur. Ces interprétations ont créé des problèmes et les gens ont estimé que le staff était divisé. Or, nous avons toujours travaillé ensemble. Kébé a des connaissances en football. C’est quelqu’un de très gentil, il est jeune et il va beaucoup apprendre avec le staff technique.

A la fin du match contre le Sénégal, à quoi faites-vous allusion lorsque vous avez déclaré : « ne me mêlez plus de vos histoires de petites catégories » ?

Je ne me rappelle pas avoir dit ça. Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé. Ce n’est pas facile de prendre la parole après un choc. Il est difficile à ces moments de parler à son peuple, aux journalistes tout en sachant que tout le Burkina Faso vous écoute.

Le Burkina Faso est rentré au bercail avec trois défaites en autant de matches disputés. Quelle est votre part de responsabilité dans cette débâcle ?

Quand tout marche, c’est facile. Lorsqu’un entraîneur gagne un match, il arrive à s’expliquer aisément. Par contre, en cas de défaite, il s’explique difficilement. Il n’est pas aisé d’expliquer une défaite car elle n’est pas planifiée. On assume la défaite, on assume la débâcle. Aussi, je me suis dit que c’était un mois où j’avais très peu de chance.

A votre avis, le Burkina Faso peut-il compter sur cette cuvée pour l’équipe A, si on considère que la catégorie U20 est l’anti chambre des seniors ?

Tout à fait ! Je suis très confiant pour l’avenir de cette équipe. Mes employeurs sont d’ailleurs très contents de l’effectif. Ils m’ont dit que les joueurs méritaient d’être en équipe nationale junior. Mais comme je l’ai dit, on a manqué de chance dans cette compétition. Nous avons emmené les meilleurs joueurs à Maradi.

Il faut copier certaines équipes comme le Sénégal qui a participé à beaucoup de tournois à l’extérieur. Les Sénégalais ont participé à la coupe UFOA. Ils sont allés dans un pays arabe pour se préparer. Ensuite, ils sont allés en Europe pour poursuivre leur préparation avant de venir à la phase finale de la CAN. Pendant ce temps, on crie chez nous qu’il n’y a pas d’argent. Si on totalise tout ce que les joueurs et l’encadrement technique gagnent, ça coûte combien de millions ?

Et certains trouveront toujours que vous avez gaspillé de l’argent. Les autres sélectionneurs qui étaient au Niger étaient mieux payés. Il y a un parmi eux, je préfère taire son nom et le pays, qui a touché 20 millions de F CFA comme primes de qualification pour cette phase finale. Ce sont de tels actes qui encouragent le sélectionneur. Or, au Burkina Faso, l’ensemble des primes des joueurs, du sélectionneur et ses adjoints, des médecins et autres ne dépassent pas 10 millions F CFA.

Séraphin Dargani sera en fin de contrat en mars et a déjà annoncé son départ à Maradi. Quels conseils avez-vous à donner à votre successeur ?

Je lui dirai de travailler dur. Et le travail doit s’effectuer à deux niveaux. Le premier consistera à rechercher des joueurs qui ont le profil, le talent pour parvenir en équipe A. En plus, mon successeur doit œuvrer à gagner les matches, à gagner les trophées et à qualifier l’équipe pour la phase finale de la catégorie.

Quelle sera la suite de votre carrière ?

Pour le moment, je suis là. J’attends la fin de mon contrat en fin mars prochain. Peut-être que j’aurai d’autres propositions au pays ou à l’extérieur. On dit souvent que si Dieu te ferme une porte, c’est qu’il a prévu d’ouvrir une autre pour toi.

Fernand KOUDA
Ollo Aimé Césaire HIEN

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